Les changements induits par la Covid-19 dans les banques d’investissement

Pour les institutions financi&egrave;res, la transition brutale d&rsquo;une organisation du travail en environnement ferm&eacute;, dans laquelle les employ&eacute;s op&egrave;rent tous dans un bureau ou une s&eacute;rie de bureaux diss&eacute;min&eacute;s &agrave; travers le monde, vers un environnement ouvert, dans lequel chacun travaille depuis son domicile, a cr&eacute;&eacute; des contraintes et un nombre de probl&egrave;mes qui n&rsquo;avaient pas &eacute;t&eacute; anticip&eacute;s par les plans de Business Continuity Planning (BCP) et Disaster Recovery (DR) traditionnels. Cependant, &agrave; de rares exceptions, les banques, Asset Managers, bourses, Central Counterparties (CCP), syst&egrave;mes de paiement, op&eacute;rateurs d&rsquo;infrastructures n&eacute;cessaires au bon fonctionnement des march&eacute;s financiers (au sens large) ont continu&eacute; &agrave; assurer le service aupr&egrave;s de leurs clients. Le contexte Les volumes ont augment&eacute; massivement, cr&eacute;ant des tensions par exemple pour les &eacute;quipes en charge des processus de r&egrave;glement, livraison, confirmation, paiement, clearing, appels de marges sur des produits tels que les actions ou les d&eacute;riv&eacute;s. Les besoins des clients en difficult&eacute; &agrave; la suite d'une chute de leurs revenus impactant leur capacit&eacute; &agrave; payer leurs emprunts, leurs factures mensuelles, voire les achats vitaux de leur vie quotidienne, ont aussi accru la pression sur les banques et les temps de r&eacute;ponse &agrave; ces besoins. Dans le m&ecirc;me temps, les institutions financi&egrave;res ont d&ucirc; faire face &agrave; un accroissement soudain des tentatives de fraude &ndash; hame&ccedil;onnage, intrusion, cyberattaque, etc. &ndash; imposant des mesures de contr&ocirc;le renforc&eacute;es. Le travail &agrave; domicile n&rsquo;est pas une d&eacute;couverte amen&eacute;e par le coronavirus, mais l&rsquo;ampleur de l&rsquo;impact n&rsquo;avait pas &eacute;t&eacute; pr&eacute;vue et encore moins test&eacute;e. Les processus organisationnels n&rsquo;avaient pas jusqu&rsquo;alors &eacute;t&eacute; formalis&eacute;s autour d&rsquo;un tel sc&eacute;nario, ce qui a engendr&eacute; nombre de probl&egrave;mes, pour la majorit&eacute; surmontables, tout au moins &agrave; court terme. Certains sujets un peu plus &eacute;pineux, sur lesquels nous reviendrons en d&eacute;tail dans la suite de cet article, li&eacute;s au trading ainsi qu&rsquo;&agrave; des activit&eacute;s impliquant des niveaux &eacute;lev&eacute;s de confidentialit&eacute;, le M&amp;A entre autres, ont amen&eacute; les institutions et leurs autorit&eacute;s de supervision &agrave; abaisser leurs crit&egrave;res de r&eacute;glementation&hellip; temporairement. Il faut dor&eacute;navant se pencher sur la question de la transition vers un retour &agrave; la normale : allons-nous revenir &agrave; un fonctionnement pr&eacute;-Covid, depuis un bureau fixe, dans les salles de march&eacute;s par exemple ? Ou avons-nous d&eacute;j&agrave; commenc&eacute; &agrave; op&eacute;rer une transition durable vers un environnement ouvert, certaines personnes travaillant depuis un poste fixe dans un immeuble de bureau, d&rsquo;autres depuis leur domicile ? Cette seconde option semble la plus vraisemblable. Elle n&eacute;cessite cependant un nombre de changements afin d&rsquo;assurer une transition p&eacute;renne, sans toutefois compromettre durablement les contr&ocirc;les requis pour respecter les lois et r&eacute;gulations applicables et destin&eacute;es &agrave; prot&eacute;ger les activit&eacute;s financi&egrave;res et les clients, qu&rsquo;ils soient des particuliers, des soci&eacute;t&eacute;s, des institutions financi&egrave;res, des organisations gouvernementales ou supranationales. Dans la seconde partie de cet article, nous allons &eacute;tablir une liste (non exhaustive) des probl&egrave;mes rencontr&eacute;s par les banques, plus particuli&egrave;rement dans les d&eacute;partements de banque d&rsquo;investissement couvrant le trading des activit&eacute;s de march&eacute;s ainsi que les &laquo; mergers and acquisitions &raquo; (M&amp;A). La troisi&egrave;me section tente de fournir une vision du futur : la transformation de l&rsquo;&eacute;conomie globale et par cons&eacute;quent des activit&eacute;s bancaires que d&rsquo;aucuns appellent &laquo; r&eacute;volution digitale &raquo;, un terme que nous ne trouvons pas adapt&eacute; &agrave; la r&eacute;alit&eacute;. Nous lui pr&eacute;f&eacute;rons l&rsquo;appellation &laquo; &eacute;volution digitale &raquo;, une &eacute;volution commenc&eacute;e il y a plusieurs ann&eacute;es avec le d&eacute;veloppement des r&eacute;seaux sociaux et d&rsquo;outils de communication de plus en plus sophistiqu&eacute;s, permettant les interactions en temps r&eacute;el &agrave; travers l&rsquo;internet. Les innovations technologiques telles le Natural Language Processing (NLP), l&rsquo;intelligence artificielle (IA), l'optical character recognition (OCR), les assistants personnels digitaux tels que Alexa, Siri, Cortana ou Google Assistant, contribuent &agrave; cette &eacute;volution vers une nouvelle organisation de nos vies, tant personnelles que professionnelles, qui &agrave; son tour engendre des changements de comportement qu&rsquo;il serait souhaitable que les banques anticipent. La r&eacute;silience du futur (proche) doit consid&eacute;rer ces impacts et pas seulement tenter de r&eacute;soudre des probl&egrave;mes IT ou d&rsquo;infrastructures physiques &agrave; court terme. L&rsquo;employ&eacute; revient au cœur du sujet. Sa disponibilit&eacute;, son accessibilit&eacute;, sa sant&eacute; physique et mentale, sa performance et non pas les heures pass&eacute;es au bureau, sont des &eacute;l&eacute;ments absolument fondamentaux qui requi&egrave;rent de nouvelles approches, voire de nouvelles techniques de management. Un autre aspect &agrave; consid&eacute;rer pour les banques est la communication avec les clients existants ou potentiels, depuis le Know Your Customer (KYC) jusqu&rsquo;au suivi r&eacute;gulier des besoins du client, dans un contexte de banque digitale. Les contraintes pour les banques d&rsquo;investissement Les probl&egrave;mes suscit&eacute;s par le coronavirus sont particuli&egrave;rement complexes pour les salles de march&eacute;s, qui sont soumises &agrave; des r&egrave;gles strictes de reporting, de contr&ocirc;le et de d&eacute;ontologie. Les besoins pour les traders d&rsquo;acc&eacute;der aux prix des instruments trait&eacute;s, &agrave; leurs positions et expositions aux risques, aux plateformes d&rsquo;ex&eacute;cution pour effectuer la gestion de leurs risques, tout cela en temps r&eacute;el, ajoutent des contraintes techniques parfois insurmontables. Nous d&eacute;composons les zones de risques op&eacute;rationnels associ&eacute;s au trading &agrave; domicile en 6 grandes familles, passons en revue quelques probl&egrave;mes majeurs pour chacune de ces cat&eacute;gories de risques, et d&eacute;crivons des exemples de solutions mises en place depuis le d&eacute;but de la crise. Les questions technologiques Broadband et vitesse du r&eacute;seau internet Certaines banques, parmi lesquelles une grande banque am&eacute;ricaine, avaient dot&eacute; leurs traders les plus critiques, bien avant la Covid-19, d&rsquo;un acc&egrave;s au r&eacute;seau internet haut d&eacute;bit, afin qu&rsquo;ils puissent op&eacute;rer jour et nuit si besoin est. Ces installations sont co&ucirc;teuses et ne peuvent pas &ecirc;tre d&eacute;ploy&eacute;es rapidement. Elles doivent &ecirc;tre pr&eacute;vues et organis&eacute;es &agrave; l&rsquo;avance. Capacit&eacute;s de calculs et acc&egrave;s aux applications La puissance de calcul des ordinateurs portables ou des PC ne peut pas r&eacute;pondre aux besoins des traders qui rafra&icirc;chissent leurs risques et leurs prix sur des milliers de lignes toutes les quelques secondes. L&rsquo;acc&egrave;s aux fermes de calcul mis en place par les institutions, ainsi qu&rsquo;aux r&eacute;sultats produits, doit &ecirc;tre garanti. Les banques ont en g&eacute;n&eacute;ral mis en place des solutions, telles que Citrix, qui permettent au terminal utilis&eacute; par le trader de voir les informations, ou d&rsquo;envoyer une instruction pour effectuer un nouveau calcul, sans n&eacute;cessiter d&rsquo;effectuer ces calculs localement. Le mouvement commenc&eacute; avant 2020 de transfert des applications vers des Cloud (priv&eacute;s pour des raisons de confidentialit&eacute;) permet d&rsquo;offrir des acc&egrave;s rapides, s&eacute;curis&eacute;s, flexibles en termes de capacit&eacute;, avec des fonctions largement automatis&eacute;es de maintenance et de changement (&laquo; system upgrade &raquo;), ce qui facilite la gestion &agrave; distance de ces solutions par les &eacute;quipes IT. Enregistrement des conversations t&eacute;l&eacute;phoniques Les r&eacute;glementations telles que MiFID II (Markets in Financial Instruments Directive) ou SEC 17 CFR, imposent d&rsquo;enregistrer toutes les communications avec des clients, qu&rsquo;elles soient initi&eacute;es via une messagerie &eacute;lectronique ou par t&eacute;l&eacute;phone, et de conserver cette information pendant des ann&eacute;es &ndash; potentiellement des d&eacute;cennies pour des swaps long terme &ndash;, de classifier ces &eacute;l&eacute;ments et de pouvoir les restituer &agrave; la demande du r&eacute;gulateur ou, pour ce qui concerne l&rsquo;Union Europ&eacute;enne et MiFID II, du client. Les banques ont investi dans des architectures complexes et co&ucirc;teuses pour conserver ces enregistrements. Dans un contexte de t&eacute;l&eacute;travail, les e-mails ne constituent pas un probl&egrave;me s&rsquo;ils utilisent la messagerie et les serveurs de l&rsquo;entreprise. Les messageries &eacute;lectroniques ind&eacute;pendantes, WhatsApp ou Messenger pour n&rsquo;en citer que deux, constituent un probl&egrave;me et leur utilisation est automatiquement bloqu&eacute;e dans l&rsquo;environnement de travail du bureau. Mais cela n&rsquo;est pas contr&ocirc;lable dans un environnement priv&eacute;. Plus difficile encore est le cas des conversations t&eacute;l&eacute;phoniques, que ce soit &agrave; partir d&rsquo;une ligne priv&eacute;e ou d&rsquo;un mobile, d&rsquo;autant plus que les banques ont depuis des ann&eacute;es promulgu&eacute; une transition depuis des appareils fournis par l&rsquo;employeur vers la solution Bring Your Own Device (BYOD). Sur les salles de march&eacute;, les t&eacute;l&eacute;phones mobiles sont interdits et / ou brouill&eacute;s pour &eacute;viter tout probl&egrave;me d&rsquo;utilisation frauduleuse. Ce type de contr&ocirc;le ne peut pas &ecirc;tre mis en place chez des particuliers. Solutions de communication &ndash; voix et vid&eacute;o La Covid-19 a cr&eacute;&eacute; une &eacute;norme augmentation de la demande pour des solutions de communication &eacute;lectronique en r&eacute;seau, et non plus seulement en face-&agrave;-face. Le prix de l&rsquo;action Zoom a &eacute;t&eacute; multipli&eacute; par 3,7 en 6 mois, celui de Microsoft n&rsquo;a augment&eacute; &laquo; que &raquo; de 30 % (50 % depuis d&eacute;but mars). Mais dans un contexte de baisse des indices boursiers de 15 % &agrave; 20 % (CAC 40 -17 % depuis le 1er janvier). Cela illustre l&rsquo;engouement pour ces solutions et ces &eacute;diteurs, transcrivant un besoin r&eacute;el. Les probl&egrave;mes de &laquo; conduct &raquo; Market Abuse (MAD), Treat your Customer Fairly (TCF), FX Code of Conduct et Benchmarks (BMR)&hellip; Certaines des technologies &eacute;voqu&eacute;es dans le paragraphe pr&eacute;c&eacute;dent r&eacute;sultent du besoin de contr&ocirc;ler la bonne conduite des activit&eacute;s de trading ou de d&eacute;partements tels que le M&amp;A, ouverts &agrave; des risques de manipulation d&rsquo;information sensible. Les contr&ocirc;les ne se limitent pas &agrave; des aspects techniques : ils reposent &eacute;galement sur des processus plus ou moins manuels, dont certains sont bas&eacute;s sur la proximit&eacute; des op&eacute;rateurs et des contr&ocirc;leurs. Ce type de contr&ocirc;le est beaucoup moins efficace dans un environnement ouvert (chacun chez soi) que dans un environnement de travail ferm&eacute; (tous dans un m&ecirc;me lieu). La s&eacute;curit&eacute; des informations Chiffrement, s&eacute;curit&eacute; des conversations t&eacute;l&eacute;phoniques ou des chats ou e-mails par exemple, sont des sujets tr&egrave;s importants pour les banques, qui se doivent de prot&eacute;ger leurs clients. Une banque canadienne a par exemple d&eacute;velopp&eacute; tr&egrave;s rapidement avec un partenaire IT, pour faire face au virus, des &laquo; WiFi routers &raquo; permettant de se connecter de mani&egrave;re s&eacute;curis&eacute;e au r&eacute;seau priv&eacute; de la banque, plut&ocirc;t que de passer par des routers publics. M&ecirc;me si les lignes de fibre optique peuvent &ecirc;tre logiquement isol&eacute;es en des r&eacute;seaux s&eacute;curis&eacute;s, en g&eacute;n&eacute;ral le Last Mile, c&rsquo;est-&agrave;-dire le lien entre ce r&eacute;seau et l&lsquo;installation chez un particulier, pr&eacute;sente un degr&eacute; de risque. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;utilisation de dongles et de routers avec chiffrement sur des cl&eacute;s priv&eacute;es. La technologie cependant ne peut assurer une banque contre le risque que des op&eacute;rateurs &eacute;changent de l&rsquo;information avec leurs amis, leur famille, leurs colocataires&hellip; Il n&rsquo;est pas rare de voir des traders de diff&eacute;rentes institutions partager un appartement ou une maison dans la City. Quand ces traders travaillent depuis le bureau, ils ne peuvent pas communiquer des informations sensibles avec leur famille ou leurs coll&egrave;gues dans d&rsquo;autres banques. Mais quand ils op&egrave;rent depuis leur salon, sur la table commune partag&eacute;e avec trois autres traders de diff&eacute;rentes banques, qu&rsquo;ils le fassent sciemment ou non, l&rsquo;information peut circuler plus facilement. La communication au sein des &eacute;quipes et &agrave; travers diff&eacute;rentes &eacute;quipes Autant la communication avec l&rsquo;ext&eacute;rieur est compliqu&eacute;e &agrave; contr&ocirc;ler, autant la communication interne est complexe &agrave; organiser de mani&egrave;re efficiente ! Les acteurs de banques d&rsquo;investissement doivent interagir avec une multitude de personnes au quotidien : d&rsquo;autres traders, pour comprendre ce qui se passe sur diff&eacute;rents march&eacute;s ; les commerciaux, qui ont besoin de r&eacute;pondre aux questions des clients et demandent des cotations ; les brokers ; les &eacute;quipes de middle- ou back-office, qui peuvent avoir des questions sur l&rsquo;enregistrement d&rsquo;une transaction ; la Compliance (ou d&eacute;ontologie), qui veut s&rsquo;assurer de la bonne ex&eacute;cution des op&eacute;rations ; le d&eacute;partement des risques, qui veut contr&ocirc;ler que les limites sont bien respect&eacute;es&hellip; Dans cette nouvelle organisation &laquo; ouverte &raquo;, la communication n&rsquo;est plus directe mais passe par des solutions techniques et des outils tels Microsoft Teams, Webex, Skype, Zoom. Les banques ont plus largement que jamais adopt&eacute; ces solutions, m&ecirc;me si la controverse autour des probl&egrave;mes de s&eacute;curit&eacute; de Zoom a quelque peu rendu la situation plus complexe. L&rsquo;adaptation s&rsquo;est faite tr&egrave;s rapidement et les fonctionnalit&eacute;s offertes par ces outils ont permis de continuer &agrave; travailler efficacement. Les contr&ocirc;les de 1er et 2nd niveaux et leur efficacit&eacute; L&rsquo;efficacit&eacute; des contr&ocirc;les, pour toutes les raisons &eacute;voqu&eacute;es pr&eacute;c&eacute;demment, est un challenge. Les processus &eacute;tablis au cours de nombreuses ann&eacute;es et particuli&egrave;rement depuis la crise financi&egrave;re de 2008-2009, ne r&eacute;pondent pas enti&egrave;rement &agrave; la nouvelle donne. Les superviseurs et r&eacute;gulateurs ont bien compris ce probl&egrave;me et y ont r&eacute;pondu en assouplissant non pas les r&egrave;gles (ce qui requerrait des d&eacute;cisions l&eacute;gislatives aux processus