La liquidité et la volatilité expliquent-elles la performance des hedge funds ?

Les hedge funds ont toujours suscit&eacute; la curiosit&eacute;, parfois la convoitise, mais avant tout la m&eacute;fiance. Les quelque 9 000 fonds pr&eacute;sents &agrave; travers le monde, repr&eacute;sentant pr&egrave;s de 2 500 milliards de dollars d&rsquo;actifs sous gestion, continuent &agrave; fasciner et effrayer. Leur fonctionnement est obscur pour bon nombre de personnes. Comment font-ils pour survivre &agrave; tous ces chocs sur les march&eacute;s financiers ? Comment g&eacute;n&egrave;rent-ils ces performances envi&eacute;es par tout investisseur ? La performance des hedge funds est difficile &agrave; expliquer puisqu&rsquo;elle d&eacute;pend de leur strat&eacute;gie, elle-m&ecirc;me tenue dans le plus grand secret. Cependant, cette performance doit pouvoir se corr&eacute;ler &agrave; certaines caract&eacute;ristiques de march&eacute;, si ce n&rsquo;est s&rsquo;expliquer par elles. Quel est l&rsquo;impact de la liquidit&eacute; sur la performance des hedge funds ? Le d&eacute;veloppement exponentiel de l&rsquo;industrie des hedge funds cette derni&egrave;re d&eacute;cennie a &eacute;t&eacute; accompagn&eacute; d&rsquo;un fort accroissement de la liquidit&eacute; sur les march&eacute;s financiers. Il est alors l&eacute;gitime de se demander s&rsquo;il existe un lien entre ces deux observations. Notons ici que l&rsquo;objet de cette &eacute;tude est d&rsquo;appr&eacute;hender le lien entre la performance des fonds et la liquidit&eacute; de march&eacute;, et non la liquidit&eacute; du fonds lui-m&ecirc;me. Consommateurs ou producteurs de liquidit&eacute; ? Le premier point pouvant &ecirc;tre soulev&eacute; est la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;un certain niveau de liquidit&eacute; pour permettre aux hedge funds de d&eacute;gager de la performance. En effet, afin de r&eacute;aliser des gains, le g&eacute;rant doit &ecirc;tre en mesure d&rsquo;entrer et de sortir d&rsquo;une position rapidement et &agrave; moindre co&ucirc;t. En cas de p&eacute;nurie de liquidit&eacute;, le g&eacute;rant voit sa position &laquo; gel&eacute;e &raquo;, ce qui est &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;un co&ucirc;t et viendra menacer la rentabilit&eacute; de l&rsquo;op&eacute;ration. En r&eacute;sum&eacute;, la liquidit&eacute; est un facteur d&eacute;terminant de la performance de tout fonds et, en ce sens, les hedge funds peuvent &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme des consommateurs de liquidit&eacute;. Ils effectuent des rotations de leurs portefeuilles tr&egrave;s fr&eacute;quemment et peuvent prendre des positions &agrave; l&rsquo;achat et &agrave; la vente plusieurs fois par jour sur un m&ecirc;me titre. Or, en prenant des positions de mani&egrave;re r&eacute;p&eacute;titive, les g&eacute;rants de fonds alimentent le carnet d&rsquo;ordres et participent ainsi &agrave; un accroissement de la liquidit&eacute;. Si l&rsquo;on s&rsquo;en tient &agrave; une simple observation de l&rsquo;&eacute;volution du nombre de fonds alternatifs et du volume de transactions r&eacute;alis&eacute;es sur les march&eacute;s, ou bien de l&rsquo;&eacute;volution des actifs sous gestion et du resserrement des spreads bid/ask , il ne fait aucun doute que ces deux faits sont bel et bien li&eacute;s. Cela peut-il &ecirc;tre v&eacute;rifi&eacute; par une &eacute;tude quantitative ? Les r&eacute;sultats d'une &eacute;tude [1] de corr&eacute;lation lin&eacute;aire entre la performance [2] d&rsquo;indices hedge funds avec diff&eacute;rents indicateurs de liquidit&eacute; sont pr&eacute;sent&eacute;s dans le Tableau 1. Le manque de significativit&eacute; des r&eacute;sultats peut s&rsquo;expliquer par les diff&eacute;rents biais des indices utilis&eacute;s. En effet, seuls les hedge funds ne faisant pas faillite continuent &agrave; &ecirc;tre pr&eacute;sents dans l&rsquo;indice (&laquo; biais du survivant &raquo;), seuls les hedge funds offrant les meilleures performances sont pr&eacute;sents dans l&rsquo;indice (&laquo; biais de s&eacute;lection &raquo;) et les hedge funds publient leurs performances de mani&egrave;re volontaire (et non r&eacute;glementaire), sans que celles-ci ne soient contr&ocirc;l&eacute;es. Les hedge funds sont r&eacute;put&eacute;s &eacute;voluer sur des march&eacute;s peu liquides (positions courtes en liquidit&eacute;, afin de profiter d&rsquo;une &laquo; prime de liquidit&eacute; &raquo;), mais offrant des profils de risque/rentabilit&eacute; &eacute;lev&eacute;s. Cependant, en cas de forte p&eacute;nurie de liquidit&eacute;, le g&eacute;rant a beaucoup de difficult&eacute;s &agrave; sortir d&rsquo;une position de mani&egrave;re optimale et les performances du fonds sont donc m&eacute;caniquement d&eacute;grad&eacute;es. La d&eacute;cision du g&eacute;rant de travailler sur un march&eacute; peu liquide n&rsquo;est, ni plus ni moins, que le recours &agrave; un levier, moteur de performance mais &eacute;galement source de risque. Il ach&egrave;te et vend de la liquidit&eacute;, qui devient un v&eacute;ritable param&egrave;tre &agrave; &eacute;tudier lors du stock picking . Quel est l&rsquo;impact de la volatilit&eacute; sur la performance des hedge funds ? Les hedge funds sont souvent d&eacute;sign&eacute;s comme &eacute;tant &agrave; l&rsquo;origine de perturbations sur les march&eacute;s financiers. Il leur est reproch&eacute; d&rsquo;alimenter les forts mouvements baissiers ou haussiers en prenant des positions dans le sens du march&eacute; et ainsi de cr&eacute;er des boucles de r&eacute;troaction [3] . Pour illustrer cela, leurs d&eacute;tracteurs d&eacute;noncent des profits stables, voire croissants, r&eacute;alis&eacute;s par les fonds, alors m&ecirc;me que les march&eacute;s accusent une p&eacute;riode de repli. La volatilit&eacute; est &agrave; la fois un risque et un potentiel. Lorsque la volatilit&eacute; augmente, le potentiel de perte comme de gain augmente &eacute;galement. Plus l&rsquo;amplitude des variations de cours est importante, plus la rentabilit&eacute; potentielle (en optimisant les niveaux d&rsquo;entr&eacute;e et de sortie) d&rsquo;une prise de position est importante. Ainsi, dans un objectif de rentabilit&eacute; absolue, les hedge funds ont besoin d&rsquo;un certain niveau de volatilit&eacute; pour d&eacute;gager de la performance. L&rsquo;existence d&rsquo;un lien entre niveau de volatilit&eacute; et performance des hedge funds semble donc &eacute;vidente. Ce lien peut-il &ecirc;tre v&eacute;rifi&eacute; statistiquement ? Une &eacute;tude [4] de corr&eacute;lation lin&eacute;aire entre le niveau de volatilit&eacute; et la performance des indices hedge funds (nette de frais) pour les classes d&rsquo;actifs actions et change offre les r&eacute;sultats pr&eacute;sent&eacute;s dans le Tableau 2. Pour compl&eacute;ter cette &eacute;tude de corr&eacute;lation, nous avons r&eacute;alis&eacute;, gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;outil Correlation propos&eacute; par Reuters, la matrice de corr&eacute;lation (voir Tableau 3), entre : les indicateurs de volatilit&eacute; VIX (indice de volatilit&eacute; implicite [5] du S&amp;P500 propos&eacute; par le CBOE [6] ), V2X (indice de volatilit&eacute; implicite de l&rsquo;Eurostoxx 50), volatilit&eacute; implicite du DAX, volatilit&eacute; implicite du FTSE, volatilit&eacute; implicite du CAC ; les indices Hedge Fund XHFG (tracker Deutsche Bank), QAI (IQ Hedge Multi-Strategy Tracker) et HFR Hedge Fund. Ces diff&eacute;rents r&eacute;sultats semblent illustrer l&rsquo;existence d&rsquo;une relation entre la volatilit&eacute; et la performance des hedge funds . On observe une corr&eacute;lation n&eacute;gative entre l&rsquo;&eacute;volution des indicateurs de volatilit&eacute; et la performance des indices Hedge Fund . Cette corr&eacute;lation est la plus significative pour l&rsquo;indice HFR Hedge Fund, pour lequel on obtient des corr&eacute;lations allant jusqu&rsquo;&agrave; -0.56 avec la volatilit&eacute; implicite de l&rsquo;indice DAX. Ce tableau souligne ainsi l&rsquo;importance de la s&eacute;lection de l&rsquo;indice sur la significativit&eacute; des r&eacute;sultats obtenus. Contrairement &agrave; certaines id&eacute;es re&ccedil;ues, et bien que la volatilit&eacute; constitue un pr&eacute;requis &agrave; toute r&eacute;alisation de performance absolue, il semblerait que les hedge funds voient leurs performances impact&eacute;es n&eacute;gativement par un accroissement de la volatilit&eacute;. Autrement dit, les hedge funds ne seraient pas si diff&eacute;rents des autres fonds dits &laquo; traditionnels &raquo;. L&rsquo;origine de la performance ainsi que les facteurs de risques sont sensiblement les m&ecirc;mes. La volatilit&eacute;, au m&ecirc;me titre que la liquidit&eacute;, est un facteur de risque offrant une r&eacute;mun&eacute;ration &agrave; tout investisseur s&rsquo;y exposant. &Eacute;voluer dans un march&eacute; particuli&egrave;rement volatil permet une r&eacute;alisation de gains potentiellement plus importants, mais la contrepartie est une exposition &agrave; des pertes elles aussi plus importantes. &laquo; No free lunch &raquo;&hellip; Il faut &eacute;galement souligner le fait que cette relation de corr&eacute;lation est plus ou moins marqu&eacute;e en fonction de la classe d&rsquo;actifs &eacute;tudi&eacute;e et de la strat&eacute;gie employ&eacute;e par le fonds. La sp&eacute;cificit&eacute; des hedge funds par rapport aux fonds traditionnels consiste en fait en leur exposition cibl&eacute;e sur certains actifs via des produits &agrave; effet de levier afin de maximiser la performance. Mais au final, les fonds alternatifs &eacute;voluent sur les m&ecirc;mes march&eacute;s que leurs homologues en gestion traditionnelle ; ils sont donc tout aussi expos&eacute;s qu&rsquo;eux &agrave; leurs fluctuations. Cr&eacute;ateurs de volatilit&eacute; ou victimes ? Pour compl&eacute;ter cette &eacute;tude de corr&eacute;lation, il est int&eacute;ressant de mener une nouvelle &eacute;tude pour tester l&rsquo;existence d&rsquo;un lien de causalit&eacute; entre la volatilit&eacute; du march&eacute; et la performance des hedge funds . Les donn&eacute;es utilis&eacute;es sont la volatilit&eacute; historique sur 30 jours du MSCI World et la performance de l&rsquo;indice HFRX Absolute Return sur une p&eacute;riode d&rsquo;observation entre 2011 et 2014. Avant de r&eacute;aliser un test de causalit&eacute;, nous devons nous assurer de la stationnarit&eacute; des s&eacute;ries de donn&eacute;es via un test de Dickey-Fuller. En effet, cette statistique ne s&rsquo;applique qu&rsquo;&agrave; des s&eacute;ries stationnaires. Pour rappel, une s&eacute;rie temporelle est dite &laquo; stationnaire &raquo; si l&rsquo;esp&eacute;rance est constante dans le temps (pas de tendance) et si la variance est &eacute;galement constante dans le temps. Une fois la stationnarit&eacute; des deux s&eacute;ries temporelles d&eacute;montr&eacute;e, nous pouvons proc&eacute;der &agrave; un test de causalit&eacute;. Il s&rsquo;agit du test de Granger. Posons l&rsquo;hypoth&egrave;se : H0 : Volatilit&eacute; 30 jours ne cause pas Performance Absolute Return Testons cette hypoth&egrave;se (voir Tableau 4). Nous obtenons : Probabilit&eacute; 0,01 &amp;lt; 0,05, donc on ne rejette pas l&rsquo;hypoth&egrave;se nulle (H0). Le test d&eacute;montre alors que la volatilit&eacute; historique sur 30 jours du MSCI World est une cause de la performance de l&rsquo;indice Hedge Fund Absolute Return. Ainsi, un accroissement de la volatilit&eacute; conduit &agrave; une d&eacute;t&eacute;rioration de la performance des hedge funds , et non le contraire. Que peut-on en conclure ? Les hedge funds sont &agrave; la fois des cr&eacute;ateurs et des consommateurs de liquidit&eacute;. En multipliant les prises de positions acheteuses et vendeuses, ils apportent du volume et de la profondeur au carnet d&rsquo;ordres. Cette gestion particuli&egrave;rement active cr&eacute;e donc de la liquidit&eacute;. Toutefois, en accumulant des positions acheteuses dans un contexte de march&eacute; haussier ou des positions vendeuses dans un contexte de march&eacute; baissier, ceux-ci consomment de la liquidit&eacute; et participent &agrave; un &eacute;largissement des spreads . Par ailleurs, il est difficile de d&eacute;terminer si ces fonds sont davantage cr&eacute;ateurs que consommateurs, ou l&rsquo;inverse. Comme pour tous les types de fonds, les fonds alternatifs b&eacute;n&eacute;ficient en moyenne d&rsquo;un accroissement de la liquidit&eacute;. Celle-ci est essentielle pour optimiser les points d&rsquo;entr&eacute;e et de sortie d&rsquo;une position et ainsi dynamiser la performance. Il reste cependant difficile de le d&eacute;montrer statistiquement, notamment du fait que ces fonds tendent &agrave; &eacute;voluer sur des march&eacute;s peu liquides pour b&eacute;n&eacute;ficier d&rsquo;une prime de liquidit&eacute; et maximiser le potentiel de gain. Les hedge funds utilisent la volatilit&eacute; comme un levier. Un march&eacute; volatil est un &laquo; terrain de jeu &raquo; id&eacute;al pour ces fonds qui vont chercher &agrave; capter un maximum d&rsquo;amplitude dans l&rsquo;&eacute;volution des cours. Cependant, contre toute attente, une hausse de la volatilit&eacute; vient d&eacute;t&eacute;riorer la performance des indices hedge funds &eacute;tudi&eacute;s. La volatilit&eacute;, avant d&rsquo;&ecirc;tre un dynamiseur de rentabilit&eacute;, reste donc principalement un facteur de risque. D&rsquo;autre part, il semble presque impossible de d&eacute;terminer quel est le r&ocirc;le jou&eacute; par les hedge funds lors de pouss&eacute;es de volatilit&eacute; sur les march&eacute;s. En effet, il est tr&egrave;s difficile de d&eacute;composer la volatilit&eacute; en fonction de ses contributeurs. D&rsquo;autant plus que l&rsquo;ensemble des op&eacute;rateurs (fonds alternatifs ou classiques) tendent &agrave; se positionner dans le m&ecirc;me sens avec plus ou moins de r&eacute;activit&eacute;. En r&eacute;sum&eacute;, les hedge funds ne sont pas si diff&eacute;rents des soci&eacute;t&eacute;s de gestion traditionnelles. Dans l&rsquo;imaginaire commun, les fonds alternatifs r&eacute;alisent des performances in&eacute;gal&eacute;es et tirent profit d&rsquo;un environnement de march&eacute; d&eacute;favorable au d&eacute;triment des autres parties prenantes. Finalement, il semblerait que la majorit&eacute; des hedge funds voient leur rentabilit&eacute; &eacute;voluer de la m&ecirc;me mani&egrave;re que celle des autres fonds. Certes, il existe des exceptions, des fonds alternatifs affichant des performances record quel que soit l&rsquo;environnement de march&eacute;. Ce type d&rsquo;exception n&rsquo;a rien de sp&eacute;cifique &agrave; l&rsquo;activit&eacute; de gestion d&rsquo;actifs&hellip; Dans le contexte de march&eacute; actuel, particuli&egrave;rement difficile &agrave; aborder pour les investisseurs (avec notamment des taux d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t extr&ecirc;mement bas), de plus en plus d&rsquo;acteurs en qu&ecirc;te de rendement mettent en place des strat&eacute;gies de gestion consid&eacute;r&eacute;es comme alternatives. La fronti&egrave;re entre gestion traditionnelle et alternative est ainsi de plus en plus mince. 1 P&eacute;riode d&rsquo;observation : 2009-2014. 2 Rentabilit&eacute;s quotidiennes, nettes de frais. 3 Boucle de r&eacute;troaction : processus par lequel des causes impactent les cours de mani&egrave;re d&eacute;terministe. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une dynamique de formation des prix d&eacute;pendante de conditions initiales. On parle &eacute;galement d&rsquo;effet &laquo; boule de neige &raquo;. 4 P&eacute;riode d&rsquo;observation : 2011-2014. 5 Volatilit&eacute; implicite : volatilit&eacute; anticip&eacute;e, volatilit&eacute; des rentabilit&eacute;s du prix du sous-jacent sous option, calcul&eacute;e par it&eacute;rations. 6 Chicago Board Options Exchange.

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