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Face aux banques

L’assurance vie a la peau dure

Créé le

20.06.2011

-

Mis à jour le

30.06.2011

Concurrencée par les produits bancaires, l’assurance vie a connu une baisse de la collecte. Mais les encours continuent tout de même de progresser et les assureurs font fructifier leurs actifs liquides en les prêtant aux banquiers ! Le point sur l’expérience d’AG2R-La Mondiale.

La collecte de l’assurance vie entre janvier et avril 2011 a baissé de 13 % par rapport à la même période en 2010… êtes-vous concerné ?

Pour AG2R-La Mondiale également, la collecte a baissé mais moins fortement qu’au niveau national. Pour l’ensemble des acteurs, cette baisse doit être relativisée. En effet, elle n’empêche pas les encours de progresser et il n’y a pas de mouvement de décollecte. Le marché reste porteur.

Pensez-vous que l’action des banques qui cherchent à augmenter leurs dépôts et qui ont étoffé leur offre ces derniers mois explique en partie la baisse de la collecte des assureurs vie ?

Oui, je le pense, en raison des sollicitations dont je suis l’objet, en tant que particulier, de la part de ma banque. Mais l’assurance vie résiste bien car elle demeure le meilleur support d’investissement sur le moyen-long terme. Le savoir-faire des banques concerne les produits à court terme. Certes, elles élaborent en ce moment des produits à horizon long, notamment pour l’épargne retraite, mais ils sont moins intéressants pour l’investisseur que l’assurance vie dont les contrats peuvent être conçus dans un objectif « retraite ». Par exemple, le taux proposé par les banques est souvent fixe. Alors que les assureurs proposent un taux minimal, mais sans maximum. En cas de hausse des taux, nous l’accompagnerons et en ferons bénéficier nos clients. De plus, l’environnement fiscal de l’assurance vie est favorable.

La Fédération bancaire française semble œuvrer pour la création d’un livret bancaire à moyen-long terme qui pourrait être assorti d’un avantage fiscal. Est-ce qu'une telle perspective vous inquiète ?

Il est trop tôt pour commenter cette éventualité. Par exemple, nous ne savons pas sur quoi exactement porterait l’avantage fiscal. Sur les revenus ? Sur la succession ? Et quand bien même les banques obtiendraient un environnement fiscal comparable au nôtre, elles n’ont pas l’expertise des assureurs. Nous savons gérer un fonds mutualisé (les liquidités apportées par les clients sont mises en commun dans un même véhicule, NDLR), mais aussi diversifier les actifs dans lesquels ce fonds est investi. Gérer à long terme est dans la culture des assurances, pas encore dans celle des banques.

Mais la réglementation Solvabilité 2 ne va-t-elle pas vous gêner dans votre gestion d’actifs ?

Solvabilité 2 va nous obliger à modifier à la marge notre allocation d’actifs. Par exemple, la poche « actions » va diminuer. Les taux de rendement de l’assurance vie vont donc légèrement baisser…

Cette baisse pourrait profiter aux produits bancaires !

Cette diminution sera tout à fait marginale et l’assurance vie demeurera compétitive. Toutefois, il est possible que chez les bancassureurs, des transferts s’opèrent, car au guichet, le conseil sera d’aller vers les produits bancaires (favorables au respect de Bâle III) plutôt que vers les contrats d’assurance vie. Mais pour les purs assureurs comme nous, qui ont leurs propres réseaux de distribution, il n’y aura pas de désaffection de la part des clients.

Quel est votre réseau de distribution ?

Notre réseau d'agents salariés ainsi que les Conseillers en gestion de patrimoine indépendants (CGPI), mais aussi les filiales gestion privée des banques. Nous avons donc accès à une clientèle aisée qui connaît bien les différents produits et leurs atouts et ne se laisse pas facilement détourner de l’assurrance vie.

Pourquoi ces filiales gestion privée des banques ne font-elles pas appel à la filiale assurance du même groupe ?

Certaines banques n’ont pas de filiale assurance et chez les bancassureurs, les produits proposés sont très grand public. Nous élaborons des produits sophistiqués calibrés pour une clientèle fortunée. Nous sommes également réputés pour nos contrats orientés « retraite ».

Banquiers et assureurs ne sont donc pas seulement concurrents, ils sont aussi partenaires. Par exemple, vous procédez à des prêts de titres. Pourquoi ?

La crise a mis en lumière la valeur de la liquidité, puis la réglementation Bâle III et ses ratios de liquidité ont accentué cette prise de conscience. Or, en assurance vie, les portefeuilles d’actifs sont largement constitués d’obligations d’états très liquides en elles mêmes et qui permettent de se refinancer auprès de la BCE. En face, nos passifs sont très long, donc nous avons un excédent de liquidités. En bons gestionnaires d’actifs, nous avons donc décidé, courant 2008, de faire fructifier ces titres liquides. Les banques quand à elles, ont besoin de ces actifs pour se rapprocher de l’objectif affiché par le Comité de Bâle en matière de liquidité. Elles nous les empruntent, en échange d’une rémunération qui vient améliorer la performance du portefeuille et donc du contrat d’assurance vie. Nous prenons également en garantie un collatéral, constitué d’obligations corporate, titres dont les banques disposent en quantité.

Les banques ne proposent-elles pas également des ABS ou des portefeuilles de prêts ?

En effet, et certains assureurs les acceptent en collatéral. Mais ces actifs sont pour nous difficiles à évaluer. Nous préférons donc y renoncer.

Comment sont traités ces prêts de titres par Solvabilité 2 ?

Les exigences en capital associées à ces opérations sont mineures car nous demeurons propriétaires des obligations souveraines sauf en cas de défaut bancaire, ce qui est très improbable. En effet, nous choisissons des établissements de premier rang.

Que se passerait-il en cas de défaut de la banque ?

Nous deviendrions propriétaires du collatéral dont la valeur est supérieure d’environ 10 % à celle de nos obligations souveraines et ajustée quotidiennement par des appels de marge. Nous aurions donc largement les moyens de racheter du papier souverain.

Dans quelles proportions pratiquez-vous ces prêts de titres ?

Nous avons élaboré un scénario extrêmement prudent ​avec stress de marché et défauts bancaires. Ces projections montrent que nous pourrions prêter 10 % de notre portefeuille obligataire sans prendre de risque. Mais nous avons pris la décision de ne pas aller au-delà des 5 %.

Ainsi, vous aidez les banquiers à améliorer leur liquidité et ils contribuent à améliorer la performance de vos contrats d’assurance vie ! N’est-ce pas paradoxal, dans la mesure où la concurrence entre les deux métiers est aujourd’hui exacerbée ?

Nous sommes concurrents mais aussi partenaires. Banquiers et assureurs ne peuvent pas vivre les uns sans les autres.

Quels produits d’assurance vie allez-vous développer à l’avenir ?

Les « variable anuities », qui permettent de sortir en capital ou en rente viagère. Mais aussi les euro-diversifiés qui se positionnent entre les contrats en euros, très sûrs, et les unités de compte, plus risquées. Avec un contrat euro-diversifié, la garantie en capital est donnée au terme d'une certaine période (12 ans par exemple) et non pas à tout moment (comme c’est le cas dans un contrat en euros). En échange, le client obtient une gestion plus dynamique que dans un contrat en euros classique et prend moins de risques qu’avec des unités de compte.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº738