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Le rôle de l’actionnaire

Créé le

19.05.2020

Lorsque, au début de l'année, nous avons décidé avec Revue Banque de dédier ce dix-septième hors-série au rôle de l’actionnaire, nous n’anticipions ni la crise sanitaire actuelle, ni l’acuité qu’elle allait donner à cette question. À tel point que début mars, nous nous sommes même demandé s’il était opportun de le maintenir. Au vu des débats intervenus ces dernières semaines, nul doute toutefois que notre choix était pertinent.

De fait, la crise sanitaire a bouleversé de nombreux éléments de la vie actionnariale, qu’il s’agisse de la tenue des assemblées générales 2020, pour laquelle il a fallu rapidement trouver des solutions innovantes, du versement des dividendes, remis en tout ou partie en cause, notamment pour les entreprises ayant reçu une aide de l’État, du rôle que ce dernier doit tenir face à des tentatives de prises de contrôle dans une période de forte baisse des cours.

Mais à ces effets conjoncturels s’ajoutent aussi des tendances plus structurelles dans l’évolution du rôle de l’actionnaire qui, depuis quelques temps déjà, mettent ce dernier au centre de l’attention.

L’enjeu que représente la mobilisation de l’épargne au service de l’investissement productif dans les entreprises, et notamment dans le développement de leurs fonds propres est une question qui n’est pas nouvelle mais à laquelle la crise donne une résonnance nouvelle. Nul doute en effet qu’à la forte augmentation de la dette privée induite par la crise devra répondre le renforcement du capital des entreprises. L’épargnant français, au travers de l’actionnariat individuel – en direct comme intermédié – et de l’actionnariat salarial, peut être un participant actif au renforcement de notre tissu entrepreneurial, vital non seulement pour créer la richesse collective sans laquelle la spécificité de notre modèle français aura du mal à perdurer, mais aussi pour assurer la maîtrise de nos approvisionnements stratégiques.

La question de l’activisme actionnarial ayant suscité de nombreux travaux au cours des derniers mois, il était par ailleurs utile de faire le point sur une question où se mêlent amélioration de la gouvernance et recherche d’une meilleure performance de l’entreprise d’une part, déstabilisation des équipes dirigeantes dans une perspective de profits à court terme d’autre part. L’idée d’une démocratie actionnariale fait ainsi son chemin, avec ce que cela suppose de transparence, de connaissance de son actionnariat, de contestation possible, mais aussi de dialogue entre investisseurs et sociétés.

Enfin, la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux modifie sensiblement le pacte actionnarial tel qu’il était traditionnellement conçu. Si la question du rendement de son investissement reste indubitablement importante pour l’actionnaire, c’est un facteur qui, de plus en plus, est pesé au regard de la stratégie environnementale et sociale mise en œuvre par l’entreprise. Avec les conséquences qui en résultent pour elle en termes de reddition de comptes, non seulement aux actionnaires, mais aussi aux autres parties prenantes que sont les administrateurs, les salariés, les clients… L’actionnaire se doit désormais d’être toujours plus engagé.

La crise sanitaire renforce la nécessité de débattre du rôle de l’actionnaire dans la marche de l’économie : sa relance post-crise va en effet exiger un apport massif de capitaux alors que l’État présent en première ligne a vu son endettement s’envoler et que les capacités de prêts des banques ne sont pas extensibles à l’infini. Puisse ce hors-série, et les différentes contributions qu’il réunit, participer à l’édification de ce débat !

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº845bis