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Crédits

Les taux très bas soutiennent le crédit habitat

Créé le

30.07.2019

Le marché immobilier et le crédit habitat ne connaissent toujours pas d’atterrissage en douceur mais restent soutenus, du fait du maintien à un niveau historiquement bas des taux de crédit. Ces tendances devraient persister, au moins à court terme, avec des taux longs français durablement bas.

L’encours de crédit habitat aux ménages est en hausse élevée et accélère sur les derniers mois : +6,3 % sur un an en mai, après +5,8 % fin 2018. La production brute de nouveaux prêts à l’habitat reste forte également. En cumul 12 mois, elle est à peu près stable. Hors rachats et renégociations, la production directement liée aux transactions immobilières est en hausse marquée, +13 % sur un an en avril (cumul 12 mois).

Ce dynamisme du crédit habitat reflète l’état du marché immobilier français, très soutenu en 2017-2018 et toujours bien orienté début 2019. Des signes de tassement apparaissent dans le logement neuf. Au premier trimestre, les ventes reculent légèrement dans le neuf « promoteur », compte tenu du recentrage des mesures fiscales (dispositif Pinel et PTZ) sur les zones tendues et d’une offre insuffisante. Mais les ventes se redressent pour les maisons individuelles neuves en secteur diffus. Surtout, dans le logement ancien, le nombre de transactions atteint de nouveaux records et frise le million, avec 994 000 unités en mai 2019 (cumul 12 mois), niveau largement supérieur, de 20 %, aux points hauts du boom des années 2000. Les prix de vente continuent à s’accroître, +3 % sur an dans l’ancien en moyenne en France, avec des rythmes plus marqués à Paris, Lyon ou Bordeaux.

Cette bonne tenue du crédit habitat et du marché immobilier s’explique d’abord par les facteurs de soutien structurels à la demande : désir d’accession à la propriété ; démographie assez dynamique et phénomènes de décohabitation ; préparation de la retraite ; saturation du marché locatif ; effet « valeur refuge » de l’immobilier.

Mais le boom actuel tient avant tout au très bas niveau des taux de crédit, passés de 4,9 % en moyenne annuelle en 2008 à 1,55 % en moyenne en 2018 (taux des crédits nouveaux, crédit à long terme à taux fixe hors assurance, source : Banque de France). Ils restent à peu près stables début 2019 (1,5 % en janvier-avril, 1,46 % en mai).

Le marché immobilier dépendant des taux de crédit

L’évolution du marché dépend ainsi étroitement de celle des taux de crédit, donc des taux OAT 10 ans. Ceux-ci devraient rester très bas durablement. En effet, face à une croissance européenne faible et une inflation très mesurée, la BCE va rester très accommodante et pourrait même assouplir encore sa politique en cas de dégradation économique avérée ou anticipée (intervention de M. Draghi au forum de Sintra le 18 juin). Elle devrait maintenir à leurs niveaux actuels (respectivement -0,40 % et 0 %) le taux de dépôt et le taux Refi à l’horizon 2019-2020 et pourrait si nécessaire lancer un nouveau programme d’achats nets d’actifs (titres souverains et obligations d’entreprises). Cette politique monétaire durablement accommodante et la permanence de risques multiples (guerre commerciale US-Chine, freinage chinois, risque de récession aux États-Unis, Brexit…) conduit à une baisse continue des taux Bunds et OAT. Ceux-ci ont atteint des plus bas historiques début juillet (-0,07 % entre le 1er et le 10 juillet pour l’OAT 10 ans) et devraient rester très bas sur les prochains trimestres, dans une fourchette 0 %-0,40 % pour l’OAT 10 ans. Les taux de crédit habitat devraient ainsi rester très modérés, proches de leur point bas de mai 2019.

Réduction de l’apport personnel

Les emprunteurs bénéficient de conditions de crédit très attractives. Au très bas niveau des taux de crédit s’ajoutent, depuis quelques trimestres, une réduction de l’apport personnel et un allongement de la durée des crédits. D’où un accès plus facile au crédit pour les primo accédants, une capacité d’achat qui reste acceptable et à peu près stable (malgré la remontée des prix) et un effet d’aubaine persistant. Même lorsque les prix sont très élevés, les acheteurs tendent à concrétiser et accélérer leur projet afin de bénéficier de taux très bas et a priori proches de leur plancher.

La hausse des prix combinée à une stabilisation des taux de crédit pourrait peu à peu conduire à un effritement de la capacité d’achat. Mais l’effet d’aubaine continuerait à jouer. Le marché immobilier resterait donc soutenu, et l’encours de crédit habitat en hausse marquée, 6 % sur un an environ fin 2019. Notons toutefois qu’à Paris et dans certaines grandes villes, les prix sont très élevés et clairement surévalués. Un risque de correction est donc possible à moyen terme, notamment en cas d’inflexion conjoncturelle ou de remontée des taux.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº835