Blockchain et marchés financiers : de nouvelles opportunités ?

Le principe du fonctionnement de la blockchain et ses implications pour les acteurs &eacute;conomiques suscitent incontestablement un int&eacute;r&ecirc;t grandissant : le premier texte l&eacute;gislatif fran&ccedil;ais permettant, pour des cas pr&eacute;cis, l&rsquo;utilisation de la technologie blockchain est d&eacute;j&agrave; en vigueur ; d&rsquo;autres textes sont en pr&eacute;paration en France ; le Parlement europ&eacute;en a adopt&eacute; une r&eacute;solution sur les monnaies virtuelles faisant appel &agrave; la blockchain [1] et l&rsquo;Autorit&eacute; europ&eacute;enne des march&eacute;s financiers (Esma) consulte les parties prenantes sur les implications de cette technologie pour les march&eacute;s financiers [2] . Blockchain et bitcoin Jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, la technologie blockchain a surtout &eacute;t&eacute; utilis&eacute;e pour ce qu&rsquo;on d&eacute;nomme abusivement les &laquo; devises virtuelles &raquo;, le bitcoin &eacute;tant la plus connue. Le Conseil de stabilit&eacute; financi&egrave;re (FSB), la Banque centrale europ&eacute;enne, l&rsquo;Autorit&eacute; bancaire europ&eacute;enne et la Commission europ&eacute;enne se sont tous pench&eacute;s sur le bitcoin et ont unanimement rejet&eacute; la d&eacute;nomination de &laquo; devise virtuelle &raquo;, en d&eacute;montrant que le bitcoin ne remplissait pas les fonctions d&rsquo;une devise traditionnelle, faute de contr&ocirc;le par une banque centrale et faute d&rsquo;&ecirc;tre un moyen d&rsquo;&eacute;change permettant d&rsquo;exprimer le prix des biens et services dans une &eacute;conomie. En outre, le bitcoin est soumis &agrave; une volatilit&eacute; tr&egrave;s importante, atteignant les 8 000 % entre 2009 et 2013, alors que le change euro/dollar atteignait alors 20 % au plus. Les infrastructures des march&eacute;s financiers En d&eacute;pit de ces d&eacute;faillances dans le domaine des &laquo; devises &raquo; virtuelles, la technologie blockchain pourra trouver des applications pour les march&eacute;s financiers. Revenons tout d&rsquo;abord sur le fonctionnement actuel des march&eacute;s financiers et sur les m&eacute;canismes permettant aux investisseurs de d&eacute;tenir et transf&eacute;rer leurs titres financiers. Le fonctionnement des march&eacute;s financiers repose actuellement sur cinq infrastructures, dites FMI (&laquo; Financial Market Infrastructures &raquo;) : le lieu de n&eacute;gociation, autrement dit un march&eacute; r&eacute;glement&eacute; (Bourses) ou une plate-forme de n&eacute;gociation ; la chambre de compensation garantit le r&egrave;glement-livraison des transactions (&laquo; l&rsquo;acheteur de tous les vendeurs, vendeur de tous les acheteurs &raquo;) et absorbe le risque de contrepartie de chaque transaction ; le r&eacute;f&eacute;rentiel de donn&eacute;es, o&ugrave; sont enregistr&eacute;s les contrats financiers conclus de gr&eacute; &agrave; gr&eacute; ou &agrave; la suite d&rsquo;une n&eacute;gociation sur un march&eacute; ; le d&eacute;positaire central, qui re&ccedil;oit la totalit&eacute; d&rsquo;une &eacute;mission de titres financiers et qui ouvre parall&egrave;lement des comptes titres dans ses livres au nom d&rsquo;interm&eacute;diaires dont les clients sont directement ou indirectement les investisseurs. En cas de cession de titres sur un lieu de n&eacute;gociation, le transfert effectif de ces titres du vendeur &agrave; l&rsquo;acqu&eacute;reur a lieu principalement dans les livres du d&eacute;positaire central ; la banque centrale, qui proc&egrave;de au r&egrave;glement des esp&egrave;ces correspondant &agrave; la livraison de titres en d&eacute;positaire central. La chambre de compensation, le d&eacute;positaire central, la banque centrale et l&rsquo;ensemble des institutions qui sont directement en contact avec ces trois FMI constituent le &laquo; post-march&eacute; &raquo;. Le post-march&eacute; est souvent critiqu&eacute; en raison de son co&ucirc;t et de sa complexit&eacute; li&eacute;e aux multiples interm&eacute;diaires qui doivent intervenir pour assurer le bon d&eacute;nouement des transactions. Il est &eacute;galement critiqu&eacute; pour sa lenteur. Il faut en effet un minimum incompressible de deux jours suivant la n&eacute;gociation pour pouvoir livrer un titre et payer le prix de l&rsquo;acquisition. En contrepartie de son co&ucirc;t et de sa complexit&eacute;, le post-march&eacute; actuel est neutre dans la formation du cours des titres. Que le titre d&rsquo;une grande entreprise soit tenu dans les livres de BNP Paribas ou dans ceux d&rsquo;une autre banque ; ou qu&rsquo;il soit &eacute;mis via le d&eacute;positaire central fran&ccedil;ais ou belge ne change pas le cours de ce titre. Concernant les m&eacute;canismes permettant aux investisseurs de d&eacute;tenir et transf&eacute;rer leurs titres financiers, des derniers sont d&eacute;tenus dans des comptes titres, ouverts dans les livres d&rsquo;un teneur de compte conservateur. L&rsquo;investisseur d&eacute;tient ses titres dans le compte titres que tient pour lui, par exemple, BNP Paribas. Si ces titres sont fran&ccedil;ais, BNP Paribas ouvre &agrave; son tour un compte titres dans les livres d&rsquo;un autre teneur de compte conservateur fran&ccedil;ais ou dans les livres d&rsquo;Euroclear France, le d&eacute;positaire central fran&ccedil;ais. S&rsquo;il s&rsquo;agit de titres allemands, BNP Paribas ouvre un compte titres dans les livres d&rsquo;une banque allemande qui &agrave; son tour d&eacute;tient ces titres dans un compte titres dans les livres du d&eacute;positaire central allemand. Plusieurs interm&eacute;diaires s&rsquo;interposent donc entre l&rsquo;&eacute;metteur et l&rsquo;investisseur. Par ailleurs, le fait que le titre ait &eacute;t&eacute; &eacute;mis sous forme nominative ou au porteur est indiff&eacute;rent. En effet, comme le titre doit circuler rapidement et efficacement, compte tenu de la rapidit&eacute; et des volumes des march&eacute;s financiers actuels, lorsqu&rsquo;il est &eacute;mis sous forme nominative, c&rsquo;est un &laquo; nominee &raquo; (grand interm&eacute;diaire financier) qui figure dans le registre de l&rsquo;&eacute;metteur. Quel r&ocirc;le pour la blockchain dans les march&eacute;s financiers ? Un &eacute;metteur pourrait &eacute;mettre ses titres non pas dans les livres d&rsquo;un d&eacute;positaire central, mais dans une blockchain . Celle-ci remplirait alors la fonction de registre d&rsquo;actionnaires. Ce registre serait distribu&eacute; entre les nœuds de la blockchain . En cas de cession, la transaction serait ajout&eacute;e &agrave; la blockchain et le nouvel actionnaire appara&icirc;trait directement dans la blockchain , ce qui r&eacute;tablirait la distinction pleine entre titres au porteur et nominatifs. Compar&eacute; aux infrastructures actuelles, le transfert serait extr&ecirc;mement rapide puisqu&rsquo;il interviendrait quelques instants apr&egrave;s la transaction, contre deux jours actuellement. Par ailleurs, comme l&rsquo;Autorit&eacute; europ&eacute;enne des march&eacute;s financiers (Esma) l&rsquo;a fait observer, le recours &agrave; la blockchain supprimerait le besoin d&rsquo;une chambre de compensation (sauf si la transaction porte sur des d&eacute;riv&eacute;s). En effet, le risque de contrepartie et le risque de march&eacute; seraient quasiment nuls compte tenu de la rapidit&eacute; du transfert des titres et esp&egrave;ces suivant la n&eacute;gociation. Outre sa rapidit&eacute;, le transfert de titres via la blockchain serait donc peu co&ucirc;teux, puisque mise &agrave; part la r&eacute;mun&eacute;ration des nœuds, aucune infrastructure ou autre tiers de confiance n&rsquo;aurait &agrave; intervenir. Exp&eacute;rimentations et r&eacute;glementation S&rsquo;il pr&eacute;sente des avantages th&eacute;oriques ind&eacute;niables, un recours g&eacute;n&eacute;ralis&eacute; &agrave; la blockchain pour les op&eacute;rations de march&eacute; serait-il envisageable dans l&rsquo;imm&eacute;diat ? Il convient en premier lieu de rappeler qu&rsquo;en l&rsquo;&eacute;tat actuel de la technologie, la blockchain ne semble pas bien adapt&eacute;e &agrave; la volum&eacute;trie des march&eacute;s de capitaux. Se pose &eacute;galement la question du cadre juridique. Aux &Eacute;tats-Unis, la soci&eacute;t&eacute; Overstock.com &eacute;met d&eacute;sormais ses titres via une blockchain , sans pour autant qu&rsquo;il ait &eacute;t&eacute; n&eacute;cessaire de r&eacute;former la l&eacute;gislation am&eacute;ricaine. En effet, le n&eacute;gociateur pour compte de tiers, autrement dit le &laquo; broker &raquo;, ouvre un compte titres pour son client dans ses livres ; ce qui n&rsquo;est pas le cas des n&eacute;gociateurs pour compte de tiers en France. Telle est d&eacute;j&agrave; la pratique am&eacute;ricaine et comme cela ne change pas avec le passage &agrave; la blockchain , l&rsquo;exigence l&eacute;gislative d&rsquo;un compte titres est remplie. En revanche, le broker , au lieu de d&eacute;tenir les titres dans un compte titres dans les livres d&rsquo;un teneur de compte conservateur ou d&eacute;positaire central, enregistre les titres dans une blockchain . En Europe, les &eacute;volutions seront a priori plus complexes. En effet, les derni&egrave;res &eacute;volutions du droit europ&eacute;en ont tr&egrave;s strictement encadr&eacute; le fonctionnement des march&eacute;s financiers. Le r&egrave;glement sur les march&eacute;s financiers du 15 mai 2014, dit MiFIR, a en particulier r&eacute;duit la n&eacute;gociation de gr&eacute; &agrave; gr&eacute; &agrave; certains cas sp&eacute;cifiques, ce qui rend impossible la n&eacute;gociation de titres directement entre intervenants de la blockchain . Le r&egrave;glement du 23 juillet 2014 r&eacute;gissant les d&eacute;positaires centraux oblige quant &agrave; lui les &eacute;metteurs &agrave; &eacute;mettre en d&eacute;positaire central lorsque le titre est n&eacute;goci&eacute; sur une plate-forme de n&eacute;gociation. Enfin, le r&egrave;glement du 4 juillet 2012 relatif aux produits d&eacute;riv&eacute;s n&eacute;goci&eacute;s de gr&eacute; &agrave; gr&eacute;, aux contreparties centrales et aux r&eacute;f&eacute;rentiels centraux, surnomm&eacute; r&egrave;glement Emir (&laquo; European Market Infrastructure Regulation &raquo;), impose que les transactions soient syst&eacute;matiquement compens&eacute;es via une chambre de compensation. Cependant, outre le r&eacute;cent rapport du Parlement europ&eacute;en sur les monnaies virtuelles et la consultation de l&rsquo;Esma sur la blockchain , mentionn&eacute;s en introduction, plusieurs initiatives pourraient voir le jour en Europe au niveau national. La Banque d&rsquo;Angleterre a par exemple r&eacute;cemment mis en place un &laquo; bac &agrave; sable &raquo; (&laquo; sandbox &raquo;) auquel participent diff&eacute;rents intervenants int&eacute;ress&eacute;s pour tester la technologie blockchain appliqu&eacute;e &agrave; des cas concrets. Ces exp&eacute;rimentations, au Royaume-Uni ou dans d&rsquo;autres &Eacute;tats membres, devraient permettre d&rsquo;identifier les risques de cette technologie. Elles aideront les l&eacute;gislateurs nationaux et europ&eacute;ens &agrave; &eacute;laborer un cadre l&eacute;gal dont les principaux objectifs devraient notamment permettre d&rsquo;une part d&rsquo;assurer la s&eacute;curit&eacute; des march&eacute;s financiers, d&rsquo;autre part de garantir la transparence des prix et enfin de limiter l&rsquo;influence des infrastructures dans la formation de ces prix. Une premi&egrave;re impl&eacute;mentation de la tenue de registre sur la blockchain sur le march&eacute; fran&ccedil;ais En avril 2016, BNP Paribas Securities Services a annonc&eacute; travailler &agrave; la mise au point d&rsquo;un registre utilisant le protocole blockchain qui permettra aux titres financiers &eacute;mis par les entreprises list&eacute;es sur une plate-forme de crowdfunding equity (SmartAngels) d&rsquo;&ecirc;tre comptabilis&eacute;s automatiquement. Les investisseurs achetant ces titres verront leurs paiements trait&eacute;s imm&eacute;diatement et des e-certificats leur seront &eacute;mis instantan&eacute;ment. Les op&eacute;rations financi&egrave;res r&eacute;alis&eacute;es sur la plate-forme seront ainsi effectu&eacute;es de mani&egrave;re simplifi&eacute;e, rapide, s&eacute;curis&eacute;e et &agrave; faible co&ucirc;t. La standardisation de l&rsquo;inscription des titres permettra d&rsquo;offrir aux investisseurs une plus grande s&eacute;curit&eacute; informatique et de traitement des transactions. Quant aux &eacute;metteurs, la plate-forme blockchain op&eacute;r&eacute;e par BNP Paribas leur permettra de g&eacute;rer leur actionnariat plus simplement. La mise en œuvre de cette solution va permettre d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer le mouvement initi&eacute; il y a quelques ann&eacute;es par les pionniers du crowdfunding : fluidifier l&rsquo;acc&egrave;s des start-up et PME de croissance au financement. La technologie blockchain se pr&ecirc;te d&rsquo;ailleurs particuli&egrave;rement bien aux besoins de financement des entreprises non cot&eacute;es : les volumes transactionnels sont moins importants que ceux des entreprises cot&eacute;es en bourse et les formalit&eacute;s administratives varient d&rsquo;entreprise &agrave; entreprise, ce qui entra&icirc;ne un besoin de standardisation que la technologie blockchain peut facilement r&eacute;gler. La technologie blockchain pr&eacute;sente des applications tr&egrave;s int&eacute;ressantes et fait d&eacute;sormais partie int&eacute;grante de la strat&eacute;gie digitale de BNP Paribas. 1 R&eacute;solution du Parlement europ&eacute;en du 26 mai 2016 sur les monnaies virtuelles. 2 &laquo; The Distributed Ledger Technology Applied to Securities Markets &raquo;, Discussion Paper, 2 juin 2016, Esma.

RECHERCHEZ UN ARTICLE, UNE CHRONIQUE, PARMI L'ENSEMBLE DES PUBLICATIONS

RECHERCHEZ UN AUTEUR

Archive

Le point de vue de BNP Paribas

Blockchain et marchés financiers : de nouvelles opportunités ?

À retrouver dans la revue

Banque de détail

[Web Only] Tarifs bancaires : les banques amortissent l’inflation

Blockchain/Cryptoactifs

Les garanties bancaires
sont d’excellents cas d’usage

Banque de financement et d'investissement (BFI)

« Paris est le centre de gravité
pour tous les instruments financiers traités en euros »

Paiements

Le droit de la responsabilité civile appliqué à des virements frauduleux en devises

Archive

Panorama réglementaire des actifs numériques

Archive

Sberbank : une valeur anéantie à zéro en fonds de portefeuille

Archive

La transformation repose sur des directions responsables et des équipes pluridisciplinaires

Suivez-nous

RECHERCHEZ UN ARTICLE, UNE CHRONIQUE, PARMI L'ENSEMBLE DES PUBLICATIONS

RECHERCHEZ UN AUTEUR

Le point de vue de BNP Paribas

Blockchain et marchés financiers : de nouvelles opportunités ?

À retrouver dans la revue

[Web Only] Tarifs bancaires : les banques amortissent l’inflation

Les garanties bancaires sont d’excellents cas d’usage

« Paris est le centre de gravité pour tous les instruments financiers traités en euros »

Le droit de la responsabilité civile appliqué à des virements frauduleux en devises

Panorama réglementaire des actifs numériques

Sberbank : une valeur anéantie à zéro en fonds de portefeuille

La transformation repose sur des directions responsables et des équipes pluridisciplinaires

Les garanties bancaires
sont d’excellents cas d’usage

« Paris est le centre de gravité
pour tous les instruments financiers traités en euros »