« Rendre les tranches AAA plus stables »

On reproche aux agences de notation de ne pas avoir totalement jou&eacute; leur r&ocirc;le d&rsquo;alerte avant le d&eacute;clenchement de la crise. &Ecirc;tes-vous d&rsquo;accord avec ce diagnostic ? On nous critique pour r&eacute;agir trop tard, trop t&ocirc;t ou trop prudemment&hellip; Nous avons donn&eacute; l&rsquo;alerte sur les titres li&eacute;s aux subprime en juillet 2007 et d&eacute;grad&eacute; les notes car les performances n&rsquo;&eacute;taient plus en ligne avec nos estimations. Il est certain que nos hypoth&egrave;ses de d&eacute;faut et corr&eacute;lations de titres li&eacute;s aux subprime n&rsquo;ont pas anticip&eacute; les pertes sans pr&eacute;c&eacute;dents sur de nombreux RMBS et CDO. Comme d&rsquo;autres, nous avons sous-estim&eacute; les cons&eacute;quences de la rupture brutale de la bulle immobili&egrave;re aux &Eacute;tats-Unis. &Agrave; quoi il faut ajouter les effets li&eacute;s aux retitrisations. La crise s&rsquo;est alors transform&eacute;e en une crise de liquidit&eacute; et de baisse de la valeur de march&eacute; de toutes les titrisations ce qui, je le rappelle, n&rsquo;est pas une dimension couverte par nos notations qui expriment une opinion uniquement sur le risque cr&eacute;dit. Fallait-il noter ces op&eacute;rations de retitrisation ? Les mod&egrave;les ont &eacute;t&eacute; beaucoup critiqu&eacute;s, mais ce sont surtout les hypoth&egrave;ses sous-jacentes, certes difficiles &agrave; appr&eacute;cier, qui &eacute;taient en cause. Nous les consid&eacute;rions comme solides, &agrave; l&rsquo;instar de beaucoup d&rsquo;acteurs de march&eacute;, mais la crise a tr&egrave;s clairement d&eacute;montr&eacute; que ce n&rsquo;&eacute;tait pas toujours le cas. Plus g&eacute;n&eacute;ralement, sur les CDO, nous avons &eacute;t&eacute; conduits &agrave; revoir nos m&eacute;thodologies, quitte &agrave; ce que certaines op&eacute;rations puissent ne plus atteindre la note maximale, voire ne soient pas not&eacute;es si l&rsquo;on consid&egrave;re que l&rsquo;information est insuffisante. Certains regrettent le poids des agences dans les choix des investisseurs. Que pouvez-vous faire par rapport &agrave; cela ? C&rsquo;est au march&eacute; de choisir les opinions qu&rsquo;il utilise. Les n&ocirc;tres, mais aussi celles d&rsquo;autres agences dont les m&eacute;thodologies ne sont pas exactement les m&ecirc;mes. Libre &eacute;galement aux investisseurs de se faire leur propre opinion, ce qui implique toutefois d&rsquo;avoir la capacit&eacute; et la volont&eacute; d&rsquo;analyser ces op&eacute;rations. Ils auront &eacute;galement &agrave; &eacute;valuer de leur c&ocirc;t&eacute; des risques propres &agrave; leur situation, comme le risque de liquidit&eacute; ou de duration des titres, que nous ne traitons pas. De notre c&ocirc;t&eacute;, nous communiquons plus sur nos approches m&eacute;thodologiques, pour que chacun comprenne bien comment nous forgeons nos opinions de cr&eacute;dit. Par ailleurs, au regard des conditions exceptionnelles travers&eacute;es, il nous a paru essentiel de renforcer les &eacute;quipes d&eacute;di&eacute;es au suivi des op&eacute;rations dans le temps pour assurer la qualit&eacute; des analyses sur le stock de titres existant. &Agrave; part cette hausse de la transparence, quels changements demandaient les investisseurs ? Il ressort de cette crise que le march&eacute; attendait que les notations les plus &eacute;lev&eacute;es conservent une plus grande stabilit&eacute; que les notations plus sp&eacute;culatives : un AAA peut bouger &agrave; travers le cycle &eacute;conomique, mais pas brutalement. Or, des structures, en particulier celles qui comportaient un risque de march&eacute;, ont connu des d&eacute;gradations de notes tr&egrave;s rapides en fonction de la valeur de march&eacute; des titrisations. Nous visons &agrave; renforcer la stabilit&eacute; des notes, en particulier dans le haut de la cat&eacute;gorie &laquo; investissement &raquo;. Ces notes doivent opposer le plus de r&eacute;sistance en cas de retournement de la conjoncture, quitte &agrave; ce que certaines tranches auparavant AAA n&rsquo;aient plus droit &agrave; cette note. &Eacute;TATS-UNIS - EUROPE : DES PERFORMANCES TR&Egrave;S CONTRAST&Eacute;ES &Eacute;volution des notes et cas de d&eacute;faut entre mi-2007 et fin 2009 Part des notes rest&eacute;es stables Taux de d&eacute;faut Titres europ&eacute;ens 86,30% 0,40% AAA 90,90% 0,30% ABS* 90,10% 0,10% CDO 65,90% 1,50% RMBS* 97,10% 0,00% CMBS 70,60% 0,10% Titres am&eacute;ricains 58,60% 4,30% AAA 61,80% 2,50% ABS* 85,70% 0,20% CDO 37,90% 12,50% RMBS* 52,60% 4,00% CMBS 75,60% 0,30% *Inclus les titrisation de dette corporate et de nouveaux actifs (ABS) et les covered bonds (RMBS) Source : S&amp;amp;P, mars 2010 Ces ajustements m&eacute;thodologiques ont-ils port&eacute; sur l&rsquo;ensemble des produits titris&eacute;s ? Non, ils ont &eacute;t&eacute; cibl&eacute;s, au regard de la performance des op&eacute;rations ou lorsque nous avons souhait&eacute; mieux appr&eacute;hender les cons&eacute;quences de brusque contraction de la liquidit&eacute; dans les march&eacute;s. Si la crise a fortement secou&eacute; les structures, nous enregistrons &agrave; la fin de 2009 un taux de d&eacute;faut inf&eacute;rieur &agrave; 0,4 % en volumes sur l&rsquo;encours des &eacute;missions europ&eacute;ennes qui &eacute;taient not&eacute;es mi-2007. Sur la m&ecirc;me p&eacute;riode, on observe au niveau mondial des d&eacute;fauts plus importants sur les CDO, en particulier les retitrisations, et les RMBS am&eacute;ricains. Pour les ABS, plus diversifi&eacute;s, les performances restent au contraire solides au regard de la p&eacute;riode concern&eacute;e. En Europe, pr&egrave;s de 90 % des notations d&rsquo;ABS sont rest&eacute;es stables, pour un taux de d&eacute;faut de 0,1 % (voir tableau). Avez-vous introduit d&rsquo;autres modifications de vos notations ? Oui, afin de conserver une comparabilit&eacute; de nos notations entre les diff&eacute;rents types d&rsquo;instruments ou d&rsquo;&eacute;metteurs, hors titrisation. Nous avons publi&eacute; diff&eacute;rents sc&eacute;narios de stress, auxquels une notation doit pouvoir r&eacute;sister sans faire d&eacute;faut. Pour les AAA, par exemple, des sc&eacute;narios tr&egrave;s d&eacute;grad&eacute;s, type crise de 1929. Ils contribuent &agrave; fournir au march&eacute; plus de transparence quant &agrave; nos hypoth&egrave;ses de cr&eacute;dit. Nous avons &eacute;galement introduit des analyses de sensibilit&eacute; &laquo; what if &raquo; sp&eacute;cifiques &agrave; la titrisation. &Agrave; travers ces sc&eacute;narios, plus mod&eacute;r&eacute;s que ceux pr&eacute;c&eacute;demment cit&eacute;s, nous essayons d&rsquo;anticiper le comportement des notes des diff&eacute;rentes tranches dans un environnement d&eacute;t&eacute;rior&eacute;. Certains reprochent un manque d&rsquo;impartialit&eacute; aux agences de notation. Que leur r&eacute;pondez-vous ? La question du risque de conflits d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t a &eacute;t&eacute; en effet pos&eacute;e. Nous avons pris des initiatives afin d&rsquo;assurer la cr&eacute;dibilit&eacute; de nos opinions, par exemple en renfor&ccedil;ant notre gouvernance interne. La s&eacute;paration entre les fonctions commerciales et les fonctions analytiques existait d&eacute;j&agrave;, et nos analyses ne structurent pas les op&eacute;rations &agrave; la place des arrangeurs comme cela est souvent &eacute;voqu&eacute;. Mais pour renforcer ce message, nous l&rsquo;avons formalis&eacute; de mani&egrave;re encore plus claire dans nos r&egrave;gles internes. Nous avons par ailleurs cr&eacute;&eacute; des fonctions en charge des m&eacute;thodologies et de la qualit&eacute;. Enfin, la r&eacute;glementation europ&eacute;enne instaure &eacute;galement d&rsquo;autres r&egrave;gles comme la rotation des analystes. Finalement, les agences n&rsquo;ont-elles pas trop de poids dans le syst&egrave;me ? L&rsquo;utilisation des notations dans le traitement prudentiel de B&acirc;le II n&rsquo;est-elle pas excessive ? L&rsquo;utilisation des notations dans les r&eacute;glementions prudentielles a pu conduire &agrave; nous placer dans le r&ocirc;le d&rsquo;un r&eacute;gulateur priv&eacute;. Pour autant, il faut &ecirc;tre tr&egrave;s clair : nos notations refl&egrave;tent une opinion accessible au plus grand nombre sur la qualit&eacute; de cr&eacute;dit d&rsquo;un titre. Aux diff&eacute;rents intervenants et utilisateurs de nos notes d&rsquo;en d&eacute;finir l&rsquo;usage, d&rsquo;en appr&eacute;cier la qualit&eacute; ou de les &eacute;tayer, voire de les remplacer par d&rsquo;autres appr&eacute;ciations. Il est important que les investisseurs et r&eacute;gulateurs ne se reposent pas sur un indicateur unique. Pouvez-vous garantir la qualit&eacute; des informations que vous recevez des &eacute;metteurs pour une notation ? Nous ne sommes pas des auditeurs. Les banques fournissent des informations sur leurs actifs titris&eacute;s. Elles sont &eacute;galement audit&eacute;es et r&eacute;glement&eacute;es. Sur les subprime am&eacute;ricains, la qualit&eacute; de l&rsquo;information a certes &eacute;t&eacute; d&eacute;grad&eacute;e, de mani&egrave;re volontaire ou non. Sans endosser un r&ocirc;le de contr&ocirc;le , nous attachons une grande importance &agrave; la capacit&eacute; des &eacute;metteurs &agrave; nous communiquer des informations fiables. D&rsquo;importants &eacute;carts de notation ont &eacute;t&eacute; constat&eacute;s entre les notes donn&eacute;es pour un m&ecirc;me produit par diff&eacute;rentes agences. Comment expliquez-vous cela ? Entre les diff&eacute;rentes agences, la note ne veut pas dire exactement la m&ecirc;me chose : Standard &amp;amp; Poor&rsquo;s appr&eacute;cie essentiellement le risque de d&eacute;faut, &agrave; savoir le non-paiement &agrave; bonne date des &eacute;ch&eacute;ances dues. D&rsquo;autres agences mesurent plut&ocirc;t les pertes attendues. Les investisseurs b&eacute;n&eacute;ficient en g&eacute;n&eacute;ral de plusieurs opinions combin&eacute;es, disposant ainsi de plus d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments d&rsquo;appr&eacute;ciation et de gestion de leurs risques.

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