Se positionner sur le supercycle des matières premières : les métaux stratégiques

Les mati&egrave;res premi&egrave;res dans leur ensemble sont entr&eacute;es au d&eacute;but des ann&eacute;es 2000 dans le &laquo; supercycle &raquo;. Que ce soit pour l'&eacute;nergie, les m&eacute;taux ou encore l'agriculture, la p&eacute;riode d'abondance observ&eacute;e au XX e si&egrave;cle fait progressivement place &agrave; une p&eacute;riode plus critique pour les prix et l'approvisionnement des mati&egrave;res premi&egrave;res. Tout au long du XX e si&egrave;cle, les prix des mati&egrave;res premi&egrave;res ont peu &eacute;volu&eacute;, voire m&ecirc;me l&eacute;g&egrave;rement baiss&eacute; (environ 0,5 % par an), alors que depuis 2000, leurs prix ont plus que doubl&eacute;. Cette tendance prend en compte la baisse observ&eacute;e depuis 2011, soit une augmentation annuelle moyenne (CAGR) de 6,8 % port&eacute;e notamment par les m&eacute;taux pr&eacute;cieux (11,2 % par an sur la p&eacute;riode) et les m&eacute;taux strat&eacute;giques (9,8 % par an sur les 10 derni&egrave;res ann&eacute;es). Cette forte hausse est &eacute;galement marqu&eacute;e par une envol&eacute;e de la volatilit&eacute; qui a doubl&eacute; en 13 ans. Cette envol&eacute;e r&eacute;sulte principalement de tensions venant de l'incapacit&eacute; de l'offre &agrave; s'ajuster rapidement &agrave; la demande. Les principaux facteurs &agrave; court terme sont la m&eacute;t&eacute;o (s&eacute;cheresse, catastrophes naturelles, r&eacute;chauffement climatique&hellip;), les gr&egrave;ves, les troubles sociaux ou politiques et les changements r&eacute;glementaires (taxes, quotas d'exportation&hellip;). L'offre appara&icirc;t progressivement de moins en moins &eacute;lastique face aux fortes variations de demande et surtout face aux nouvelles technologies de rupture. Si 2011 marque le d&eacute;but d'un net recul des prix qui peut laisser imaginer la fin du supercycle, nous consid&eacute;rons au contraire que cette pause est uniquement passag&egrave;re. Les m&eacute;taux sont le meilleur vecteur pour b&eacute;n&eacute;ficier de ce super cycle Parmi les diff&eacute;rentes classes d'actifs au sein des mati&egrave;res premi&egrave;res, les m&eacute;taux sont ceux qui pr&eacute;sentent le plus important potentiel car ils sont indispensables aussi bien &agrave; l'essor des pays &eacute;mergents via l'urbanisation, au travers des m&eacute;taux de base, qu'&agrave; la croissance des pays d&eacute;velopp&eacute;s via les nouvelles technologies et les &eacute;nergies renouvelables, au travers des m&eacute;taux strat&eacute;giques. En outre, ils repr&eacute;sentent le meilleur support au sein des mati&egrave;res premi&egrave;res en termes d'investissement car ils sont faciles &agrave; stocker dans le temps contrairement aux autres mati&egrave;res premi&egrave;res. Depuis 2000, les prix des m&eacute;taux ont augment&eacute; en moyenne de 176 %, soit un taux de croissance annuel moyen (CAGR) de 7,5 %. En 10 ans, on observe une importante performance de toutes les cat&eacute;gories de m&eacute;taux, avec n&eacute;anmoins une v&eacute;ritable hi&eacute;rarchie. Les &eacute;l&eacute;ments de terres rares (voir Lexique) sont ceux qui ont le mieux perform&eacute; (+985 %) suivi des m&eacute;taux pr&eacute;cieux (+164 %), mineurs (156 %) et enfin de base (+106 %). Notons que, m&ecirc;me si on a assist&eacute; ces derni&egrave;res ann&eacute;es &agrave; une forte demande, notamment en m&eacute;taux strat&eacute;giques, celle en m&eacute;taux de base reste tr&egrave;s importante. &Agrave; titre d'exemple, la Chine a consomm&eacute; plus d'acier ces 10 derni&egrave;res ann&eacute;es que les 60 ann&eacute;es pr&eacute;c&eacute;dentes. &Agrave; partir de 2011, les prix des m&eacute;taux se sont globalement repli&eacute;s sous le double effet du ralentissement de la Chine et de la crise de la dette europ&eacute;enne. Pourtant les fondamentaux du march&eacute; des m&eacute;taux restent inchang&eacute;s. Hausse structurelle des co&ucirc;ts de production des m&eacute;taux L'&egrave;re des ressources facilement accessibles est d&eacute;finitivement r&eacute;volue. Aujourd'hui les nouvelles ressources mises en exploitation sont de plus en plus difficiles d'acc&egrave;s et ont donc un co&ucirc;t marginal de production beaucoup plus &eacute;lev&eacute; et cela pour plusieurs raisons d'ordre structurelles : des mines de moins en moins productives : c'est le cas d'une part dans les mines d&eacute;j&agrave; existantes, d'autre part, pour les nouveaux projets o&ugrave; les conditions d'extraction sont de plus en plus compliqu&eacute;es. Les gisements de ces derni&egrave;res ann&eacute;es sont souvent de moindre qualit&eacute; (la teneur en m&eacute;taux des gisements est pass&eacute;e de 1,8 % dans les ann&eacute;es 1930, &agrave; 0,8 % aujourd'hui) et leur accessibilit&eacute; bien plus difficile. Le taux d'&eacute;puisement des mines existantes est, actuellement pour certains m&eacute;taux, deux fois plus important que la croissance de la demande. En outre, les nouvelles mines se trouvent principalement dans des pays hors OCDE, ce qui implique notamment des risques d'instabilit&eacute; politique et de moins bonnes infrastructures, rendant leur transport plus difficile ; la faible visibilit&eacute; sur les prix rend frileux les investisseurs du secteur minier : la forte hausse des contraintes li&eacute;e aux nouvelles mines (cf. pr&eacute;c&eacute;dent paragraphe) a entra&icirc;n&eacute; une envol&eacute;e des investissements pour leur mise en exploitation (au minimum 1 milliard de dollars). Si on consid&egrave;re qu'il faut plus de 10 ans pour exploiter un gisement d&eacute;couvert, on comprend la r&eacute;ticence des investisseurs &agrave; investir dans de nouveaux projets sans avoir de visibilit&eacute; sur l'&eacute;volution des prix ; la main-d&rsquo;œuvre qualifi&eacute;e se fait de plus en plus rare : les mines sont g&eacute;n&eacute;ralement situ&eacute;es dans des zones avec une faible densit&eacute; de population o&ugrave; il est tr&egrave;s compliqu&eacute; de trouver de la main-d&rsquo;œuvre qualifi&eacute;e. Il y a par cons&eacute;quent une intense concurrence entre les diff&eacute;rentes soci&eacute;t&eacute;s d'exploitation qui concourt &agrave; une forte inflation des salaires. Ainsi, il n'est pas rare que les salaires des ouvriers miniers soient 5 &agrave; 10 fois plus &eacute;lev&eacute;s que le salaire moyen du pays dans lequel la mine est exploit&eacute;e. Enfin, les normes de s&eacute;curit&eacute; pour les travailleurs sont de plus en plus strictes et impactent par cons&eacute;quent les co&ucirc;ts de production ; des normes &eacute;cologiques de plus en plus contraignantes : le secteur minier va devoir faire face &eacute;galement &agrave; une pression croissante des r&eacute;gulateurs concernant les normes &eacute;cologiques. Le secteur minier est effectivement un gros consommateur d'eau et de produits chimiques qui entra&icirc;nent d'importantes &eacute;missions de carbone et une forte pollution des nappes phr&eacute;atiques. Dans les ann&eacute;es &agrave; venir, il va donc falloir s'attendre &agrave; une forte augmentation des co&ucirc;ts de production du fait de cette probl&eacute;matique environnementale. Les pays &eacute;mergents vont continuer &agrave; &ecirc;tre insatiables en mati&egrave;res premi&egrave;res Les ann&eacute;es 1990-2000, &eacute;poque o&ugrave; les ressources sont plus abondantes et plus facilement exploitables, donc peu on&eacute;reuses, sont marqu&eacute;es par une consommation encore soutenue des pays occidentaux. En revanche, les ann&eacute;es 2000 sont marqu&eacute;es par l'essor des BRIC (Br&eacute;sil, Russie, Inde, Chine). La demande en mati&egrave;res premi&egrave;res a doubl&eacute;, du fait uniquement des pays &eacute;mergents, tandis que la demande des pays de l'OCDE est rest&eacute;e quasiment stable (Source : FMI). Rappelons que ces pays ont une population tr&egrave;s sup&eacute;rieure &agrave; celle des pays occidentaux (presque 6 milliards d'habitants contre 1,2 pour les pays de l'OCDE) et que leur niveau de vie est encore tr&egrave;s inf&eacute;rieur. L'effet de rattrapage sera donc un des facteurs les plus importants sur la demande en mati&egrave;res premi&egrave;res dans les d&eacute;cennies &agrave; venir. Selon McKinsey, la demande en acier devrait cro&icirc;tre de 75 % entre 2010 et 2030 pour atteindre 2 312 millions de tonnes au total, principalement gr&acirc;ce &agrave; la demande de la Chine, de l'Inde et des autres pays &eacute;mergents. Cette forte demande proviendra de principalement trois secteurs (80 % de la demande totale) : la construction (50 %), l'industrie (20 %) et les transports (10 %). La Chine est d&eacute;j&agrave; le plus gros consommateur de m&eacute;taux de la plan&egrave;te : elle est pass&eacute;e, par exemple, de 12 % &agrave; 40 % de part de march&eacute; sur le cuivre ces dix derni&egrave;res ann&eacute;es. Il faut &eacute;galement s'attendre &agrave; une explosion de la demande de nombreux autres pays &eacute;mergents comme le Mexique, la Colombie, le P&eacute;rou, l'Indon&eacute;sie, le Vietnam, la Turquie, l'&Eacute;gypte, l'Afrique du Sud, le Nigeria, mais aussi les Philippines et le Sri Lanka. Un des autres facteurs fondamentaux de la demande en m&eacute;taux dans les pays &eacute;mergents est l'essor sans pr&eacute;c&eacute;dent de la classe moyenne. Au cours des deux prochaines d&eacute;cennies, ce seront plus de 3 milliards de personnes des pays &eacute;mergents qui s'ajouteront &agrave; la population des zones urbaines (d&eacute;j&agrave; 1,5 milliard) des classes moyennes. Pour la Chine seule, cela repr&eacute;sentera la construction chaque ann&eacute;e d'une ville de la taille de New York (23,5 millions d'habitants). Il aura fallu 100 ans pour construire aux &Eacute;tats-Unis plus de 25 villes d'au moins 1 million d'habitants alors que la Chine comptera plus de 221 villes de cette taille en 2025 : la construction de ces nouvelles infrastructures d&eacute;veloppera une demande massive d'&eacute;nergie et de mat&eacute;riaux. Tous ces facteurs p&egrave;sent et p&egrave;seront de plus en plus en faveur de tensions et d'un nouveau supercycle sur les mati&egrave;res premi&egrave;res et, comme souvent, les m&eacute;taux sont le meilleur vecteur pour b&eacute;n&eacute;ficier de ce ph&eacute;nom&egrave;ne. Les m&eacute;taux strat&eacute;giques, moteurs de la croissance Moins visibles que les m&eacute;taux de base, dont la production annuelle mondiale se chiffre en plusieurs millions de tonnes, les m&eacute;taux strat&eacute;giques, souvent produits &agrave; moins de 100 000 tonnes par an, ont vu pendant longtemps leur r&ocirc;le n&eacute;glig&eacute;. Ils sont pourtant pr&eacute;sents aujourd&rsquo;hui dans un grand nombre de produits de consommation courante et jouent, de surcro&icirc;t, un r&ocirc;le d&eacute;terminant dans la production de technologies &agrave; haute valeur ajout&eacute;e. De plus, cette cinquantaine de m&eacute;taux pr&eacute;sente un v&eacute;ritable risque de p&eacute;nurie. Bien que la crise &eacute;conomique actuelle ait fait chuter les prix, la croissance de la demande et les risques pesant sur l&rsquo;offre depuis le d&eacute;but des ann&eacute;es 2000 sont des tendances structurelles. Ces m&eacute;taux dits strat&eacute;giques s&rsquo;int&egrave;greront plus que jamais dans l&rsquo;&egrave;re du supercycle. Dans cette cat&eacute;gorie, on se r&eacute;f&egrave;re &agrave; la liste des 20 &eacute;l&eacute;ments s&eacute;lectionn&eacute;s par l&rsquo;Union europ&eacute;enne en mai 2014 &laquo; Report on Critical Raw Materials for the EU &raquo; : l&rsquo;antimoine, le b&eacute;ryllium, le borate, le chrome, le charbon &agrave; coke, le cobalt, la fluorine, le gallium, le germanium, le graphite, l&rsquo;indium, la magn&eacute;site, le magn&eacute;sium, le niobium, le phosphate, les platino&iuml;des, les &eacute;l&eacute;ments de terres rares lourdes et l&eacute;g&egrave;res, le silicium et le tungst&egrave;ne. Leur niveau de criticit&eacute; est modulable selon les sp&eacute;cificit&eacute;s industrielles des pays. Pour les &Eacute;tats-Unis par exemple, qui ont &eacute;galement r&eacute;alis&eacute; une telle &eacute;tude, le b&eacute;ryllium n&rsquo;est pas critique, dans la mesure o&ugrave; le pays contr&ocirc;le l&rsquo;essentiel de la production mondiale. Des m&eacute;taux indispensables &agrave; de nombreux secteurs de croissance Les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont indispensables &agrave; d&rsquo;importantes fili&egrave;res industrielles matures ou en d&eacute;veloppement : le secteur de l&rsquo;&eacute;nergie : on retrouve des m&eacute;taux strat&eacute;giques tant pour la production, le transport que pour la transformation des &eacute;nergies fossiles, ce qui fait de ce secteur un grand consommateur de m&eacute;taux strat&eacute;giques. Le lanthane, le c&eacute;rium, le platine, le palladium, le rh&eacute;nium, le tungst&egrave;ne ou encore le cobalt sont n&eacute;cessaires &agrave; la production de catalyseurs pour le raffinage du p&eacute;trole. On retrouve &eacute;galement ces m&eacute;taux dans les &eacute;nergies renouvelables : dans l&rsquo;&eacute;olien, le n&eacute;odyme, le pras&eacute;odyme, le dysprosium et le terbium sont utilis&eacute;s dans la production des aimants permanents ; dans le photovolta&iuml;que, l&rsquo;indium, le gallium, le germanium ou encore le tellure sont utilis&eacute;s dans les cellules ; le secteur des transports : les alliages de m&eacute;taux mineurs conf&egrave;rent aux moyens de transport des performances particuli&egrave;res (r&eacute;sistance aux chocs et &agrave; la corrosion, moindre volume, et plus grande l&eacute;geret&eacute;). Actuellement, on assiste au d&eacute;veloppement des superalliages en rh&eacute;nium dans les moteurs d&rsquo;avions. Ces m&eacute;taux sont &eacute;galement un maillon essentiel de &laquo; l&rsquo;&eacute;lectrification &raquo; des avions. Les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont &eacute;galement pr&eacute;sents dans les syst&egrave;mes d&rsquo;alimentation en &eacute;nergie, surtout pour les moteurs &eacute;lectriques et dans les batteries rechargeables (lithium et cobalt). Enfin, les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont particuli&egrave;rement pr&eacute;sents dans le transport automobile pour la ma&icirc;trise des &eacute;missions polluantes au travers des catalyseurs (&eacute;l&eacute;ments de terres rares et platino&iuml;des) ; des m&eacute;taux moteurs de la r&eacute;volution &eacute;lectronique et num&eacute;rique : dans le secteur des NTIC (Nouvelles Technologies d&rsquo;information et de communication), les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont consubstantiels de la miniaturisation et de l&rsquo;am&eacute;lioration des performances des produits &eacute;lectroniques. &Agrave; titre d&rsquo;exemple, l&rsquo;industrie des semi-conducteurs utilise de plus en plus de gallium dans les microprocesseurs, les circuits int&eacute;gr&eacute;s, les puces Wifi. Le germanium est, quant &agrave; lui, principalement utilis&eacute; dans les fibres optiques qui ont r&eacute;volutionn&eacute; le secteur des t&eacute;l&eacute;communications (environ 40 % de la demande mondiale de germanium) ; dans le secteur des biens d&rsquo;&eacute;quipements : dans la fabrication de luminophores, de verres, de c&eacute;ramiques ou encore de mat&eacute;riels m&eacute;dicaux, militaires et &eacute;lectrom&eacute;nagers, les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont vitaux. Le gallium et l&rsquo;indium sont en effet tr&egrave;s performants pour la fabrication de diodes &eacute;lectroluminescentes (LED). L&rsquo;utilisation des m&eacute;taux strat&eacute;giques est exponentielle en fonction des avanc&eacute;es technologiques. Le gadolinium accompagn&eacute; de germanium permettent la r&eacute;frig&eacute;ration magn&eacute;tique ( giant magnetocaloric effect ). Cette technologie pourrait bient&ocirc;t rendre obsol&egrave;te la r&eacute;frig&eacute;ration conventionnelle par compression de gaz, car plus &eacute;conome, moins volumineuse et plus respectueuse de l&rsquo;environnement. Les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont &agrave; l'origine des innovations et du d&eacute;veloppement du XXI e si&egrave;cle. Des m&eacute;taux critiques Si les grands m&eacute;taux industriels sont plut&ocirc;t produits de mani&egrave;re homog&egrave;ne, la production des m&eacute;taux strat&eacute;giques reste souvent concentr&eacute;e dans une poign&eacute;e de pays. Par cons&eacute;quent, la production et les exportations sont souvent marqu&eacute;es par des restrictions. Ainsi, la Chine fait partie des trois premiers pays producteurs de 13 mat&eacute;riaux strat&eacute;giques et fournit plus de 50 % de la production mondiale de 8 m&eacute;taux strat&eacute;giques. L'offre de ces m&eacute;taux est donc soumise &agrave; une criticit&eacute; certaine du fait de plusieurs facteurs : une production concentr&eacute;e sur une poign&eacute;e de pays : si le risque d'&eacute;puisement physique semble peu r&eacute;aliste pour la plupart des mat&eacute;riaux, on envisage n&eacute;anmoins des ruptures ponctuelles d'approvisionnement. &Agrave; titre d'exemple, au cours des ann&eacute;es 1990, la Chine a pu asseoir une position quasi monopolistique dans la production des &eacute;l&eacute;ments de terres rares (extraction, s&eacute;paration et raffinage), gr&acirc;ce &agrave; une politique de prix tr&egrave;s agressive et des normes &eacute;cologiques peu contraignantes. Ainsi, le site de Baotou (Mongolie Int&eacute;rieure) est aujourd'hui le principal site de production mondiale d'&eacute;l&eacute;ments de terres rares. La Chine a appliqu&eacute; cette strat&eacute;gie sur de nombreux m&eacute;taux strat&eacute;giques ; une production en proie aux risques environnementaux et sanitaires : la fili&egrave;re mini&egrave;re et m&eacute;tallurgique a recours &agrave; de grandes quantit&eacute;s de produits chimiques (acide sulfurique&hellip;), d&rsquo;eau et d&rsquo;&eacute;nergie. Certains de ces m&eacute;taux peuvent produire des &eacute;l&eacute;ments radioactifs (thorium, uranium&hellip;). L&rsquo;absence de consid&eacute;ration &eacute;cologique a souvent permis &agrave; la Chine de maintenir des co&ucirc;ts de production extr&ecirc;mement bas. Cependant, depuis 2012, le gouvernement central impose le respect de standards environnementaux minimaux ; des &eacute;changes internationaux limit&eacute;s par des restrictions d&rsquo;exportation : que ce soit sous forme de quotas, de droits de douane ou de prix minimum &agrave; l&rsquo;exportation, les pays producteurs tentent de limiter leurs exportations. &Agrave; titre d&rsquo;illustration, la politique de quota chinoise sur les &eacute;l&eacute;ments de terres rares est &eacute;vocatrice. Cette strat&eacute;gie de restriction chinoise a fait deux fois l&rsquo;objet, en 2009 et 2012, de recours devant l&rsquo;Organe de r&egrave;glement des diff&eacute;rends (ORD) &agrave; l&rsquo;Organisation mondiale du Commerce (OMC). &Agrave; deux reprises, les recours ont abouti en faveur des requ&eacute;rants (2012 et 2014) mais l&rsquo;attitude des dirigeants de P&eacute;kin est rest&eacute;e sensiblement la m&ecirc;me. D&rsquo;autres pays comme l&rsquo;Afrique du Sud (magn&eacute;sium), la Russie (gallium) et la Bolivie (lithium) ont d&eacute;cid&eacute; depuis peu de r&eacute;duire leurs &eacute;changes commerciaux de m&eacute;taux strat&eacute;giques ; des pays producteurs instables : la grande majorit&eacute; des pays producteurs de m&eacute;taux strat&eacute;giques souffre d&rsquo;instabilit&eacute; politique et sociale. Des conflits peuvent porter pr&eacute;judice &agrave; l&rsquo;exploitation de sites. En t&eacute;moignent les heurts violents &agrave; l&rsquo;&eacute;t&eacute; 2012 dans les mines de platino&iuml;des en Afrique du Sud qui firent 34 morts ou encore la grande gr&egrave;ve des mineurs en 2014. Concernant les &eacute;l&eacute;ments de terres rares, le premier conflit porta en 1992 sur la raffinerie malaise, Bukit Merah, en raison de la radioactivit&eacute; de certains d&eacute;chets (thorium). Aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;entreprise australienne Lynas et sa raffinerie en Malaisie sont toujours en proie &agrave; d&rsquo;importantes oppositions exprim&eacute;es par les riverains ; une offre in&eacute;lastique corollaire de la criticit&eacute; de ces m&eacute;taux : l&rsquo;importance des investissements n&eacute;cessaires &agrave; la mise en production d&rsquo;un site explique que l&rsquo;offre ne se r&eacute;ajuste pas &agrave; court terme en r&eacute;ponse &agrave; une hausse des prix. Cette offre in&eacute;lastique induit une forte volatilit&eacute; des m&eacute;taux strat&eacute;giques. On d&eacute;nombre actuellement un peu plus de 300 projets miniers d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments de terres rares en dehors de la Chine, dont uniquement 3 &agrave; 6 qui pourraient voir le jour au cours de la d&eacute;cennie. Pour le lithium, on ne recense qu&rsquo;une vingtaine de projets, essentiellement en Am&eacute;rique latine. En cas d&rsquo;une large diffusion des v&eacute;hicules &eacute;lectriques &agrave; batterie au lithium-ion, certaines analyses montrent que la demande pourrait d&eacute;passer la production &agrave; l&rsquo;horizon de 10 ans. une offre non substituable : les m&eacute;taux strat&eacute;giques ont des propri&eacute;t&eacute;s physico-magn&eacute;tiques exceptionnelles qui offrent &agrave; diff&eacute;rentes applications industrielles des performances in&eacute;galables selon la communaut&eacute; scientifique. Plusieurs projets &eacute;tudient l&rsquo;optimisation de l&rsquo;utilisation de ces m&eacute;taux. Aucun &agrave; ce jour n&rsquo;a pu proposer une solution viable et industrielle permettant de maintenir l&rsquo;exigence de performance qu&rsquo;offrent ces m&eacute;taux ; un recyclage limit&eacute; : le recyclage offre alors une solution pour pallier leur criticit&eacute;. Le recyclage d&eacute;pend cependant de trois variables : 1. la comp&eacute;titivit&eacute; prix des mat&eacute;riaux issus du recyclage ; 2. la disponibilit&eacute; du mat&eacute;riel ; 3. la disponibilit&eacute; de technologies et d&rsquo;infrastructures de recyclage. Dans la mesure o&ugrave; la plupart des m&eacute;taux strat&eacute;giques sont pr&eacute;sents en tr&egrave;s faible quantit&eacute; dans les produits finis et sont, par cons&eacute;quent, difficilement identifiables, les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont actuellement tr&egrave;s peu recycl&eacute;s. De plus, vu les prix actuels de la plupart des m&eacute;taux strat&eacute;giques, le recyclage est &eacute;conomiquement non viable. Au regard des &eacute;l&eacute;ments structurels du march&eacute; des mati&egrave;res premi&egrave;res, tout porte &agrave; croire que le supercycle n&rsquo;en est qu&rsquo;&agrave; ses pr&eacute;mices. En effet, la hausse structurelle des co&ucirc;ts de production marginaux des mati&egrave;res premi&egrave;res (d&eacute;t&eacute;rioration des conditions g&eacute;ologiques, inflation des salaires, hausse des contraintes &eacute;cologiques&hellip;) et la forte croissance des pays &eacute;mergents vont &ecirc;tre les vecteurs principaux de la p&eacute;rennisation de cette tendance. Vraisemblablement, les m&eacute;taux seront les principaux drivers du supercycle : les m&eacute;taux de base gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;intensification de l&rsquo;urbanisation et les m&eacute;taux strat&eacute;giques gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;essor des classes moyennes de plus en plus consommatrices de technologies digitales et vertes. &Agrave; cet &eacute;gard, les anticipations de Jeremy Rifkin dans son essai sur la 3 e R&eacute;volution industrielle semblent jour apr&egrave;s jour devenir une r&eacute;alit&eacute;. La fusion des &eacute;nergies renouvelables et des technologies digitales cr&eacute;ent les &eacute;l&eacute;ments constitutifs de cette r&eacute;volution. D&egrave;s lors, nulle surprise d&rsquo;observer que les m&eacute;taux strat&eacute;giques sont au cœur du nouveau tissu &eacute;conomique mondial.

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