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Infrastructures de marché

Bourses et CCP européennes à l'heure du Brexit

Créé le

25.01.2017

-

Mis à jour le

30.01.2017

Euronext a annoncé le 3 janvier 2017 son offre d’achat irrévocable sur LCH SA, filiale française de London Stock Exchange (LSE). Pourquoi un tel projet ?

Euronext a exposé son plan stratégique en mai dernier et envisageait un certain nombre d’acquisitions pour diversifier son activité. Le rachat de LCH SA intervient dans un bon timing par rapport à cette stratégie. Il est rendu possible par le projet de fusion entre LSE et Deutsche Börse. Euronext, une des seules Bourses qui ne détient pas sa chambre de compensation (CCP) aujourd’hui, tire en effet profit de l’obligation – qui reste à confirmer par Bruxelles – du LSE de remettre sur le marché une partie de ses activités de compensation (voir infra). Avec ce projet d’achat, Euronext poursuit deux objectifs : reconstituer un silo sur son marché et avoir le contrôle de toute sa chaîne de valeur, de la négociation à la compensation, et diversifier ses activités sur le postmarché. En effet, dans la mouvance de la réglementation EMIR, les dérivés OTC vont être progressivement contraints à être compensés par des CCP. On s’attend donc à la poursuite d’une forte croissance de ce marché de la compensation sur les dérivés OTC dans les prochaines années.

Pourquoi ce rachat de LCH SA par Euronext est-il conditionné à la bonne fin du rapprochement entre LSE et Deutsche Börse ?

Quand le LSE et Deutsche Börse ont annoncé vouloir se rapprocher, la Commission européenne a ouvert une enquête afin d’étudier les éventuels problèmes de concurrence que pourrait poser cette fusion, du fait de leurs poids respectifs sur les activités de marché en Europe. Sa préoccupation majeure concerne les CCP sur les dérivés OTC. Le LSE compense plus de 90 % des swaps de taux (IRS) avec sa filiale LCH SwapClear et près de 30 % des dérivés de crédit (CDS) en euros avec la filiale CDSClear de LCH SA en France. De son côté, Deutsche Börse concentre avec sa CCP Eurex près de 70 % du marché de la compensation des futures de taux de long terme et futures sur indices actions en Europe. En outre, la combinaison des deux groupes formerait une situation de quasi-monopole sur la compensation des obligations souveraines en euro. Cela pose un problème à la Commission européenne. LSE a donc décidé de remettre sur le marché une partie de ses activités de compensation, sa filiale française LCH SA, pour emporter l’adhésion du régulateur. Le plus grand frein à la fusion LSE Deutsche Börse semble ainsi écarté avec cette concession, même s’il faudra attendre le 6 mars pour connaître le verdict de la Commission européenne.

Le Brexit a-t-il un impact sur ce projet de fusion de bourses ?

C’est un sujet très important, car on peut attendre que la Commission impose de rapatrier certaines activités sur le continent en zone euro, et notamment la compensation des dérivés libellés en euros, opérée en grande partie à Londres aujourd’hui, afin d’exercer son nécessaire contrôle sur ces activités porteuses de risque systémique. Pour LSE, avoir un groupe qui a pied sur les deux géographies permettrait de rapatrier plus facilement les activités impactées au sein du groupe. Pour Deutsche Börse, cela reste un rapprochement très intéressant, car il permettrait grâce aux atouts respectifs des deux groupes de créer un géant européen capable de rivaliser avec les concurrents américains ICE et CME.

La migration de la compensation des dérivés en euro sur le continent est-elle donc probable ?

C’est un sujet très politique. Le régulateur européen se doit de superviser toutes les activités de marché et les CCP sur son territoire. Il existe bien un système d’équivalence avec les pays tiers pour que des CCP qui ne sont pas dans la zone euro puissent compenser des produits en euro. Il est en revanche peu plausible que la Commission accepte de donner cette équivalence à Londres sans contreparties, qui plus est dans un contexte de « Hard Brexit ». Dans ce cas, certaines activités auraient l’obligation de migrer vers la zone euro, ce qui est le plus probable aujourd’hui. Les places financières de Paris et Francfort seront alors au premier rang pour accueillir ces activités de compensation.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº805