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Développement durable

Concilier business et impact positif dans la banque pour un futur meilleur

Créé le

10.07.2019

-

Mis à jour le

12.07.2019

À l’heure des grands défis pour la société, les banques souhaitent, au travers de leurs stratégies, concilier business et impact positif pour un avenir meilleur. L’État ne peut pas tout et les banques doivent être des acteurs utiles et engagés dans les transformations actuelles. Dans quelle mesure la banque peut-elle allier performance et contribution à l’intérêt commun de la société ?

Confrontées à la transition énergétique, au dérèglement climatique, à la digitalisation, les banques et les grandes entreprises prennent un virage important dans leurs stratégies et agissent en prenant en compte les enjeux de la société dans son ensemble, car les États ne peuvent pas tout faire. Dans leurs décisions, les banques doivent agir en tant qu’acteurs responsables de la société. Toutefois seront-elles capables de devenir des leaders de l’impact positif tout en restant des leaders économiques ?

Un acteur majeur de la vie économique

Si l’on doit parler d’impact, rappelons d’abord qu’en termes d’utilité à la communauté, les banques emploient 366 200 collaborateurs en France. En 2017, le secteur bancaire a réalisé 42 200 embauches, dont les deux tiers en CDI et 61 % recrutés au statut cadre. Selon l’OCDE, la banque est l’un des six principaux atouts de l’économie française ; 60 % du financement de l’économie provient en effet de banques, contre 30 % de l’autre côté de l’Atlantique. Les crédits aux entreprises ont représenté 965 milliards d’euros à fin 2017, et les crédits aux ménages 1 160 milliards d’euros dont 954 milliards d’euros pour le financement du logement. Nous avons également 37 209 agences bancaires, 56 649 distributeurs automatiques et il a été assuré en 2017 pas moins de 22 milliards d’opérations de paiements. Selon l’Observatoire de la microfinance, 99 % des Français ont un compte bancaire. Sur le terrain financier, les banques représentent une contribution de 2,1 % de la valeur ajoutée totale en France. La banque est bien un acteur majeur de la vie économique française. Alors en quoi la banque a-t-elle besoin de se poser la question de son impact ?

La banque est une entreprise spéciale, car elle a une capacité à contraindre d’une part et à accompagner d’autre part. En effet, le banquier peut décider qu’il ne souhaite plus financer les entreprises ayant un lien avec le charbon d’un côté, et de l’autre, il peut mettre sur la table 155 milliards d’euros (exemple de la banque BNP Paribas) de financement en faveur de la transition énergétique et des secteurs considérés comme contribuant directement aux objectifs de développement durable des Nations unies. C’est cette opportunité de positionnement que la banque doit exploiter pour à la fois agir sur l’avenir de la société et ses préoccupations et continuer à jouer son rôle de financement de l’économie réelle au travers de projets responsables et ambitieux dans un monde qui change et pour un avenir meilleur.

Devenir un leader de l’impact positif

La banque est aussi cet organisme dont 84 % des Français sont satisfaits mais auquel seulement 64 % font confiance [1] . Ceci s’explique en partie par la crise de 2008, pour laquelle les banquiers sont tenus pour responsable. Les scandales qui ont suivi ensuite n’arrangent pas non plus l’image de la banque. La banque est aussi, depuis toujours, le symbole du capitalisme dur, avec comme seule motivation la recherche du profit à tout prix. Le leadership économique est reconnu, mais la banque doit se réconcilier avec la société pour devenir le tiers de confiance recherchant le bien commun pour aboutir à ses profits. Les Français ont besoin davantage d’engagement pour faire confiance à leur banque, de plus de services ; les clients veulent du « positive banking ».

La banque cherche donc à devenir un leader de l’impact positif et s’inspire de nombreuses théories. La première est que l’entreprise ne peut pas avoir une vision focalisée uniquement sous le prisme des actionnaires. Dans l’approche classique propre à Milton Friedman [2] , les managers d’entreprises voient une seule partie prenante à prendre en compte dans leur décision : les actionnaires. R. Edward Freeman [3] a développé une théorie révolutionnaire de la stratégie d’entreprise permettant aux managers une vision plus ouverte sur la société dans son ensemble et plus objective sur la réflexion à mener par les entreprises dans la poursuite de leur activité commerciale. L’idée principale est que l’entreprise, et plus particulièrement la banque, a plusieurs interactions internes et externes à son organisation. Ces « organisations » sont toutes aussi concernées par les décisions prises par l’entreprise et doivent être intégrées dans la réflexion du manager tout autant que l’actionnaire qui devient dans ce modèle une partie prenante comme une autre. Désormais, l’intérêt des différentes parties prenantes doit être pris en compte au-delà de l’unique intérêt de la finance qui devra faire avec une réflexion plus large qu’une vision de profit. Dans sa prise de décision pour avoir le meilleur impact possible, la banque doit négocier avec les parties prenantes le meilleur choix possible.

Les parties prenantes représentent ici les actionnaires qui partagent donc leur rôle, même si, sans être naïf, leur pression reste importante surtout dans une banque, les parties prenantes internes que sont les salariés en quête de sens et d’équilibre professionnel et privé, et les syndicats acteur engagé pour les salariés de l’entreprise, les partenaires opérationnels qui sont les clients, fournisseurs, sous-traitants et partenaires économiques, la communauté sociale qui désigne les services publics, les médias, les ONG, les associations, la communauté environnante et la société civile dans son ensemble et pour finir, l’environnement naturel qui est un élément déterminant dans les décisions des entreprises au travers des conséquences de leurs actions sur l’environnement, le climat et sur la planète. La banque construit son profit avec toutes ces pressions sociales et environnementales. La responsabilité sociale et environnementale (RSE) est intégrée dans la stratégie, le greenwashing est révolu.

Commencer par se demander pourquoi ?

La banque souhaite ainsi devenir ce leader inspirant agissant pour le bien collectif et un avenir meilleur. C’est selon cette philosophie que la banque BNP Paribas a intégré à son Comex une direction de l’engagement en 2017, une décision majeure qui montre l’importance que la banque souhaite donner à cette démarche. L’entreprise compte inspirer plutôt que « manipuler » au sens de Simon Sinek [4] , par des prix, des produits ou des promotions, etc. Simon Sinek, dans son ouvrage « Commencer par pourquoi » [5] , a développé le concept du cercle d’or (schéma), ce dernier montre que nous pouvons aller beaucoup plus loin si nous nous souvenons de tout commencer en nous demandant toujours « Pourquoi ». Il révèle de quelle façon les entreprises leaders ont été capables d’inspirer à des personnes de passer à l’action plutôt que de les manipuler pour qu’elles agissent. Cette façon de faire permet non seulement de ne plus manipuler, mais également de développer le leadership, la culture d’entreprise et la fidélisation aussi bien des clients que des collaborateurs.

Cette nouvelle stratégie coïncide aussi avec la loi PACTE et le rapport Notat Senard. Les auteurs ont la conviction que l’entreprise a une raison d’être et qu’elle doit contribuer à l’intérêt collectif, partant du principe que le rôle de l’entreprise est différent de la recherche de l’intérêt général mais que les attentes sont croissantes à l’égard des entreprises concernant les défis environnementaux et sociaux. L’entreprise doit prendre conscience de l’impact de son activité sur les parties prenantes et la gouvernance d’entreprise doit prendre en compte le sujet dans sa stratégie et définir sa raison d’être. Cette raison d’être est la clé à venir, pour aboutir à la réconciliation des banques avec la société. Elle devra être le guide d’une banque actrice engagée au quotidien, aussi bien dans le quartier où elle est implantée que dans la stratégie générale.

Une préoccupation partagée

Cette préoccupation d’impact positif est le sujet de beaucoup d’entreprises. Nous avons regardé le cas de Carrefour, avec son ambition de devenir le leader mondial de la transition alimentaire avec Act for Food, un des 4 piliers de sa nouvelle stratégie. Nous avons également rencontré un collaborateur de chez Total, une entreprise qui, quoiqu’elle fasse, a un impact sur la société et sur l’environnement, mais qui par contrainte des banques a été amenée à modifier son approche projet, en créant des métiers d’ingénieurs d’impact chargés d'évaluer et corriger l’impact d’un nouveau projet sur les parties prenantes. Dans sa lettre de janvier 2019, Larry Fink, P-DG de Blackrock, plus grand gestionnaire d’actifs de la planète, exhorte également les entreprises à exprimer une raison d’être face aux défis majeurs de la société ; c’est le signe que même le plus grand actionnaire du monde incite à concilier business et impact positif et que ces préoccupations sont également celles des actionnaires, qui voient un risque à ce qu’une entreprise ne prenne pas partie à tous ces enjeux.

Selon un sondage effectué auprès de collaborateurs, de clients, d’étudiants et de chefs d’entreprise, la banque n’est pas considérée actuellement comme un leader de la RSE, mais elle est estimée comme ayant tous les atouts pour réussir à agir pour le bien commun. Clients, collaborateurs et étudiants en font tous un critère majeur de fidélité et de conquête. Les entreprises voient en nous un accompagnateur idéal pour le devoir de responsabilité. Les banques doivent cependant porter une attention particulière à la nouvelle génération, qui a une sensibilité supérieure sur la question d’impact des entreprises. C’est à la fois un critère de choix d’employeur, de choix de consommation et de choix d’investissement. C’est une population engagée qu’il faudra intégrer dans la réflexion de leur avenir meilleur.

L’acteur sur qui compter

La banque pour devenir leader dans la responsabilité devra dans un premier temps inscrire sa raison d’être co-construite avec ses collaborateurs dans ses statuts ; elle devra également objectiver la capacité de ses managers à agir pour un avenir meilleur, tout en créant une réelle culture d’entreprise intégrant les collaborateurs. Établir un circuit court de l’engagement dans les territoires permettra d’avoir un impact aussi bien sur les clients que sur les collaborateurs et l’entreprise, en conciliant culture de l’impact et commerce dans son secteur. Pour finir, la clientèle d’entreprise est en demande de services en la matière ; nous pouvons rapidement venir en prestation de service auprès cette population et lui apporter notre savoir-faire et notre carnet d’adresses.

La banque est certainement l’acteur sur qui compter face aux défis actuels. C’est le moment pour nous d’être au service d’une société qui n’a pas su toujours percevoir nos valeurs engagées au service de la société.

 

1 Etude Relations banques et clients – 8e édition Deloitte.
2 Economiste américain (1912-2006), Prix Nobel d’économie 1976.
3 Philosophe et universitaire américain, connu pour ses travaux sur la théorie des parties prenantes.
4 Conférencier britannique, auteur de livres sur le management et la motivation.
5 Editions Performance, 2014.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nºcfpb2019
Notes :
1 Etude Relations banques et clients – 8e édition Deloitte.
2 Economiste américain (1912-2006), Prix Nobel d’économie 1976.
3 Philosophe et universitaire américain, connu pour ses travaux sur la théorie des parties prenantes.
4 Conférencier britannique, auteur de livres sur le management et la motivation.
5 Editions Performance, 2014.