longs et tortueux dans la majorit&eacute; des cas, &agrave; l&rsquo;exception des &Eacute;tats-Unis o&ugrave; la Securities and Exchange Commission (SEC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) peuvent l&eacute;gif&eacute;rer &agrave; travers des &laquo; no-action &raquo; et &laquo; interpretative letters &raquo;), mais en annon&ccedil;ant aux entit&eacute;s qu&rsquo;ils supervisent que les contr&ocirc;les sur l&rsquo;impl&eacute;mentation des r&egrave;gles seraient assouplis, temporairement. Ils ont aussi accept&eacute; de retarder le d&eacute;ploiement de certaines r&eacute;gulations afin de permettre aux acteurs financiers de faire face aux probl&egrave;mes imm&eacute;diats et urgents. Les aspects personnels &ndash; sant&eacute; physique et mentale des individus La sant&eacute; des employ&eacute;s, en particulier leur sant&eacute; physique et les cons&eacute;quences pour leurs familles et d&eacute;pendants, est bien s&ucirc;r un souci constant de toute entreprise, les banques ne faisant pas exception. La distanciation impos&eacute;e par la Covid-19 n&rsquo;est pas toujours facile &agrave; g&eacute;rer mentalement. Le stress induit par les activit&eacute;s de trading est, en temps normal, d&eacute;j&agrave; &eacute;lev&eacute;. Mais dans cette situation de pand&eacute;mie et d&rsquo;isolation forc&eacute;e, les soupapes de s&ucirc;ret&eacute; qui existaient tendent &agrave; dispara&icirc;tre : les coll&egrave;gues ne sont plus pr&eacute;sents pour aider imm&eacute;diatement dans un &laquo; coup de bourre &raquo;, le support moral qu&rsquo;ils apportaient dans les crises n&rsquo;est plus aussi pr&eacute;sent. Le contact humain peut faire cruellement d&eacute;faut. Les managers doivent par cons&eacute;quent &eacute;tablir des liens plus &eacute;troits, un suivi plus fr&eacute;quent de leurs &eacute;quipes. Le management du risque op&eacute;rationnel &ndash; au sens du contr&ocirc;le permanent et pas du capital &ndash; int&egrave;gre plus que jamais les risques humains. Une vision du futur &ndash; l&rsquo;&eacute;volution digitale Les actions parfois drastiques prises par les diff&eacute;rents gouvernements pour contenir et combattre la pand&eacute;mie ont produit des r&eacute;sultats in&eacute;gaux. Les pays qui ont suffisamment r&eacute;duit le R (mesure du taux de propagation de l&rsquo;infection) ont ouvert progressivement les portes &agrave; un retour vers &laquo; la normale &raquo;, ou plus correctement une nouvelle norme. Il est tr&egrave;s improbable que notre vie quotidienne future ressemble &agrave; celle d&rsquo;il y a un an, tout au moins pour des mois, voire des ann&eacute;es. La reprise &eacute;conomique, la r&eacute;sorption des d&eacute;ficits publics et priv&eacute;s, la r&eacute;duction du taux de ch&ocirc;mage, ne vont pas se produire imm&eacute;diatement. La marche en avant vers une &eacute;conomie qui s&rsquo;affranchit de l&rsquo;usage du cash, en pi&egrave;ces de monnaie ou en billets de banque, d&eacute;j&agrave; bien commenc&eacute;e dans certains pays comme la Chine et les pays nordiques, s&rsquo;acc&eacute;l&egrave;re. Les sujets ESG (Environnement, Social, Gouvernance) sont pass&eacute;s au second plan, &eacute;clips&eacute;s par le virus, mais ce n&rsquo;est que transitoire. En fait, la Covid-19 va pousser vers plus d&rsquo;investissements dans la transformation &agrave; long terme avec un but de d&eacute;veloppement durable (voir mon article du 19 juin 2020 [1] ). L&rsquo;Union europ&eacute;enne a fait de la durabilit&eacute; l'un de ses objectifs cl&eacute; [2] : les investissements promis dans le budget de l&rsquo;UE pour la p&eacute;riode 2021-2027 atteignent 1 100 milliards d'euros. La r&eacute;gulation sur la taxonomie adopt&eacute;e le 18 juin ouvre le chemin &agrave; des politiques d&rsquo;investissement et &agrave; un reporting ancr&eacute;s sur des &eacute;l&eacute;ments concrets et assurant la comparabilit&eacute;. Pour les banques, cela signifie que la relation avec leurs clients est affect&eacute;e, pas seulement pour les clients particuliers, mais aussi pour les clients institutionnels et les entreprises. Les demandes des superviseurs et des auditeurs vont aussi &eacute;voluer. L&rsquo;information sur les contreparties, utilis&eacute;e par les banques dans des processus internes de KYC / Onboarding ou de ratings puis de gestion des risques de cr&eacute;dit, ou sur les investissements, doit incorporer de nouvelles dimensions ESG. La provision de services par des m&eacute;thodes digitales ne peut qu&rsquo;augmenter. La quantit&eacute; et le d&eacute;tail de l&rsquo;information &agrave; fournir vont s&rsquo;accro&icirc;tre massivement. Les clients, comme les r&eacute;gulateurs, demandent des data &agrave; un niveau granulaire et en temps (semi) r&eacute;el. Les moyens de paiement traditionnels &ndash; cash, ch&egrave;ques &ndash; ont de moins en moins d&rsquo;utilisateurs. Une &eacute;tude datant de juin 2019 faite par UK Finance sur les m&eacute;thodes de paiement au Royaume-Uni montre que les paiements par cartes de d&eacute;bit ont d&eacute;pass&eacute; les montants pay&eacute;s en cash en 2016. Leur pr&eacute;diction est que le cash ne repr&eacute;sentera plus que 9 % des paiements en 2028, contre 28 % en 2018 (voir Graphique 2). Ces &eacute;volutions auront des impacts sur les banques d&rsquo;investissement : &ndash; les banques &eacute;lectroniques prennent des parts de march&eacute; et forcent une &eacute;volution de l&rsquo;offre de service, y compris sur des produits d&rsquo;investissement ou d&rsquo;&eacute;pargne structur&eacute;s ; &ndash; les grands acteurs IT tels que Amazon, Google, Apple, Microsoft poussent &eacute;galement pour offrir des services financiers en ligne. Facebook va revoir sa copie et proposer une nouvelle version de Libra, une &laquo; digital currency &raquo; fonctionnant sur la technologie blockchain. Les banques classiques vont devoir int&eacute;grer ces nouveaux &eacute;l&eacute;ments et s&rsquo;adapter rapidement &agrave; de nouvelles formes de paiement et de nouveaux risques ; &ndash; la collecte d&rsquo;information sur les clients devient de plus en plus automatis&eacute;e et digitale (&laquo; automated onboarding &raquo;), raccourcissant le temps n&eacute;cessaire pour int&eacute;grer un nouveau client et lui offrir des prestations ; &ndash; le besoin de davantage d&rsquo;information pour g&eacute;rer des situations comme la Covid-19 ou les risques climatiques &ndash; risques physiques ou de transition &ndash;, avec une granularit&eacute; g&eacute;ographique qui ajoute un degr&eacute; de complexit&eacute;, n&eacute;cessite des solutions techniques capables de g&eacute;rer des montants de data colossaux, tr&egrave;s rapidement ; &ndash; cela requiert aussi d&rsquo;&ecirc;tre en mesure de sourcer ces donn&eacute;es, de les analyser et de les injecter dans des processus de g&eacute;n&eacute;ration de prix ou de gestion du risque, qui eux-m&ecirc;mes reposent sur le d&eacute;veloppement de nouveaux mod&egrave;les math&eacute;matiques ; &ndash; les banques d&rsquo;investissement s&rsquo;appuient sur des infrastructures lourdes et consommatrices de data et de calculs multiples. L&rsquo;&eacute;volution vers des services &laquo; Software as a Service &raquo; (SaaS) et l&rsquo;utilisation du cloud pour les calculs et le stockage des donn&eacute;es, acc&eacute;l&egrave;rent &agrave; la suite du coronavirus ; &ndash; les banques ont accumul&eacute; au cours du temps des montagnes de documents et d&rsquo;information qui sont aujourd&rsquo;hui stock&eacute;s sous forme papier, Word, Acrobat, JPEG&hellip; Ajoutons les conversations t&eacute;l&eacute;phoniques, les appels vid&eacute;o, les e-mails. Cette collecte de donn&eacute;es sous des formats insuffisamment structur&eacute;s, par opposition &agrave; des tableaux Excel ou des bases de donn&eacute;es SQL - Oracle - MongoDB, structur&eacute;s et donc exploitables par des processus num&eacute;riques automatis&eacute;s, contient &eacute;norm&eacute;ment d&rsquo;information. Il est crucial pour les banques qu&rsquo;elles puissent digitaliser toutes les donn&eacute;es qu&rsquo;elles d&eacute;tiennent, afin d&rsquo;en extraire le maximum d&rsquo;information sur les clients, sur leurs besoins et leurs habitudes, sur les produits qui peuvent les int&eacute;resser ; &ndash; les clients sont demandeurs d&rsquo;une information plus compl&egrave;te, plus d&eacute;taill&eacute;e, en temps r&eacute;el. La disponibilit&eacute; de ces informations et la capacit&eacute; de valider la qualit&eacute; des donn&eacute;es avant de les mettre &agrave; disposition des tiers n&eacute;cessitent des contr&ocirc;les rigoureux tout en facilitant une grande r&eacute;activit&eacute; aux besoins ; &ndash; la r&eacute;silience des activit&eacute;s de march&eacute; dans des situations comme la pand&eacute;mie va devoir &ecirc;tre revue et am&eacute;lior&eacute;e : les sites de BCP ou de &laquo; Disaster Recovery &raquo; n&rsquo;offrent pas des solutions adapt&eacute;es &agrave; de telles situations. Les banques ont dispers&eacute; leurs &eacute;quipes de trading &agrave; travers de multiples salles et sites de repli afin de minimiser le risque de fermeture compl&egrave;te d&rsquo;une plateforme critique. Cette strat&eacute;gie a atteint tr&egrave;s vite ses limites lors d&rsquo;un confinement forc&eacute;. Le retour &agrave; la normale va n&eacute;cessairement impliquer de s&eacute;parer les &eacute;quipes, d&rsquo;organiser le travail autour d&rsquo;horaires et de pr&eacute;sence sur site flexible. Des &eacute;tudes sur les moyens &agrave; mettre en œuvre pour assurer la continuit&eacute; des services critiques aux clients et aux march&eacute;s vont devoir &ecirc;tre men&eacute;es [3] , d&rsquo;autant que les r&eacute;gulateurs commencent d&eacute;j&agrave; &agrave; mettre la pression sur les acteurs financiers [4] [5] ; &ndash; les traders vont-ils devoir retourner travailler dans leurs anciens bureaux ? Certains n&rsquo;ont jamais compl&egrave;tement quitt&eacute; leur lieu de travail habituel. Quotidiennement, une cinquantaine de membres du front office viennent travailler dans les locaux londoniens d&rsquo;une grande banque europ&eacute;enne, par exemple. Le New York Stock Exchange (NYSE) a rouvert ses portes le 29 mai, apr&egrave;s deux mois de cl&ocirc;ture, avec des op&eacute;rateurs portant des masques. JP Morgan a offert aux traders, sur une base de volontariat, de r&eacute;int&eacute;grer leurs locaux de Madison Avenue &agrave; partir du 22 juin. Cependant, organiser le retour de 1 000 personnes sur un m&ecirc;me plateau de trading ne va pas &ecirc;tre possible ni probablement souhaitable. Les conditions n&eacute;cessaires pour assurer la s&eacute;curit&eacute; du personnel sont extr&ecirc;mement compliqu&eacute;es &agrave; mettre en œuvre, surtout dans des immeubles comprenant de nombreux &eacute;tages desservis par une dizaine d&rsquo;ascenseurs et avec une cafeteria unique. Le &laquo; retour &agrave; la normale &raquo; va n&eacute;cessairement impliquer de s&eacute;parer les &eacute;quipes, d&rsquo;organiser le travail autour d&rsquo;horaires adapt&eacute;s et d&rsquo;œuvrer vers une pr&eacute;sence sur site flexible ; &ndash; les banques se posent la question des &eacute;conomies &agrave; r&eacute;aliser, d&rsquo;autant plus n&eacute;cessaires que leurs revenus sont affect&eacute;s par les taux d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t proches de 0 (voire n&eacute;gatifs) et que les Non-Performing Loans (NPL) vont poser un probl&egrave;me de capital et de profitabilit&eacute; d&egrave;s que la p&eacute;riode de report des paiements sur les emprunts va s&rsquo;achever et que les pertes vont devoir &ecirc;tre reconnues. Un &eacute;l&eacute;ment de co&ucirc;t important est le poste immobilier : les banques ont d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; ferm&eacute; nombre d&rsquo;agences, 10 &agrave; 15 % entre 2016 et 2020 en France. Fermer des bureaux &agrave; Manhattan, dans la City de Londres ou &agrave; la D&eacute;fense, pourrait leur permettre d&rsquo;&eacute;conomiser beaucoup d&rsquo;argent ou d&rsquo;encaisser des plus-values immobili&egrave;res importantes. La Banque Centrale Europ&eacute;enne a publi&eacute; le 3 juillet un document [6] pour discussion intitul&eacute; : &laquo; Financial intermediation and technology: what&rsquo;s old, what&rsquo;s new? &raquo;. Ce document de travail consid&egrave;re certains des sujets mentionn&eacute;s dans cet article comme &eacute;tant au cœur de l&rsquo;interm&eacute;diation financi&egrave;re du futur : l&rsquo;incorporation de donn&eacute;es non financi&egrave;res, telles que l'ESG ; l&rsquo;intelligence artificielle au service de la prise de d&eacute;cision ; l&rsquo;usage de plateformes digitales et des t&eacute;l&eacute;phones mobiles pour distribuer les services financiers. Les activit&eacute;s de Capital Markets du futur vont devoir adopter un compromis et ne plus op&eacute;rer en &laquo; organisation ferm&eacute;e &raquo; avec un centre de trading bien d&eacute;fini par r&eacute;gion, sans toutefois devenir des organisations totalement ouvertes dans lesquelles tous les individus travaillent depuis leur domicile. Les &eacute;volutions technologiques n&rsquo;offrent pas une alternative aux traders, du moins pas pour tous les produits et pas pour toutes les fonctions que les traders remplissent. Les processus de risques op&eacute;rationnels et de d&eacute;ontologie quant &agrave; eux vont devoir s&rsquo;adapter et mettre &agrave; profit ces nouvelles technologies, en particulier le Machine Learning et l&rsquo;Intelligence Artificielle, afin d&rsquo;assurer une couverture efficiente et de garantir la qualit&eacute; des contr&ocirc;les (anti-fraude, lutte contre le blanchiment d&rsquo;argent&hellip;). Les banques sont &agrave; l&rsquo;aube d&rsquo;un grand bouleversement, une nouvelle &eacute;tape dans leur &eacute;volution vers le digital. Le Coronavirus n&rsquo;en est pas &agrave; l&rsquo;origine mais il en est un acc&eacute;l&eacute;rateur. Achev&eacute; de r&eacute;diger le 10 juillet 2020. 1 https://www.sionic.com/news/coronavirus-from-rescue-to-recovery ou sur LinkedIn https://www.linkedin.com/posts/xavier-pujos-948481a4_coronavirus-from-rescue-to-recovery-sionic-activity-6679667546079158272-UlsK. 2 https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20200615IPR81229/green-finance-parliament-adopts-criteria-for-sustainable-investments. 3 SIFMA a publi&eacute; des consid&eacute;rations sur le retour au travail : https://www.sifma.org/resources/general/considerations-for-return-to-office/. 4 Les autorit&eacute;s britanniques ont lanc&eacute; une consultation sur la R&eacute;silience Op&eacute;rationnelle. La p&eacute;riode de consultation a &eacute;t&eacute; &eacute;tendue au 1er octobre 2020 : https://www.bankofengland.co.uk/prudential-regulation/publication/2018/building-the-uk-financial-sectors-operational-resilience-discussion-paper. 5 IOSCO consulte sur la r&eacute;silience op&eacute;rationnelle li&eacute;e &agrave; l&rsquo;outsourcing, tandis que l&rsquo;EBA et la FCA ont produit des Guidelines sur ce sujet. Cf. https://www.iosco.org/news/pdf/IOSCONEWS567.pdf ; https://eba.europa.eu/eba-publishes-revised-guidelines-on-outsourcing-arrangements ; https://www.fca.org.uk/firms/outsourcing-and-operational-resilience. 6 https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpwps/ecb.wp2438~d0d447b9b6.en.pdf.

RECHERCHEZ UN ARTICLE, UNE CHRONIQUE, PARMI L'ENSEMBLE DES PUBLICATIONS

RECHERCHEZ UN AUTEUR

Archive

BIM

Les changements induits par la Covid-19 dans les banques d’investissement

Les problèmes suscités par le coronavirus sont particulièrement complexes pour les salles de marché, qui sont soumises à des règles de reporting, de contrôle et de déontologie strictes.

À retrouver dans la revue

Paiements

Chahuté, Worldline se bouge

Macro-économie

Dette et déficit publics : comment éviter le précipice

Paiements

DeluPay, une appli alternative aux cartes de paiement

Services financiers spécialisés

Le leasing, notre meilleur atout pour une mobilité décarbonée

Archive

Panorama réglementaire des actifs numériques

Archive

Sberbank : une valeur anéantie à zéro en fonds de portefeuille

Archive

La transformation repose sur des directions responsables et des équipes pluridisciplinaires

Suivez-nous