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Union des marchés de capitaux : une législation déjà largement en place

Créé le

18.05.2015

-

Mis à jour le

29.05.2015

Le projet d’Union des marchés de capitaux s’inscrit dans la continuité d’une série de directives visant à améliorer le fonctionnement des marchés. Certains progrès peuvent encore être réalisés, mais la priorité reste d’appliquer les règles existantes.

À l’instar d’autres dimensions du marché intérieur, créer davantage d’union dans les marchés des capitaux continue d’être un objectif pour la Commission européenne. Certes, beaucoup a déjà été réalisé dans ce domaine, comme en témoignent notamment les directives SICAV, la directive MIF, les directives sur les prospectus et la transparence sur les marchés (lire Encadré). Cependant, de nombreux indicateurs montrent que les marchés continuent d’être fragmentés, ce qui soulève la question des objectifs à définir : si les tentatives précédentes n’étaient pas suffisantes, quel sera le but cette fois-ci, et comment va-t-on se mettre d’accord sur les moyens à mettre en place ?

Les réponses législatives existent

La principale finalité d’un marché européen des capitaux est de s’assurer que les intérêts des investisseurs et ceux des émetteurs convergent. De plus, un tel marché doit leur permettre d’avoir accès à un marché liquide, où différents intermédiaires (banques, agences de notation, analystes et auditeurs) assurent une formation correcte des prix, dans un contexte de renforcement strict des règles formelles et informelles. Toutefois, dans le cadre actuel, certains  problèmes restent courants : manque de transparence et de comparabilité de l’information financière et non financière des émetteurs, droits des investisseurs limités ou non harmonisés, des délits d’initiés et des conflits d’intérêts non poursuivis, des abus de position dominante ou encore un manque d’obligation fiduciaire des intermédiaires.

Si l’on observe ce qui a déjà été réalisé au niveau européen, notamment en réponse à la crise financière, on peut constater que la législation nécessaire est déjà largement en place. Récemment, des amendements ont été introduits au sujet de la directive MIF pour une meilleure transparence dans les transactions sur obligations et produits dérivés, et pour renforcer la protection des consommateurs. Il en va de même pour les abus de marché et la vente à découvert. La première priorité n’est donc pas d’inventer de nouveaux chantiers d’harmonisation, mais de bien appliquer la législation déjà en vigueur.

Quel superviseur pour faire appliquer les nouvelles règles ?

Nous constatons néanmoins que ceci ne semble pas être une priorité. Le budget des autorités européennes de supervision (AES) a été réduit. Leurs effectifs étaient pourtant déjà limités, notamment comparés aux moyens que la Banque Centrale Européenne avait à sa disposition dès sa première année en tant que superviseur des banques, avec un effectif de presque 1 000 personnes. En même temps, la gouvernance des AES devrait être modifiée pour renforcer les rôles du président et du directeur général, qui n’ont pas de droit de vote dans leur conseil d’administration, puisque ceci est réservé aux États membres. Une incapacité de renforcer les AES signifiera que la BCE va attirer plus de responsabilités, aux côtés des compétences qu’elle a déjà, ce qui n’est pas opportun ni compatible avec le but de d’Union des marchés de capitaux.

Renforcer l’écosystème

Une deuxième priorité est de faire fonctionner les marchés. Comme indiqué précédemment, le bon fonctionnement des marchés de capitaux nécessite la présence d’une multitude d’acteurs intermédiaires. Les oligopoles ou les abus de marché doivent être poursuivis par les autorités de concurrence. Le marché des agences de notation continue d’être dominé par deux grandes firmes, qui en détiennent plus de 75 %, y compris au niveau mondial. Il en va de même pour les sociétés d’informations financières ou, dans une moindre mesure, pour les auditeurs. D’autres mesures peuvent aussi être prises pour stimuler la connaissance du fonctionnement des marchés, et pour faciliter l’attrait du capital-risque, en favorisant des initiatives comme le crowdfunding ou les placements privés. D’une autre manière que les banques, les marchés nécessitent un « écosystème » spécial, avec des intermédiaires, des analystes ou des market makers qui en ont une connaissance spécifique. Mais dans de nombreux pays, ces acteurs spécifiques – les « agents de change » d’autrefois – ont disparu, et ce pour une multitude de raisons : absorption par les banques, crise financière ou régulation abondante. Les nouveaux entrants restent quant à eux marginaux.

Trois actions ciblées

Une troisième priorité est de mettre en place des mesures très ciblées, afin de faciliter le fonctionnement et l’intégration des marchés. Nous en proposerions trois :

  1. Des référentiels d’information financière et non financière harmonisés. Ces initiatives pourraient certes être prises par les marchés ; cependant, elles pourraient nécessiter un cadre réglementaire, comme cela a été fait avec les référentiels de transactions (Trade Repositories) pour les dérivés bilatéraux (OTC) dans la régulation EMIR. Ce cadre devrait permettre d’harmoniser les différentes formes et lignes d’information qui devraient être disponibles aux investisseurs. Des sociétés privées pourraient obtenir une licence afin de fournir de tels services.
  2. La création d’un produit d’investissement long terme et européen pour le grand public, qui donnerait une certaine assurance de rendement, grâce à une allocation de l’actif équilibrée. Le marché actuel des Sicav en Europe est très fragmenté, ce qui augmente les coûts pour les investisseurs et empêche des investissements dans des produits moins liquides. De plus, une Sicav n’est pas nécessairement une assurance pour une allocation de l’actif équilibrée – cela dépend du choix de l’investisseur – et requiert une bonne connaissance des marchés financiers. Ce produit devrait être transférable partout en Europe.
  3. Des initiatives visant à rendre le financement par capital-risque aussi attractif que le financement par prêts. Dans la grande majorité des États membres, la première forme est fiscalement beaucoup moins avantageuse que la seconde, et les dividendes des sociétés d’autres États membres sont souvent taxés deux fois, une fois dans le pays d’origine et la deuxième fois dans le pays de l’investisseur. Une fiscalité européenne des entreprises faciliterait le financement des marchés, surtout pour les entreprises moyennes avec potentiel de croissance.
Une bonne définition du concept d’union dans les marchés des capitaux ainsi qu’une analyse appropriée des besoins des émetteurs et des investisseurs seront cruciales avant de déterminer une série d’actions à mener au niveau européen. Certes, l’objectif est souhaitable, mais il ne devrait pas résulter en une longue liste de nouvelles régulations. La priorité absolue reste une bonne application de la législation existante par les autorités européennes et nationales.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº785