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Gestion d’actifs, répondre coup pour coup

Créé le

16.11.2011

-

Mis à jour le

30.11.2011

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La gestion d’actifs se relèvera-t-elle des coups qui lui sont portés ?

Force est d’admettre que les attaques sont rudes, mais l’industrie tente de répondre coup pour coup. Solvabilité 2 a lancé la première pierre. Cette directive dissuadant les assureurs d’investir en actions, ces investisseurs se portent vers les produits de taux qui génèrent moins de valeur ajoutée, donc moins de frais de gestion pour les asset managers. Ces derniers tentent donc de s’adapter au nouvel environnement et proposent de nouveaux produits, à forte valeur ajoutée , qui visent à être peu consommateurs de fonds propres et vont donc au-delà de l’habituelle approche rendement/risque.

Autre réglementation ennemie de l’asset management : Bâle III. Pour respecter ces normes, les banques orientent leurs efforts commerciaux de façon à faire passer les montants placés dans les fonds monétaires vers des produits bancaires. Pour résister à ce phénomène, les asset managers ont là encore dans un premier temps réfléchi au lancement de  nouveaux fonds: des produits de trésorerie compatibles avec la réglementation bâloise. Mais cette piste semble abandonnée depuis qu’une victoire a été remportée sur un autre front, celui d’IAS 7, cette norme qui menaçait de pénaliser la comptabilisation, par les investisseurs, de certains fonds monétaires.

Cette classe d’actifs est également montrée du doigt par le Financial Stability Board qui estime que le monétaire constitue une pièce essentielle du Shadow Banking System car faisant partie de la chaîne de titrisation. Et ce même organisme s’en prend aussi aux ETF qui menaceraient la stabilité financière, quelle que soit la technique choisie par ces fonds pour répliquer l’évolution des indices boursiers. Quand la méthode est la réplication physique, les fonds pratiquent le prêt de titre, induisant un risque de contrepartie, selon le FSB. Le danger est le même quand l’ETF est synthétique puisque le fonds réalise alors un swap avec une banque. Mais le risque ne porte que sur 10 % du fonds, rétorque Lyxor qui pratique la réplication synthétique. Concernant le prêt de titre, il ne présente aucun danger selon iShares qui estime que ce modèle a même particulièrement bien résisté à la crise.

Ces contre-feux suffiront-ils ? Il est trop tôt fin 2011 pour répondre à la question. S. G.

Ils l’ont dit

Swaps de liquidité entre assureurs et banquiers

« La crise a mis en lumière la valeur de la liquidité, puis la réglementation Bâle III et ses ratios de liquidité ont accentué cette prise de conscience. Or, en assurance vie, les portefeuilles d’actifs sont largement constitués d’obligations d’états très liquides en elles-mêmes et qui permettent de se refinancer auprès de la BCE. En face, nos passifs sont très longs, donc nous avons un excédent de liquidités. En bons gestionnaires d’actifs, nous avons donc décidé, courant 2008, de faire fructifier ces titres liquides. Les banques quand à elles, ont besoin de ces actifs pour se rapprocher de l’objectif affiché par le Comité de Bâle en matière de liquidité. Elles nous les empruntent, en échange d’une rémunération qui vient améliorer la performance du portefeuille et donc du contrat d’assurance vie. Nous prenons également en garantie un collatéral, constitué d’obligations corporate, titres dont les banques disposent en quantité. »

Roger Bonne, Directeur de la gestion de taux, AG2R-La Mondiale, Revue Banque n°738, date de juillet-août 2011, pp.25-26.

Le prêt de titre par les ETF physiques, à la loupe

« [Le prêt de titres] porte généralement sur des actions très liquides des grands indices américains ou européens. Par exemple, un ETF qui traque le DJ Euro Stoxx 50 peut être concerné par cette pratique. La société de gestion prête les titres qui composent l’ETF à des banques d’investissement contre un taux de repo. […] En plus […], iShares reçoit un collatéral, c'est-à-dire une garantie dont la valeur est supérieure à la valeur des titres prêtés. Ce collatéral est généralement constitué d’obligations émises par les pays du G8. Ainsi, par exemple, pour 100 euros d’actions prêtées, iShares reçoit 104, voire 105, ou même 111 euros en obligations, en fonction du stress éventuel sur le marché. […] Au début de la crise, un flight to quality s’est produit sur les marchés. Les actions se sont effondrées et les obligations ont grimpé, le collatéral a donc progressé. La crise n’a absolument pas remis en cause l’efficacité du système, au contraire.»

Éric Wohleber, directeur général, Blackrock France, Revue Banque n°738, daté de juillet-août 2011, pp.27-29.

Les ETF synthétiques et le risque de contrepartie

« En tant que fonds coordonné obéissant à la réglementation européenne UCITS, un ETF a le droit de prendre un risque sur une banque contrepartie à hauteur de 10 % de son actif. C’est la règle sur l’utilisation des produits dérivés. En principe, un fonds peut s’exposer à hauteur de 10 % sur une banque, de 10 autres pourcents sur une autre, etc. Chez Lyxor, nous prenons ce risque sur une seule banque, la Société Générale, donc l’exposition maximale d’un investisseur sur le risque bancaire s’élève à seulement 10 % de son actif. Le risque est d’autant plus faible que notre contrepartie est très solide. »

Alain Dubois, président du Directoire, Lyxor AM, Revue Banque n°738, daté de juillet-août 2011, pp. 29-30.

Désaccord sur les filiales bancaires

« Les gérants spécialisés indépendants sont favorisés, qu’ils soient français (Carmignac, Comgest ou Mandarine) ou anglo-saxons (Templeton, Fidelity ou Pimco). À l’inverse, les filiales de banques ou de compagnies d’assurance souffrent. Cela s’explique notamment par le fait que les particuliers comme les institutionnels ont été déçus […]. Le résultat de cette gestion industrielle, largement produite par les grands réseaux, était une performance plutôt en dessous qu’au-dessus du benchmark, de même qu'un mimétisme fort entre gérants. Les investisseurs ont reçu la performance du CAC 40, par exemple, moins les frais de gestion. Aujourd’hui, ils ne veulent plus de cette gestion “tiède”. »

Jean-François Bay, directeur général de Morningstar France, Revue Banque n° 738, daté juillet-août 2011, pp. 31-33.

« La forte décollecte en monétaire […] a particulièrement touché la France, terre d’élection de cette classe d’actifs. De ce point de vue, oui, les filiales des réseaux bancaires ont souffert, mais abstraction faite de ce paramètre, je ne pense pas que les filiales des réseaux bancaires soient en mauvaise posture. »

Philippe Morel, consultant associé, Boston Consulting Group, Revue Banque n° 738, daté juillet-août 2011, pp. 33-35.

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº742