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Epargne

Les Français sont-ils vraiment fâchés avec l’économie ?

Créé le

17.06.2019

-

Mis à jour le

28.06.2019

Les critiques sur les comportements d’épargne des Français sont en vogue : leur propension à préférer l’épargne non ou peu rémunérée serait une preuve de leur inculture économique. Il n’est pas sûr que cela soit un bon procès.

Les mesures de relance du pouvoir d’achat qui ont suivi le mouvement des gilets jaunes ont dans une certaine mesure soutenu la consommation, et se sont traduites par une hausse des montants laissés sur les comptes courants et par une hausse des dépôts sur les Livrets A et LDDS (Livrets de développement durable et solidaire). Pourquoi les Français préfèrent-ils l’épargne liquide à des placements ou investissements rémunérateurs ?

Une controverse qui dure

Si cette « actualité » s’appuie sur les derniers chiffres disponibles, elle n’est pas nouvelle. L’épargne française vit depuis des décennies dans une situation conflictuelle : le taux d’épargne est en France l’un des plus élevés du monde ; selon les gouvernements et nombre d’économistes, et derrière ceux-ci bien des chroniqueurs dans la presse économique, les Français n’épargnent pas comme il faut : ni pour le bien de l’économie, ni pour le leur.

Donnons tout d'abord la parole à l’accusation. Les taux d’intérêt étant ce qu’ils sont, l’épargne placée à court terme, donc non investie, est peu rémunérée. L’épargne obtiendrait une meilleure rentabilité avec des investissements immobiliers ou financiers. C’est le moment d’emprunter pour acheter un logement ou des parts de SCPI, de souscrire des contrats d’assurance vie en unités de compte plutôt que des contrats en euros, de renforcer son PEA… Bref, cette propension à l’épargne liquide serait tout sauf intelligente.

Pire, elle n’est pas optimale pour l’économie. Sur ce point subsiste une controverse à l’intérieur de la controverse. L’immobilier serait intelligent pour ceux qui épargnent, mais selon nos dirigeants ne le serait pas pour l’économie. D’autres – et j’en suis – affirment que l’immobilier est au cœur des enjeux économiques actuels.

Restent les entreprises : pourquoi diable les Français n’investissent-ils pas plus en Bourse, dans tous ces beaux OPCVM actions qui feraient leur bonheur et celui de nos emplois futurs ? Sans compter toutes les formes nouvelles de financement des entreprises non encore cotées. Il serait temps que l’épargne accepte de faire œuvre utile !

Ces arguments sont bien connus, il n’est pas nécessaire de les développer.

La parole est à la défense. Pourquoi les Français épargnent-ils ? Selon une enquête réalisée récemment par le Cercle de l’épargne et l’association Amphitea, les deux motivations qui viennent en tête, de loin avant toutes les autres, sont la précaution et la retraite.

Précaution ?

Le monde d’aujourd’hui n’est pas un long fleuve tranquille. Les mauvaises nouvelles tombent de partout et donnent un sentiment d’incertitude. L’incertitude crée de l’inquiétude. Comment épargner, en l’absence de lignes de confiance ? En épargne de précaution, tout simplement, c’est-à-dire en épargne dite liquide. Pour se lancer et investir, il faudrait plus de visibilité. Sous cet angle, le comportement d’épargne n’est peut-être pas optimal, mais il n’est pas illogique.

Retraite ?

Si l’on procède aux calculs les plus académiques en allocation d’actifs à partir des trois actifs majeurs que sont les actions, les obligations et le logement, pour savoir quelle devrait être la composition optimale d’un patrimoine dans une optique très longue de retraite, on arrive à près de 70 % pour l’actif logement. Or quelle est la part du logement dans le patrimoine des Français ? Un peu plus de 70 %.

Certes le patrimoine n’est pas également réparti, certes les Français détiennent plus d’épargne liquide que d’actions, alors que ce devrait être l’inverse… mais l’épargne française ne s’est pas égarée autant qu’on voudrait le penser.

Gestion de patrimoine

Essayons de prendre les choses dans le bon sens, à savoir que les Français font ce qu’ils peuvent à partir des informations dont ils disposent et de l’atmosphère d’inconnu, et que, dans cette mesure, ils ont raison.

Comment faire mieux ? Sans doute par une éducation, non pas économique – les économistes eux-mêmes ne sont souvent pas d’accord entre eux ! –, mais en matière de gestion de patrimoine : oui, le monde est incertain, d'accord pour une épargne de précaution. Mais jusqu’où ? Et à partir de quel montant épargné devrait-on commencer à investir à plus long terme ?

C’est le sujet de la gestion de patrimoine. Les « conseillers » ne manquent pas, en activité indépendante ou dans les banques et compagnies d’assurance.

L’un des éléments que l’on a omis dans ce débat sur l’épargne française, c’est le rôle majeur que peuvent jouer les professionnels du conseil auprès des particuliers, par des dialogues individuels. Loin des anathèmes stériles.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº834