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« La rentabilité demeure le talon d’Achille des banques européennes »

Créé le

17.02.2021

Quels sont les premiers enseignements que l’on peut tirer de la publication des résultats 2020 des grandes banques européennes ?

Sans surprise, la crise sanitaire a profondément affecté les résultats annuels 2020. Ceux-ci ont reculé partout en Europe dans des proportions variables mais significatives dans tous les cas. Les baisses des résultats nets proviennent de l’effet conjugué d’un tassement des revenus plus ou moins marqué et d’une augmentation significative du coût du risque alors que les banques se sont attachées, avec un certain succès, à maîtriser leurs coûts de fonctionnement. Cela étant dit, la crise du Covid ne fait que confirmer, en l’amplifiant, une tendance de fond : la rentabilité demeure le talon d’Achille des banques européennes.

Les résultats des banques françaises sont-ils affectés de la même façon ?

Non, pas tout à fait. Si les quatre plus grandes banques françaises ont vu leurs résultats nets se contracter, l’ampleur de la baisse a été variable. À une extrémité du spectre, on trouve Société Générale et BPCE dont le résultat net a baissé de -65 % de -47 % respectivement et à l’autre extrémité BNP Paribas et Groupe Crédit Agricole qui ont enregistré des baisses plus modérées i. e. -13,5 % et -35 % respectivement. Ces disparités s’expliquent pour l’essentiel par des différences d’impact dans les activités de banque d’investissement, plus négatif dans le premier groupe que dans le second.

Comment a évolué le coût du risque en 2020 ?

Comme anticipé au premier semestre 2020, le coût du risque a fortement progressé. Il a doublé ou plus que doublé chez de nombreuses banques par rapport au niveau atteint en 2019. C’est le cas pour Rabobank ou BPCE (x2), Groupe Crédit Agricole (x2,1) Société Générale (x2,5) tandis qu’il a été un peu plus modéré, à un haut niveau néanmoins chez d’autres établissements, par exemple BNP Paribas (x1,8).

Pourquoi les ratios de crédits non performants (NPL) ne se dégradent-ils pas ?

C’est en effet le cas, essentiellement pour deux raisons. D’une part les banques ne sont pas tenues de déclasser automatiquement en créances douteuses les crédits bénéficiant d’un moratoire. D’autre part un effet « dénominateur » a pu se produire dans le cas où la croissance des crédits a été plus dynamique que celles des créances douteuses. Néanmoins, la détérioration de la qualité des actifs bancaires, aujourd’hui reflétée dans l’évolution du coût du risque, se traduira par une augmentation des ratios de NPL, notamment à partir du moment où les mesures de soutien gouvernemental et « l’effet moratoire » ne joueront plus à plein.

Les banques italiennes sont-elles plus affectées que les autres banques européennes ?

Oui dans l’ensemble. En effet le résultat net des quatre plus grandes banques du pays (Unicredit, Intesa Sanpaolo, BPM, BPER) soit moins de 1 milliard d’euros a été divisé par dix environ en 2020 par rapport à 2019. Ces médiocres résultats résultent principalement de charges de restructuration significatives et d’un coût du risque très élevé dépassant les 100 points de base, en augmentation de 66 % d’une année sur l’autre. Cela étant dit les banques italiennes continuent de se délester de créances douteuses sur le marché, le ratio de NPL s’établissant à 6,1 % en décembre 2020 contre 8,2 % à fin 2019. Ce résultat ne doit pas occulter que le ratio NPL est le double de la moyenne européenne.

La situation est-elle différente pour les banques espagnoles ?

Pas vraiment. Les profits des cinq plus grandes banques (Banco Santander, BBVA, CaixaBank, Banco Sabadell et Bankia) ont chuté de 90 % en 2020, résultat d’une baisse des revenus d’intérêt de 8 %, d’une multiplication du coût du risque par un facteur de 1,5 et de dépréciations de goodwill, et malgré une baisse des charges d’exploitation de 9 %.

Comment expliquer que, dans un environnement dégradé, les ratios de capital des banques aient progressé ?

La majorité des banques européennes ont affiché des ratios de fonds propres durs (« CET1 ») en hausse, parfois modérée mais aussi dans des proportions significatives, en Italie par exemple. L’augmentation des ratios de capital a pour origine, d’une part, des modifications des règles prudentielles (« CRR2 quick fix ») qui ont conforté les ratios de capital sans augmentation réelle des fonds propres eux-mêmes. D’autre part la distribution modérée de dividendes, en réponse aux injonctions de la Banque centrale européenne, a eu également un effet positif.

Peut-on s’attendre à une année 2021 moins défavorable sur le plan des résultats ?

Rien n’est moins sûr. En raison d’une situation sanitaire toujours incertaine, les résultats des banques seront affectés même si la constitution de provisions « forward looking » a vocation à absorber la dégradation attendue. Reste à savoir si les anticipations de perte ont été calibrées avec suffisamment de prudence. Par ailleurs la pression sur les marges va perdurer, les activités de marché seront sans doute moins profitables qu’en 2020 et la reprise graduelle de certaines activités bancaires (par exemple le crédit à la consommation) et les efforts continus en matière de réduction des coûts ne seront pas suffisants pour compenser les effets négatifs.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº854