Intelligence artificielle (IA) : dans l’esprit collectif, ces deux mots évoquent souvent la complexité et l’élitisme. D’ailleurs, seuls 7 % des collaborateurs pensent qu’elle est utilisée dans leur
Les institutions financières, et notamment les Wealth & Asset Managers (WAM), ont largement observé ce qui avait été ainsi fait en BtoC. Elles perçoivent bien les possibilités offertes par l’IA et ont conscience du fait que, lorsqu’elle est correctement appliquée à leurs processus, elle peut constituer un avantage concurrentiel certain. Dans les faits, les institutions financières sont encore en phase de tâtonnement et d’hésitation, qui corroborerait le sentiment d’élitisme évoqué plus haut. Ces institutions ont quasi toutes lancé des PoC (Proof of Concept) d’IA appliqués à leurs activités. Mais si on se concentre sur les WAM, on observe qu’une majorité d’entre eux sont seulement en phase de tests, voire n’ont que manifesté l’intention de lancer des projets intégrant l’IA.
Pourtant, les possibilités d’optimisation des activités sont nombreuses. Par exemple, un processus commun à l’ensemble de cette industrie concerne la connaissance client (KYC) qui, assisté par l’IA, permet de mieux répondre aux enjeux commerciaux, réglementaires, de compétitivité et de performances financières.
L’IA intégrée à la digitalisation du contact client
La chaîne de valeur du KYC commence dès le processus d’entrée en relation. Et dès ce moment, les WAM font face à deux défis :
- la fidélisation des clients. Les comportements de ceux-ci ont été profondément modifiés par les nouvelles habitudes de consommation : numérique, relation à distance, utilisation massive des plates-formes web et applications des smartphones ;
- la captation de nouveaux prospects qui apprécient les nouvelles technologies. Une cible de choix se présente. De plus en plus de millennials (personnes nées entre 1980 et 1995) cherchent à placer leurs fonds sur des supports rentables dans un contexte économique morose. Or ils recherchent la simplicité, la rapidité et l’efficacité… ce qu’ils ne trouvent pas chez les WAM traditionnels.
- les sociétés spécialisées dans la détection et les outils de Case Management (PEGA system, BAE, IBM, Actimize, etc.) ;
- des sociétés créées par les autorités financières (Fundsquare au Luxembourg) ;
- des joint-ventures de sociétés expertes dans le traitement de la donnée (KYC 360° de Docapost & Vialink) ;
- des RegTechs ou FinTechs développant un service dédié (B4Finance, Trulioo, Onfido, SnapSwap, Telindus, Chekk, Suade, etc.). Précisons que, selon l’étude réalisée par SIA Partners et AEC Fintech en 2018 auprès de 80 RegTechs
européennes , l’asset management reste le secteur financier le plus visé (46 %) par ce type de start-up.[2]
En outre, la mise en place de coffres-forts électroniques permet de rendre accessible les informations depuis n’importe quel terminal informatique et assure une sécurité dans les échanges. Ceci constitue un atout indéniable pour des clients de plus en plus mobiles et exigeants.
L’alliée du gestionnaire
La sécurisation des données intéresse également le gestionnaire. L’ajout de fonctionnalités biométriques permet d’assurer l’identification correcte des utilisateurs et des tiers mentionnés dans le dossier KYC. L’utilisation de la donnée téléphonique pour identifier les clients (3D Secure) est aussi appréciée dans le cadre de la sécurisation des accès aux informations.
Enfin, le chargement via des formats prédéfinis permet un traitement simplifié et automatisé des documents afin de compléter les bases clients et de croiser les différentes informations en vue de respecter les obligations en matière de lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme et la fraude.
En synthèse, grâce à l’IA, dès l’entrée en relation, les établissements passent d’un processus long, en format papier, à un processus digital, agile et adapté aux contraintes réglementaires.
Un accélérateur du traitement des obligations réglementaires
Comme le souligne Domitille Dessertine, directrice de la Division FinTech, Innovation et Compétitivité de l’AMF, dans le Livre Blanc RegTech 2019 publié par France FinTech et Julhiet Sterwen, « Les RegTechs se développent considérablement […] ; à ce jour, la plupart des projets concernent le domaine bancaire et portent sur les problématiques de connaissance clients (KYC), de lutte anti-blanchiment ou encore d’analyse de crédit. » L’IA mise en œuvre par plusieurs RegTechs peut en effet avoir un apport particulièrement fort pour l’optimisation du traitement réglementaire des dossiers KYC. Le volume d’information à collecter dans le cadre du respect des réglementations internationales est en effet de plus en plus important. Les éditeurs spécialisés créent donc des moteurs de plus en plus puissants pour analyser les données transmises par les clients, mais aussi de les confronter à des données extérieures. La robotisation et l’intégration de l’IA dans les processus de traitement constituent ainsi une véritable opportunité.
L’intelligence artificielle est très utile à l’analyse des données et des transactions clients afin de vérifier les éventuelles expositions à des risques réglementaires (CRS-FATCA, MIF 2, LCB-FT, sanctions). Les moteurs de screenings dotés d’IA permettent d’affiner la détection tout en analysant un volume d’informations considérable en un temps record. Ces analyses permettent de faire apparaître des signaux faibles d’exposition à des risques réglementaires. Elles permettent de diminuer drastiquement le nombre de faux positifs générés par des rapprochements approximatifs de données clients avec les listes de sanctions internationales. Les éditeurs avancent des performances très variables des moteurs d’analyse qui permettraient de baisser jusqu’à 60 % le nombre de faux
Les spécialistes du KYC externalisés ont aussi développé des robots basés sur des technologies de type
Outre l’enregistrement et le traitement, l’IA propose aussi des solutions d’agrégation de données externes complémentaires permettant d’affiner la connaissance du client et de rechercher les informations à caractère négatif (negative news) impactant le risque réputationnel des clients.
Enfin, la RPA et l’IA peuvent aussi être utilisées dans le cadre du RGPD lors de la phase d’anonymisation ou de pseudonymisation recommandée par la CNIL dans le traitement des données personnelles. Ce traitement intervient en toute fin de chaîne de valeur.
L’assemblage de ces technologies industrialise le KYC et permet à l’humain de se concentrer sur la création de valeur ajoutée.
Mettre l’humain au centre de l’activité tout en réduisant des coûts
Les utilisations décrites précédemment ont un autre avantage essentiel : la diminution des coûts de traitement. L’intelligence artificielle, la robotisation et la digitalisation modifient profondément les organisations front, middle et back-offices. Il n’est plus nécessaire de mobiliser autant de ressources qu’auparavant sur les traitements des dossiers et l’analyse réglementaire. Les établissements peuvent choisir de rationaliser leurs coûts de traitement ou de réaffecter leurs équipes sur des tâches à plus forte valeur ajoutée. Les métiers de front office peuvent ainsi, par exemple, dégager plus de temps sur les activités de vente et de gestion des portefeuilles clients. Les équipes de middle et back-office peuvent se focaliser sur les opérations et les analyses inhérentes aux activités de gestion de fonds.
Cette approche permet de revaloriser des métiers exigeant expertise et technicité. En effet, ces dernières années, les opérationnels avaient été profondément impactés par les impératifs réglementaires (collecte des informations, explication des réglementations, analyse, suivi, etc.) et les gestionnaires devaient consacrer une importante part de leur production à des travaux réglementaires. Selon une enquête de Forbes de juillet
Quelles suites à donner ?
Les institutions financières sont bien au fait des optimisations que pourrait apporter l’IA sur l’ensemble de la chaîne de valeur du KYC. Elles sont cependant frileuses : peu d’acteurs souhaitent prendre le risque de transformer la totalité du processus, préférant se contenter de POC sur des périmètres restreints.
Nous sommes toutefois optimistes sur les perspectives. Un benchmark mené par le cabinet Julhiet Sterwen en décembre 2018 auprès de 10 institutions financières françaises de premier ordre indiquait que 100 % des répondants souhaitaient intégrer l’IA dans les 3 années à venir. Il ne reste plus qu’à franchir le pas… D’autant plus que l’application de l’IA fait ses preuves sur le reste de la chaîne de valeur des WAM : le data mining, l’accès à de nouvelles sources de données, l’analyse prédictive améliorent la qualité de service. Les tendances à court terme sont anticipées et l’allocation des fonds est optimisée. L’optimisation par l’IA doit être vue dans son ensemble et ne pas se concentrer uniquement sur les centres de profits.