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Innovation

Attention au fossé de la transformation digitale

Créé le

22.06.2015

-

Mis à jour le

30.06.2015

La plupart des banques et gestionnaires de patrimoine ont identifié la transformation digitale comme une nécessité dans leur plan de développement. Le plus souvent, la priorité est donnée à l'intégration de nouvelles technologies visibles par le client, pour lui procurer une nouvelle expérience. Le besoin de redéfinir complètement l'offre de produits et de services grâce à la technologie n'est pas encore bien compris.

En 2015, pour la première fois, les banques hissent la stratégie digitale au premier rang de leurs priorités, selon un sondage de The Economist [1] . Une autre enquête, réalisée par Avaloq [2] , montre toutefois qu'elles n'ont généralement pas encore défini une véritable stratégie numérique ou n'en sont qu'aux prémices. Dans le même temps, de grandes banques comme BBVA investissent lourdement dans la technologie, via l'acquisition de sociétés de logiciel ou de banques numériques, aussi connues sous le nom de FinTechs.

Les FinTechs à la pointe de l'innovation

Dans l'industrie bancaire, on considère les FinTechs comme en avance sur les fournisseurs traditionnels de services financiers en matière d'innovation. Elles doivent ce statut au fait qu'elles offrent aux clients une expérience digitale novatrice à un coût bien plus faible que les concurrents traditionnels. Nombre d'entre elles capitalisent aussi sur un potentiel technologique inexploité pour offrir des services et produits innovants.

En gestion privée, les « robo-advisors » [3] se fondent ainsi sur des algorithmes pour proposer des allocations d'actifs à faible coût – Wealthfront, par exemple, offre un service d'investissement en direct avec optimisation fiscale, pour des frais de gestion facturés à 0,25 % de la valeur d'actif. À lui seul, Wealthfront a franchi la barre des 2 milliards de dollars d'actifs gérés sur sa plate-forme et les FinTechs de la Silicon Valley revendiquent au total plus de 20 milliards de dollars d'actifs sous gestion, un chiffre qui progresse rapidement.

Malgré cela, de nombreux gestionnaires de patrimoines continuent de sous-estimer le risque d'un bouleversement majeur au sein de leur industrie. Certains considèrent que les FinTechs n'offrent que des solutions adaptées à une clientèle très grand public et sont incapables de concevoir des solutions d'investissement sophistiquées, faites sur mesure pour la situation particulière d'un client. Autre argument souvent entendu : elles n'offrent pas l'expérience client personnalisée que la clientèle fortunée continue d'attendre et peut trouver facilement auprès d'un conseiller.

Le problème avec les ruptures numériques – on l'a déjà vu dans d'autres industries – est que le changement apparaît de manière soudaine et brutale quand, à la fois, la technologie et les clients y sont prêts. De telles transitions sont par ailleurs difficiles à prévoir, les signaux d'alerte avant leur apparition étant assez faibles.

Les attentes des clients

Cependant, la croissance rapide des FinTechs depuis deux ans et l'essor des usages mobiles ne peuvent être ignorés et sont peut-être le premier signe d'une révolution digitale imminente dans le secteur financier. On ne peut pas nier non plus que les FinTechs représentent clairement une alternative à au moins une partie des services fournis par les banques et la gestion privée.

Les enquêtes sur le secteur suggèrent que les attentes des clients en matière d'expérience digitale avec leurs prestataires de services financiers augmentent rapidement, même en ce qui concerne la clientèle fortunée (High Net Worth Individuals – HNWI). Par exemple, selon l'édition 2014 du sondage « Global HNW » de Capgemini, RBC Wealth Management et Scorpio Partnership, plus de 65 % des HNWI se disent prêts à quitter leurs banques privées ou gestionnaires de patrimoine si ceux-ci ne parviennent pas à leur fournir une expérience multicanale intégrée.

Quel que soit le canal de contact, le client d'aujourd'hui attend de son intermédiaire en gestion de patrimoine un service similaire : rendez-vous physique, téléphone, ordinateur ou interfaces mobiles. Qui plus est, lorsqu'il commence une demande par un canal, il veut être capable de la poursuivre en toute fluidité sur un autre, selon son choix et sa convenance.

Les trois étapes de la transformation digitale d'un acteur traditionnel

La montée en puissance des attentes des clients et l'apparition de nouveaux compétiteurs dans le secteur financier se traduisent par le fait que de nombreuses banques et gestionnaires de patrimoine affichent comme priorité la mise en place d'une nouvelle expérience digitale pour leurs clients. Mais, comme cela a déjà été expérimenté dans d'autres secteurs des services, cela ne suffira pas à survivre à une révolution digitale.

Chez Avaloq, nous avons identifié trois étapes nécessaires à la transformation digitale. Si la plupart des banques et gestionnaires privés ont identifié les deux premières, seule une minorité a pris en compte la troisième dans sa stratégie digitale.

Première étape : mettre en place des canaux digitaux

La première étape du voyage vers la transformation digitale réside dans la mise en place de multiples canaux digitaux pour commercialiser des produits et servir les clients. Aujourd'hui, cette étape a déjà été franchie par la plupart des fournisseurs de services. Les canaux du mobile ou de la banque en ligne sont généralement indépendants des canaux traditionnels et opèrent en mode « silo », directement intégrés à une solution globale bancaire.

Une des limites que vont rencontrer les banques et gestionnaires de patrimoine restés à cette étape est que les canaux digitaux ne proposent pas les mêmes services que les canaux traditionnels. Un autre inconvénient est le niveau limité d'autonomie qu'offrent alors au client les canaux digitaux : trop souvent, seules des transactions simples, comme le paiement ou le passage d'ordres boursiers, sont disponibles. Il n'est pas toujours possible d'exécuter des opérations plus complexes, comme l’ouverture de compte en ligne pour un nouveau client, la souscription d'une offre de gestion discrétionnaire ou l'accès à un conseil en investissement.

Il en résulte, pour de nombreux clients, et en particulier les jeunes générations, la frustration de ne pouvoir comprendre pourquoi ce qui est devenu un standard dans d'autres secteurs des services est impossible dans le secteur financier.

Toutefois, la limite la plus préoccupante est sans doute que les employés qui rencontrent les clients en face-à-face n'ont souvent aucune vision de l'activité de ces derniers sur les canaux digitaux. Si un client a essayé sans succès d'utiliser le service mobile ou la banque en ligne pour effectuer un paiement ou passer un ordre en Bourse, pour obtenir sa résolution, il devra fournir toutes les explications relatives à son problème lorsqu'il sera en contact avec un gestionnaire ou un chargé de clientèle.

Deuxième étape : la numérisation de tous les processus

La deuxième étape de cette transformation consiste à digitaliser tous les processus pour améliorer l'efficacité opérationnelle et apporter une vraie expérience multicanal. Cela se matérialise par une plateforme bancaire digitale totalement intégrée à l’ensemble des canaux d'accès client, qu'ils soient traditionnels ou digitaux, et tous les processus de front- et de back-office. Cela assure une cohérence et une continuité du service au travers des différents canaux et signifie que le travail quotidien des chargés de clientèle et autres employés de l'agence est réalisé sur une plate-forme digitale pleinement intégrée avec tous les canaux d'accès client.

On parle alors de plate-forme « omni-canal », l'expérience client ne subissant pas de rupture, quels que soient les canaux digitaux ou traditionnels utilisés. Les collaborateurs en contact avec le client ont non seulement une bonne visibilité sur l'activité digitale de leurs clients, mais ils peuvent aussi interagir avec eux à distance à travers un canal digital comme s'ils étaient en face-à-face.

À ce stade, les canaux digitaux ne sont plus seulement un moyen d'informer les clients et de leur apporter des services de base et quelques possibilités d'interaction, comme à la première étape. Ils sont maintenant utilisés comme un moyen de communication et un outil collaboratif entre le client et son conseiller, ce qui permet d'augmenter le niveau de service offert sous format digital et de construire une relation plus étroite entre le prestataire de services financiers et son client.

La digitalisation de tous les processus signifie aussi l'automatisation complète de la chaîne de valeur des services financiers, y compris tous les processus visibles par le client comme l'ouverture d’un compte ou le conseil en investissement. Dans de nombreuses banques, ces processus sont encore exécutés manuellement, sans l'aide d'aucun outil informatique, avec un manque d'automatisation et d'efficacité.

Atteindre cette deuxième étape de la transformation digitale va permettre des gains significatifs en efficacité, tout en réduisant les coûts. Mais tout cela peut encore se révéler insuffisant pour survivre à une révolution digitale.

Troisième étape : se transformer en entreprise digitale

La troisième étape consiste à transformer la banque en une véritable activité digitale. Cela nécessite un changement du business model, en utilisant tout le potentiel de la technologie pour refondre la gamme de produits et de services. Au final, cela signifie que la technologie est utilisée pleinement tout au long de la chaîne de valeur des services financiers, pour inventer, construire et commercialiser tous les produits et services offerts.

Le monde est en train de vivre une révolution digitale ; en conséquence, toutes les industries subissent, ou subiront, des changements majeurs. Du fait de l'usage quotidien des réseaux sociaux, qui ont introduit de nouveaux standards en matière de transparence et d'interaction sociale, les nouveaux comportements deviennent vite des normes. Ainsi, de plus de plus de particuliers refusent d'accorder leur confiance à un prestataire de services avant d'avoir vérifié sa réputation, sa notation par les internautes et comparé ses prix avec d'autres prestataires sur divers réseaux en ligne.

Il est fort possible que ce changement amène l'industrie financière à une transition d'un modèle centré sur la banque – où la banque est l'élément central de la vie financière de ses clients – à un modèle centré sur le client – où la banque va jouer un rôle réduit dans l'expérience financière de ses clients. Dans un modèle centré sur le client, les clients vont encore attendre un certain nombre de services de leur banque, en particulier la conservation de leurs actifs financiers. Mais nombre d'entre eux ne vont plus se reposer seulement sur leur banque ou leur gestionnaire de patrimoine pour obtenir de l'information ou du conseil sur les produits et services financiers, pas plus qu'ils ne compteront intégralement sur eux pour l'exécution de leurs transactions financières.

Des innovations « disruptives »

Les FinTechs, qui expérimentent de nouveaux modèles économiques pour la banque ou la gestion de patrimoine, contribuent à cette mutation. Par exemple, elles offrent un large choix de nouveaux services comme l'agrégation de comptes entre différents dépositaires et plates-formes de finance collaborative pour comparer, noter et classer les conseillers en gestion de patrimoine et les banques.

Elles proposent aussi des produits et services fondés sur l'innovation technologique. Par exemple, dans la gestion de patrimoine, les FinTechs offrent à la clientèle HNWI des stratégies d'investissement qui s’appuient sur le fort potentiel des mathématiques appliquées. Les stratégies basées sur des algorithmes peuvent aujourd’hui inclure l'optimisation des risques ou de la fiscalité, et elles ont démontré de meilleures performances que des ETF basiques ou des mandats de gestion discrétionnaire au coût très élevé.

Une des innovations les plus « disruptives » serait de démocratiser l'accès à des solutions financières sur-mesure, jusqu'ici seulement offertes aux clients privés haut de gamme ou aux entreprises. Par exemple, on pourrait permettre aux clients de souscrire à des produits structurés ad hoc, spécifiquement créés à leur demande pour couvrir le risque de leurs actifs.

Autre exemple : la création de nouvelles Bourses d'échange pour des actifs qui étaient auparavant illiquides, comme l'immobilier commercial, l'art, l'or ou le private equity, et qui peuvent maintenant s'ouvrir au grand public.

N'ignorez pas la Place de marché digitale ou virtuelle

La plupart des banques et gestionnaires de patrimoine ont identifié la transformation digitale comme une nécessité et la stratégie digitale est donc devenue une priorité dans leur plan de développement. Elles mettent généralement l'accent sur l'intégration de nouvelles technologies visibles par le client pour lui procurer une nouvelle expérience. Mais souvent, le besoin de redéfinir complètement l'offre de produits et de services grâce à la technologie n'est pas compris, de même que celui de s'ouvrir à de nouvelles Places de marché financières émergentes qui offrent un accès à des produits et services d’investissement alternatifs.

Cependant, à l'aube de la transformation digitale, le modèle économique traditionnel est en passe de devenir obsolète. Le secteur doit donc se préparer à affronter un futur dans lequel les clients relégueront les banques à une prestation de conservation d’actifs à faible revenu et à faible marge, si elles ne prennent pas le pas de l'ère digitale. Les banques et gestionnaires de patrimoine qui réussiront seront ceux qui auront su pleinement se transformer en acteurs de l'économie digitale.

 

1 The Economist Intelligence Unit, Insights, Future Factors 2015: the 3R of Retail Banking: Regulate, Revue, Re-envisage.
2 L’enquête menée auprès des banques utilisant Avaloq lors d’un B-Source Master Practice Group en avril 2015 montre que 11 % des banques n’ont pas défini de stratégie digitale et que 63 % n’en sont qu’aux prémices.
3 Conseil automatisé.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº786
Notes :
1 The Economist Intelligence Unit, Insights, Future Factors 2015: the 3R of Retail Banking: Regulate, Revue, Re-envisage.
2 L’enquête menée auprès des banques utilisant Avaloq lors d’un B-Source Master Practice Group en avril 2015 montre que 11 % des banques n’ont pas défini de stratégie digitale et que 63 % n’en sont qu’aux prémices.
3 Conseil automatisé.