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Géopolitique

La sensibilité des investisseurs au risque politique à son comble

Créé le

24.09.2019

L’investisseur a peur du risque politique, mais celui-ci justifie un taux d’intérêt plus élevé dans une période où le reste n’offre pas de rendement.

Fin août, l’annonce de la mise en place d’un nouveau gouvernement italien, formé du Mouvement 5 Étoiles et du Parti démocrate a rassuré les investisseurs. Le rendement de la dette italienne à dix ans est alors tombé à son plus bas niveau, passant sous le seuil de 1 % pour la première fois de son histoire. « La réaction des investisseurs au risque politique est extrêmement volatile, commente Éric Dor, directeur des Études économiques à IESEG School of Management. En Italie, en l’espace d’un an, on a vu des périodes de peur de la part investisseurs, au cours desquelles les taux montaient très fortement, au point que l’on a pu craindre à un moment de retrouver une crise de la dette souveraine de la zone euro similaire à celle des années 2010 à 2012 ; puis des marchés excessivement optimistes à l’égard de l’Italie, portant son taux d’intérêt à dix ans à un bas niveau jamais vu historiquement. » La situation pourrait pourtant rester instable, prévient Éric Dor, « étant donné l’ampleur de la dette italienne, 132 % du PIB, plus de 2 000 milliards d’euros, cinq fois la Grèce ! Il n’est pas certain que le mécanisme européen de stabilité serait suffisamment solide pour absorber une crise souveraine en Italie. »

Les ambiguïtés du marché

La réaction des marchés fut extrême également face aux élections primaires du 11 août en Argentine. « Il était très probable que l’ancien pouvoir populiste revienne au pouvoir, avec l'ex-présidente Cristina Kirchner, rappelle Éric Dor. Les marchés étaient paniqués à l’idée que le gouvernement actuellement libéral promarchés de Mauricio Macri soit remplacé par le retour de l’équipe précédente réputée moins promarchés. Ils ont finalement provoqué ce dont ils avaient peur : un défaut souverain ! »
Le marché s’avère parfois ambigu, analyse l’expert. « L’investisseur a peur du risque politique, mais celui-ci justifie un taux d’intérêt plus élevé dans une période où le reste n’offre pas de rendement. On l’a vu avec l’Italie : le risque politique engendre des taux d’intérêt plus élevés, exigés de la part des débiteurs qui sont risqués. Mais dans une période justement où les taux des “bons emprunteurs” très solvables, comme l’Allemagne ou la France, deviennent négatifs, les marchés chassent le rendement. Les débiteurs plus risqués apparaissent comme une bonne affaire. Le lendemain, il peut y avoir un retournement violent. »

Des risques géopolitiques durables

Les risques politiques durables, quant à eux, entraînent des mouvements de fond. « Depuis le référendum du Brexit en 2013 et l’incertitude qui plane autour de ses modalités, on note une désaffection structurelle des investisseurs pour les actifs financiers britanniques, alors même que l’économie britannique a un très bon taux de croissance et un taux de chômage au plus bas, souligne Éric Dor. La Bourse britannique a des performances beaucoup moins bonnes que son équivalent américain. Les investissements directs étrangers au Royaume-Uni sont en baisse. »

Parmi les grands risques politiques qui chahutent les marchés, la possibilité d’un krach obligataire provoqué par l’attitude politique de l’administration Trump dans la guerre commerciale avec ses grands partenaires, la Chine, mais aussi l’Union européenne, figure au premier rang. Prégnantes aussi, les dernières « batailles navales » du détroit d’Ormuz, entre Iraniens, puissances pro-américaines et israéliennes, menaçant l’approvisionnement pétrolier à l’échelle mondiale. G. D.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº836