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Monnaies, cryptomonnaies, CBDC... le décryptage !

Créé le

18.07.2022

-

Mis à jour le

20.09.2022

Le Position Paper du France Payments Forum et le projet de CBDC (Central Bank Digital Currency) mené par la réserve fédérale de Boston avec le MIT, exposés dans Revue Banque en mai, nous rappellent que depuis Aristote1, une monnaie est caractérisée par trois grandes fonctions : un moyen d’échange, un étalon de valeur et enfin une réserve de valeur.

Cette dernière est à considérer de près, tant la chose monétaire reste le domaine strictement réservé des gouvernements. Que ceux-ci décident d’interdire de manière coordonnée la détention ou les transactions en cryptomonnaies à ses concitoyens résidents et le château s’écroule. La Banque de France qualifie d’ailleurs les cryptomonnaies de crypto-actifs, mais elle en déconseille très fortement l’usage. Le contraire eût été étonnant.

Je vous invite à lire à ce sujet l’article de Ray Dalio, fondateur de la société de gestion Bridgewater 2. Il conclut sur Bitcoin un peu de la sorte : « Je soupçonne que le plus grand risque de Bitcoin est de réussir, car s’il réussit, le gouvernement essaiera de le tuer et il aura beaucoup de pouvoir pour réussir. » La République Populaire de Chine a déjà mis en œuvre le soupçon de Ray Dalio.

La première à avoir mis en place une CBDC à large échelle est en effet la Banque Centrale de Chine, via l’initiative Digital Currency Electronic Payment, initiée en 2014. À fin 2021, il était estimé que 140 millions de portefeuilles avaient été ouverts, représentant plus de 60 milliards de renminbi. Depuis, la plupart des banques centrales ont entamé, sous l’égide de la BRI (Banque des Règlements Internationaux), un projet de recherche commun en 2020. En zone euro, l’objectif de la BCE est de se doter de l’euro numérique avant 2026.

La monnaie fiduciaire
sur la sellette

L’élément important d’une monnaie banque centrale numérique est évidemment, à terme, de supprimer la monnaie fiduciaire (billets et pièces). Un rapport du FMI de 2017 préconise par ailleurs un agenda et les modalités de cette suppression. Intéressons-nous à l’euro numérique.

Cette monnaie numérique, directement émise dans le cas de l’euro par la BCE, tout comme la monnaie fiduciaire actuelle, aura des conséquences majeures sur le modèle des banques commerciales. Une première conséquence affecterait directement les dépôts habituels des particuliers et des entreprises dans leur banque commerciale. Ceux-ci pourraient être transformés en dépôts banque centrale, ce qui aurait des conséquences très importantes en matière de fonds propres et en matière de capacité des banques commerciales à financer l’économie (i. e. les crédits).

Une deuxième conséquence possible pourrait être la désintermédiation des banques commerciales. À ce stade, l’architecture cible n’est pas encore décidée, entre un modèle centralisé où chaque citoyen dispose d’un compte en banque centrale et un modèle décentralisé, qui nécessitera l’intermédiation.

Différence majeure par rapport à la monnaie fiduciaire dont le coût de fabrication et de logistique est neutre pour l’acquéreur et le vendeur d’un produit, il est ici aisément imaginable d’appliquer des frais aux deux parties à chaque transaction en CBDC, frais d’autant plus judicieux et compensatoires pour l’intermédiation.

Pour le citoyen, la disparition de la monnaie fiduciaire ne va pas sans poser d’importants problèmes concernant les libertés individuelles. Sous couvert de lutter contre la fraude et le « travail au noir », nos gouvernements auront à disposition un puissant outil numérique qui, couplé à la technologie big data, leur permettra de s’immiscer au plus profond de la vie privée de leurs concitoyens... Avec lui disparaîtra l’anonymat. Mais, au-delà, disparaîtront également les bas de laine et les cassettes d’Harpagon, gardés hors de portée des banques et gouvernements, laissant la voie libre à nos États surendettés de lancer des jubilés mésopotamiens.

La nature ayant horreur du vide et l’imagination humaine étant sans limite, nul doute qu’une combinazione verra le jour... Sera-t-elle à base de cryptomonnaies indépendantes ?

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº869
Notes :
1 Joseph Moreau, « Aristote et la monnaie », Revue des Études Grecques, tome 82, fascicule 391-393, juillet-décembre 1969, pp. 349-364.
2 https://www.youtube.com/watch?v=U4WGEK5wbDA
2 https://www.bridgewater.com/research-and-insights/our-thoughts-on-bitcoin5
RB