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Rétrospective 2013

En Europe, beaucoup reste à faire en matière de deleveraging

Créé le

29.11.2013

-

Mis à jour le

14.01.2014

Malgré les cessions de pans entiers de leurs activités, les banques européennes n'ont pas terminé leur mue, loin s'en faut. Les établissements allemands et français comptent parmi les plus réticents.

Selon vous, les banques européennes ont-elles suffisamment dégraissé leurs bilans ?

La question du deleveraging doit se regarder à l'intérieur de la composition des bilans. Or ces derniers connaissent une extraordinaire stabilité des dépôts et des crédits. Avec 350 % du PIB européen en actifs bancaires, à comparer aux 75 % du PIB américain, le système bancaire européen a organisé un monopole qui passe par son bilan et qui est en train de poser problème. Il faut donc dégraisser ce système.

Dans l'un de vos billets, vous citiez l'exemple de la Deutsche Bank

Tout à fait. La Deutsche Bank va devoir se poser le problème, parce qu’elle est l’une des banques les moins bien capitalisées. Par exemple, à la fin de cette année, son ratio de fonds propres sur actifs est inférieur au ratio cible de 3,5% à la fin de cette année alors que certains pays adoptent même des règles plus contraignantes. Elle a annoncé qu’elle allait augmenter son capital de 8 milliards d’euros et diminuer la taille de son bilan de 20%.

Y a-t-il de « bons » élèves en Europe ?

Les banques suisses se sont montrées exemplaires: l’UBS et le Crédit Suisse ont décidé de séparer leurs banques  de l’activité de banque d’affaires. En conséquence, la banque suisse de détail et la fonction de gestion de portefeuille, basées en Suisse seront séparées des activités de trading basées à Londres, qui est un élément extrêmement important de leur activité, vont devenir deux éléments séparés. C’est le modèle dont il faudrait s’inspirer ; néanmoins sa mise en œuvre va être rendue difficile par d’énormes résistances.

Quelle est la position des banques françaises ?

Les banques françaises se rebiffent devant cette perspective. BNP Paribas possède par exemple 300 milliards d’euros de produits dérivés dans son bilan. Pourquoi ? C’est un des plus grands traders de produits dérivés de la place de Londres. Néanmoins BNP va devoir, comme toutes les banques européennes, séparer ses activités de banque de marché de la banque de dépôts.

À votre sens est-ce que le processus de réduction des bilans est plus avancé aux États-Unis qu'en Europe ?

Depuis la crise, les banques américaines se sont très largement recapitalisées, de manière bien supérieure aux banques européennes. Elles n'ont donc pas besoin de dégraisser puisqu'elles disposent d'un niveau suffisant de fonds propres en l'état actuel des réglementations.

En outre, et c'est peu visible en Europe, le Dodd Franck Act contient des mesures pénalisantes pour certaines activités, qui vont amener les banques à céder certaines d'entre elles, ou bien à les mettre en Bourse au cours des prochains mois. Par exemple, JP Morgan abandonne son activité de matières premières.

Cela ne relève pas du deleveraging à proprement parler. Cependant toutes les banques américaines sont occupées à redéfinir leur modèle d'affaires. On attend des banques européennes qu'elles mènent des actions similaires : le modèle classique de la banque universelle est insoutenable.

Est-ce que le projet de directive sur la séparation des activités bancaires, promis par le commissaire Michel Barnier avant la fin de l'année, pourrait accélérer le processus de deleveraging en Europe ?

Michel Barnier doit utiliser ce qu’il y a de bon dans le rapport Liikanen pour en faire quelque chose d’utile. C’est effectivement sur la séparation entre la banque d’affaires et la banque commerciale que la directive devra statuer.

On peut s’interroger sur la portée de décisions, aussi fortes soient-elles, émanant d’un commissaire qui ne sera plus en fonctions dans six mois, et doivent encore être soumises à l’approbation d’un Parlement qui sera  remanié à la même échéance, et ne voudra peut-être pas prendre de risques avec les banques dans les prochains mois.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº767