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Préface

Contrat social, retraites, financement de l’économie

Créé le

16.05.2013

-

Mis à jour le

17.06.2013

Le contrat social est un fondement essentiel de la vie démocratique. L’État-providence en est le principal pilier en Europe. La France ne fait pas exception, d’autant moins que notre système social a été forgé à la Libération, selon des dispositions novatrices conçues par le Conseil national de la résistance. Les principes fondateurs de l’État-providence à la française recueillent donc un consensus national.

Force est cependant de constater que ce dispositif doit être réformé. Il a pu d’un côté bénéficier des gains considérables de productivité enregistrés depuis 1945, mais ses bases ont été érodées par la démographie, la dette publique, le « basculement du monde » et la plus faible croissance économique des trois dernières décennies.

Nos systèmes sociaux doivent désormais supporter un déficit structurel. Cela pose un double problème. En termes de solidarité générationnelle, il n’est pas réaliste de transmettre aux générations futures des charges qui financent les dépenses courantes des générations d’aujourd’hui. En termes de souveraineté, notre État-providence est partiellement financé par la dette et par des pays qui n’accordent pas de telles prestations à leurs propres citoyens.

Le débat est aujourd’hui ouvert par les plus hautes autorités de l’État et la question des retraites sera sans doute le sujet clef de 2013.

 

L’Amafi n’est pas, stricto sensu, partie prenante des aspects techniques de ce débat. Notre association est en revanche très impliquée sur les questions touchant à l’écosystème de financement de l’économie française, car les intermédiaires de marché sont un des maillons de la chaîne de valeur de cette activité, intercalé entre la production d’épargne et l’allocation de cette dernière à des projets industriels. Or la retraite est en réalité un sujet lié au financement de l’économie. Cela est évident pour les pays ayant adopté un système de retraite par capitalisation. Cela est également vrai lorsque prévaut un système de retraite par répartition. Comment imaginer que le pouvoir d’achat des retraités soit préservé dans une économie mal financée, c’est-à-dire en déclin ? Nous formons aujourd’hui un constat attristé sur cet écosystème de financement. L’épargne des ménages fuit le risque, qu’il s’agisse du risque en fonds propres ou en obligations à long terme. Elle a de bonnes raisons pour ne pas s’investir :

  • la désincitation fiscale dans un système qui privilégie de façon coûteuse le court terme et la garantie ;
  • les performances du CAC 40, indice dont les méthodes de fabrication garantissent un résultat médiocre sur la longue période, les grandes entreprises françaises formant pourtant un ensemble diversifié et souvent leader européen ou mondial dans leur secteur. Alors que les grands indices mondiaux se trouvent à des niveaux proches des plus hauts historiques ;
  • la dureté des temps et l’anxiété spécifique du peuple français, qui favorisent la constitution d’épargne liquide et garantie ou le recours à l’investissement immobilier.
Le tableau formé par l’épargne individuelle ne serait pas tragique si l’épargne institutionnelle de long terme palliait les carences de l’investissement individuel. Cela n’est plus le cas. L’assurance vie, poumon traditionnel de l’investissement « désintermédié » voit son action limitée par les contraintes de la réglementation Solvabilité 2, qui pénalisent significativement l’investissement en private equity, en actions, en obligations privées « longues ». Ajoutons à ce panorama les difficultés d’un système bancaire contraint de réduire rapidement son ratio de levier et de se conformer aux normes restrictives de Bâle III. Au total, l’investissement dans les entreprises françaises est confronté à un désastreux faisceau de contraintes, en particulier dans les classes d’actifs qui déterminent les taux de croissance potentielle, c’est-à-dire les fonds propres et les prêts à longue maturité.

 

Ces remarques conduisent à poser une fois de plus la question des fonds de pension, depuis toujours inscrite en France dans le cadre d’un débat idéologique entre la capitalisation et la répartition, même si la création du Fonds de Réserve des Retraites a pu, un temps, réconcilier les deux approches. Nous pensons qu’il est temps aujourd’hui de placer les termes de ce débat dans une perspective à la fois plus vaste (quelles sont les problématiques associées ? que font les autres pays ?) et plus longue (en tirant les conséquences des modifications structurelles de l’État du monde) où répartition et capitalisation ne sont pas antagonistes mais complémentaires.

Avec Revue Banque, partenaire engagé, ce numéro est l’opportunité de lancer la discussion entre parlementaires, hauts fonctionnaires, universitaires, professionnels de l’assurance, de la gestion d’actifs et des services d’investissement.

Il appartiendra à la représentation nationale de donner une conclusion à des interrogations particulièrement anxiogènes sur la pérennité de notre système de retraites. Nous espérons que la réalité du financement de l’économie sera également abordée. L’Amafi estime que ce débat, faussement technique, est essentiel du point de vue de la puissance économique et de la souveraineté de notre pays. C’est pourquoi nous sommes déterminés à le faire progresser grâce à des propositions concrètes, comme la transformation du Fonds de réserve des retraites en ressource essentielle du financement désintermédié [1] , pour le plus grand bénéfice de l’économie française et de la Place de Paris.

1 Voir l’article de Ph. Tibi et Ch. Dargnat, « Un enjeu de croissance et de souveraineté pour la France », supplément Revue Banque sur le Fonds de financement de l’économie française, n° 754 bis, décembre 2012, p. 10.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº761bis
Notes :
1 Voir l’article de Ph. Tibi et Ch. Dargnat, « Un enjeu de croissance et de souveraineté pour la France », supplément Revue Banque sur le Fonds de financement de l’économie française, n° 754 bis, décembre 2012, p. 10.