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Innovation

« Le mobile est l’avenir du paiement par carte »

Créé le

20.02.2015

-

Mis à jour le

30.05.2016

Avant l’ouverture du Mobile World Congress, Gérard Nébouy revient sur l’importance du mobile dans le monde du paiement et détaille le chemin encore à parcourir avant que celui-ci devienne d’un usage courant.

Dans quelques jours commence le Mobile World Congress, où Visa est présent chaque année. Que représente ce salon pour un émetteur de cartes ?

Une façon d’être présent au milieu de tous les acteurs qui vont faire cette évolution vers ce que sera le monde des paiements de demain, puisqu’au fond le mobile représente l’avenir des moyens de paiement. C’est une façon de faire savoir ce que nous faisons, découvrir ce que font les autres, et comprendre pourquoi ils le font. C’est, une fois par an, un lieu d’échange privilégié.

Comment voyez l’évolution du paiement mobile en France ?

Il y a deux axes d'évolution : le paiement par mobile lui-même et ce qui va permettre au paiement par mobile d’exister. Pour que le paiement par mobile existe, il faut une infrastructure. Et ce n’est pas le mobile qui va créer l’infrastructure puisqu'il ne génère pas ou peu de paiements aujourd’hui. Quelles que soient les solutions, les volumes ne sont pas significatifs. Développer l’infrastructure avec le seul mobile n’aurait pas fonctionné. Pourtant, il faut faire évoluer l’équipement du commerce en face-à-face, puisqu’il servira en particulier pour les paiements de petit montant. Nous avons donc fait le choix d’équiper tous nos porteurs de cartes sans contact, ce qui permet de justifier notre demande auprès de commerçants de s’équiper de terminaux compatibles. Il y a aujourd’hui 18 millions de cartes sans contact Visa, 500 000 de plus tous les mois et 380 000 points de vente équipés de terminaux sans contact. C’est-à-dire un tiers à peu près des terminaux en France. Il faut aller plus loin dans cet équipement et dans l’acte de paiement par carte plastique, avant de franchir l’étape du mobile. La carte ne va pas pour autant disparaître, et continuera à occuper une place significative. Mais nous avons donné les moyens aux différents opérateurs et solutions mobiles de réaliser des paiements de petits montants en particulier avec la technologie NFC chez les commerçants. Cela commence à créer un réflexe d’usage, mais c’est le consommateur qui va décider. Nous n’avons pas la prétention de dire que telle solution est meilleure que telle autre. Nous irons avec tout le monde pour valider toutes les expériences et apporter notre savoir-faire dans chacun des schémas.

Qu’en est-il de votre expérimentation autour du HCE avec Worldline ?

Nous allons lancer ce mois-ci un pilote avec quatre banques, qui représentent les deux tiers du marché carte Visa en France. Avec 2 000 solutions déployées, cela reste un petit pilote par la taille. L’objectif est de vérifier que technologiquement, nous sommes capables de bâtir quelque chose qui marche, qui est sécuritaire et fonctionnel. Pour avoir, avant l’été, une solution plus conforme aux attentes des consommateurs. Mais c’est une solution parmi d’autres. Nous ne sommes pas encore dans une phase de généralisation. Le paiement par mobile sera déterminant en 2016-2017, car c'est dans cette période que les volumes augmenteront. Le mobile est clairement l’avenir du paiement par carte, et sera une révolution culturelle. Cela prend toujours un peu de temps. Et ce virage ne se fera pas sans les consommateurs.

En termes de paiement mobile, il y a aussi tout ce qui concerne les sites et applications mobiles. Et pour ces sites, 3D Secure pose problème, car il n’est pas du tout pensé pour le mobile. Quelles solutions pourraient le remplacer ?

Il faut mettre en œuvre des solutions pour rendre le parcours client fluide. 3D Secure est incontournable dans la sécurité des paiements par Internet aujourd’hui et tout le monde est d’accord sur ce point. Nous avons plus de 55 % des commerçants équipés en France et cela fait chuter la fraude. Le principal obstacle qui freine le paiement à distance est la complexité de la démarche :  le consommateur n’y arrive pas et abandonne les transactions. Dans l'Internet classique, le taux d’abandon dans une transaction sans sécurité est de 13 %, il est de 17 % sur 3D Secure : l’écart n'est pas plus significatif. Dans le monde du paiement par mobile en revanche, d’énormes difficultés subsistent. Les wallets sont là en partie pour ça, la sécurité étant gérée autrement.

D’ailleurs V.me doit bientôt être disponible en France ?

V.me sera émis d’une façon significative par au moins trois grands réseaux bancaires : Banques Populaires, Caisses d’Épargne et LCL. Nous sommes en train de recruter les commerçants. Nous couvrons aujourd’hui un montant insuffisant des e-commerçant français, c’est-à-dire qu’ils ne représentent que 3,5 % des volumes. Notre objectif est de couvrir plus de 25 % des volumes du Net avant la fin de l’année 2015. Ce qui permettra un début de déploiement très classique. Comme le paiement sans contact, simplement encore plus complexe. Parce qu’on ne modifie pas simplement une norme en disant que tous les TPE qui seront fabriqués demain auront telle caractéristique et au fil du renouvellement du parc des terminaux, cela se fera tout seul. Il faut que le commerçant adapte sa solution. Nous avons travaillé d’abord sur une couche invisible de la part du grand public : les PSP pour qu’ils soient tous agréés VISA. C’est fait. Maintenant, il faut travailler sur le commerçant lui-même. C’est en cours. Nous avons démarré un peu plus tard que d’autres, mais nous serons rapidement au même niveau sinon mieux et nous sommes aidés par toutes les banques, même celles qui ne distribuent pas notre wallet, car c’est le seul paneuropéen. Aujourd’hui avec votre carte, dans votre wallet de Caisses d’Épargne, vous avez déjà accès à 35 000 e-commerçants en Europe. Nous allons ainsi créer le réflexe consommateur, et après tout s’enchaînera. Le mobile en est le support le plus évident : très peu de personnes n’ont pas de mobile avec eux. Marchez sur un trottoir, qu’est-ce que vous voyez ? Des gens avec des mobiles à la main. Donc à la question de savoir s'il sera pratique et rapide de payer avec le mobile ? Bien sûr, puisque nous l'avons déjà dans la main. Pour le paiement de proximité, ça va aller très vite. Pour le paiement sur Internet, à travers le mobile, cela se fera aussi mais avec un peu plus de délai. Et il n'y aura pas de retour en arrière.

Enfin, nous parlons aujourd'hui du mobile, mais il faut aussi regarder un peu plus loin, dans les offres présentées par les industriels, par exemple les montres… Le mobile restera peut-être dans la poche au profit d’un lecteur qui sera au poignet. Mais en tout état de cause, les industriels avancent déjà l’étape suivante. Nous avons le devoir en tant qu’industrie lourde de déployer ces solutions-là.

Certains s'interrogent sur la sécurité de ces technologies, et si les fraudes restent possibles. C'est évidemment le cas, tout comme dans le système carte aujourd’hui avec EMDV. Mais il faut limiter la fraude à un niveau où elle soit acceptable pour tout le monde et cet objectif est aujourd'hui atteint : la fraude n'a jamais été aussi basse dans le système carte. Quant à la fraude dans les paiements sans contact, elle est plus faible encore. Personne ne peut démontrer que le déploiement du paiement sans contact, par carte ou par mobile, génère un risque systémique insupportable pour la nation ou pour l’Europe.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº782