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Avant-propos

Créé le

12.11.2014

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Mis à jour le

09.07.2015

Dans la série des dossiers que Revue Banque organise en partenariat avec l’AMAFI pour explorer les problématiques de marchés, ce nouvel opus s’intéresse aux marchés de matières premières. Ils sont depuis quelques années sous pression : embargo russe sur les produits agricoles européens, transition énergétique, exploitation (ou non) du gaz de schiste, évolution géopolitique chahutée des pays producteurs de pétrole, libéralisation des marchés de l’électricité, conditions climatiques extrêmes…

Avec l’aide de nombreux spécialistes et experts de ce domaine, le dossier cherche à décrypter l’organisation de ces marchés, qu’il s’agisse des flux physiques ou des opérations sur dérivés, leur fonctionnement, leurs interactions et à identifier les acteurs et les évolutions qui les animent.

Ainsi, la financiarisation suscite de nombreuses interrogations, voire des débats que reflètent les opinions présentées dans les différentes contributions : pour les uns, les investisseurs financiers apportent un surcroît bienvenu de liquidité pour organiser une meilleure confrontation de l’offre et de la demande ; pour les autres, elle amplifie de façon excessive les variations de marché et renforce exagérément la volatilité. Aux problématiques assez classiques de transparence et d'efficacité du mécanisme de formation des prix s'ajoutent des considérations éthiques particulières pour des marchés dont les fluctuations peuvent avoir des conséquences sociales assez immédiates et dramatiques, illustrées notamment par les « émeutes de la faim » intervenues au printemps 2008.

Ces préoccupations posent très vite la question des réglementations à mettre en œuvre pour éviter les excès, mais aussi assurer des conditions de compétition équivalentes à travers le monde. Les réglementations sur les flux physiques sont principalement issues du G20 agricole de 2011. Ainsi, aux États Unis, le Dodd Frank Act instaure d’ores et déjà des limites de position aux contrats. Telle est aussi la voie choisie par le législateur européen, au travers de la nouvelle version de la Directive MiF votée au printemps, qui doit entrer en vigueur début 2017, après la définition précise de ses modalités par l’AEMF. Pour autant, et au-delà de la communauté d’intention, ces réglementations s’appliqueront-elles de la même façon et aux mêmes acteurs de part et d’autre de l’Atlantique ?

En contrepoint de ces avancées, la base de données internationale AMIS destinée à offrir une meilleure transparence des stocks de matières premières agricoles dans le monde semble aujourd’hui dans l’impasse, faute d’une volonté politique des États à produire les données souhaitées. À cet égard, l’exemple de la politique chinoise dans sa gestion des matières premières montre à quel point ces dernières constituent une « arme » stratégique dans le développement économique et les échanges internationaux des pays, et combien leur gestion ne peut être exempte d’arrière-pensées.

Enfin, s’agissant des marchés de dérivés, se pose la difficulté d’adapter aux spécificités des transactions sur matières premières un nombre croissant de régulations conçues à l’origine pour des sous-jacents financiers.

Espérons que les points de vue exprimés et les explications apportées par les contributeurs de ce dossier permettront aux lecteurs de mieux appréhender ce domaine complexe, et de battre en brèche les explications, parfois trop rapides que suscitent dans l’opinion publique les répercussions sociales, alimentaires, ou encore humanitaires, que peuvent provoquer les variations de ces marchés.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº778bis