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Sécession du Crédit Mutuel Arkéa

La question du statut juridique cruciale en cas de séparation d’Arkéa

Créé le

28.05.2018

-

Mis à jour le

31.05.2018

Les dirigeants du Crédit Mutuel Arkéa (CMA) ont franchi le 16 mai un nouveau pas vers l’indépendance éventuelle de leur banque. Lors d’un vote en assemblée générale, ils ont obtenu un mandat leur donnant la possibilité de prendre la décision de se désaffilier unilatéralement de la confédération (CNCM). Cette sortie poserait immédiatement des questions concernant l’agrément bancaire du CMA et de ses caisses locales, le modèle d’organisation de la banque, et le maintien ou non de ses caractères mutualiste et coopératif.

Habillage juridique

« Il y a deux sujets importants : l’indépendance, et à quel prix ? La question est celle de “l’habillage juridique” », résume Alain Laurin, Associate Managing Director chez Moody’s. Alors que les dirigeants du CMA se sont engagés, en cas de sortie, à conserver la structure actuelle et à rester mutualiste, seule une modification du Code monétaire et financier permettrait la création d’un nouvel organe central. Or les pouvoirs publics ne veulent pas modifier le Code monétaire et financier dans le cadre de ce sujet. Une solution pourrait passer par le statut de « société coopérative de banque » mentionné dans le Code monétaire et financier. Mais cela impliquerait que chacune des quelque 300 caisses locales favorables à l’indépendance obtienne un agrément, ce qui paraît techniquement compliqué, ou alors que chaque caisse locale transfère l’ensemble de ses actifs à Arkéa qui demanderait un agrément unique. Dans ce dernier scénario, l’ensemble resterait mutualiste, avec une structure différente, mais les caisses locales n’existeraient plus en tant qu’entités légales. Enfin, Arkéa aurait aussi envisagé une structure dans laquelle le caractère mutualiste serait préservé via une solution contractuelle, selon un schéma en vigueur en Allemagne et en Autriche par exemple, mais assorti d’un organe central. Mais la notion d’organe central n’existant pas dans la loi européenne, cette solution ne serait envisageable que dans le cadre de la loi française… que les pouvoirs publics n’entendent pas convoquer à ce jour sur le sujet.

Une banque solide

Outre le statut juridique, d’autres questions soulevées par une éventuelle sécession d’Arkéa se posent mais semblent moins cruciales. « Nous estimons aujourd’hui qu’Arkéa n’est pas systémique au sens où la faillite de la banque n’est pas susceptible de menacer à elle seule la stabilité financière, assure Alain Laurin. C’est une banque solide, qui est profitable, développe ses activités en se diversifiant. Sa liquidité et sa solvabilité sont bonnes. Sa dépendance vis-à-vis des financements de marché est limitée, ce qui la rend moins vulnérable en cas d’accès limité aux marchés. Arkea ne va donc pas devoir changer son mode de financement. La principale source de déstabilisation viendrait d’une fuite de dépôts, mais le risque est relativement faible. »

Par ailleurs, alors que le sujet de l’abandon de la marque Crédit Mutuel semble acté, CMA fonctionne de manière très autonome, avec quasiment aucun lien opérationnel avec le reste du groupe. Reste l’informatique, aujourd’hui essentielle. « C’est un sujet important. Or CMA dispose de son informatique propre, ce qui lui assure son indépendance vis-à-vis du groupe. Le divorce ne poserait pas de difficultés techniques particulières », estime Alain Laurin.

Quoi qu’il en soit, la décision de sortie du groupe Crédit Mutuel n’a nullement été actée par Arkéa à ce jour. « Une sortie éventuelle serait une opération complexe soulevant des problématiques inédites », estimait fin mai le gouverneur de la Banque de France et président de l’ACPR, François Villeroy de Galhau.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº821