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Crise mondiale

Covid-19 : 4 défis pour les assureurs face à la crise sanitaire

Créé le

23.03.2020

Rapatriements, pertes d’exploitation des entreprises, annulations d’événements et krach boursier … Alors que les conséquences de la crise du coronavirus s’intensifient en France et dans le monde, les assureurs affrontent une situation hors-norme. Décryptage par Alexandra Cohen-Jonathan, associée chez August Debouzy.

Les rapatriements de personnes

Des dizaines de milliers de Français se sont trouvés bloqués à l'étranger par le Covid-19. Les assureurs sont impliqués dans les rapatriements dès que des voyageurs veulent mobiliser les garanties de type Europ Assistance. Ces rapatriements concernent aussi bien des vacanciers que des salariés détachés à l'étranger bénéficiant d’assurances de rapatriement souscrites par leur entreprise. Le contrat d’assurance constitue à la fois un moyen financier et une aide pratique.

« Dans la situation de crise actuelle, ces garanties peuvent être mises en jeu et permettre aux personnes d’être rapatriées, pour autant que ce soit matériellement possible, nuance Alexandra Cohen-Jonathan, associée chez August Debouzy. Aujourd’hui, certains ne parviennent pas à rentrer car les pays ont mis en place des blocages aux frontières ou des interdictions d’ouverture des aéroports. Les assureurs ne pourront pas se placer au-dessus des lois de chacun des pays concernés, ni faire davantage que ce les États autorisent. »

Les pertes d’exploitation des entreprises

Avec la crise du Covid-19, l’arrêt d’activité des entreprises n’est pas dû à un dommage tel qu’un incendie ou une tempête, mais à une décision de fermeture administrative, ou à l’absence de clients, de fournisseurs, de salariés… « Il s’agit d’un dommage immatériel non consécutif à un dommage matériel, précise Alexandra Cohen-Jonathan. Depuis dix ou quinze ans ce phénomène relativement nouveau interroge régulièrement assureurs et assurés. Après Fukushima, par exemple, des entreprises françaises notamment dans l’industrie automobile, se sont retrouvées sans fournisseurs japonais. L’offre d’assurances couvrant ce type de dommages est faible, et quand elle est présente, très coûteuse. Seules les très grandes entreprises peuvent s’offrir ce type de garanties. La plupart des assurés n’en voient pas l’utilité, car ils considèrent comme statistiquement faible ce risque. Pour autant, un contrat d’assurance qui ne comporterait pas de clause indiquant noir sur blanc la couverture des conséquences de ce type de dommages n’implique pas forcément qu'il n'est pas garanti. Inversement, un contrat indiquant qu’il couvre les dommages immatériels non consécutifs à un dommage matériel n’implique pas que le risque lié à la pandémie actuelle sera couvert, car sont parfois exclues les conséquences d’épidémies ou de pandémies. Lors de la pandémie de grippe A (H1N1), beaucoup de contrats étaient rédigés de telle façon que les assureurs ont indemnisé leurs clients, tout en décidant d’exclure par la suite les conséquences des épidémies, quelles qu’elles soient. C’est là qu’intervient la demande de Bruno Le Maire aux assureurs de participer à l’effort national. Cela peut être fait de deux façons. La première réside dans une lecture plus souple du contrat d’assurance pour que, même dans les hypothèses un peu litigieuses, les assureurs acceptent de couvrir. Mais face à un refus de garantie, l’assuré ne pourra pas se prévaloir devant un juge de l’engagement annoncé par la FFA, car il s’agit du “droit mou”. L’autre façon pour les assureurs de participer à l’effort de solidarité nationale est celle qui a cours après toutes les grandes catastrophes. Les assureurs alimentent un fonds de solidarité et indemnisent en fonction de règles décidées par la communauté des assureurs ou au niveau étatique, l’ensemble des entreprises qui ne seraient pas, ou mal, assurées pour ce type de situations. » La FFA a d’ailleurs annoncé que les assureurs allaient contribuer à hauteur de 200 millions d’euros au fonds de solidarité visant à soutenir les petites entreprises et indépendants pénalisés par l’épidémie de coronavirus.

Les annulations d’événements

L’assurance annulation concerne les particuliers comme les entreprises.

Celle-ci répond à des critères d’application précis. Il doit s’agir d’une annulation, non d’un report. Elle doit être imposée par une autorité publique ou découler de circonstances particulières, non d’un coup de tête du participant ou de l’organisateur. « La crise actuelle est une circonstance exceptionnelle et inévitable qui justifierait, même en l’absence de décision étatique, qu’on ne puisse pas maintenir d’événements, estime Alexandra Cohen-Jonathan. Pour mars et avril, la décision d’autorité administrative constitue l’une des raisons les moins contestables pour l’annulation d’événements. Les contrats d’assurance annulation, a priori, vont automatiquement s’appliquer. » Il en va autrement pour les Jeux Olympiques, qui devaient normalement se dérouler à Tokyo du 24 juillet au 9 août, période encore assez lointaine. « On sort ici des conditions habituelles de la garantie de l’assurance annulation, analyse Alexandra Cohen-Jonathan. L’assureur du Comité international olympique (CIO), dans l’hypothèse d’une annulation, devrait couvrir l’ensemble des frais engagés à pure perte et l’ensemble des bénéfices attendus. Mais le CIO n’avait aucune certitude sur sa capacité à organiser l’événement au moment prévu. Dans cette situation, il lui a fallu prendre une décision avec son assureur. »

Le krach boursier

Depuis l’été 2019, les épargnants étaient incités de manière presque agressive par les assureurs vie à se tourner vers des supports à capital non garanti, pour leur nouveau plan d’épargne retraite (PER) ou les unités de compte de leur contrat d’assurance vie. Après avoir misé sur ces placements dynamiques en actions, ils subissent aujourd’hui la crise boursière consécutive au coronavirus. « Les placements à risques ont toujours existé, mais il est vrai que, jusqu’à récemment, les contrats d’assurance vie et d’épargne retraite étaient encadrés par des règles prudentielles qui ne n’autorisaient pas les assureurs à prendre trop de risques, rappelle Alexandra Cohen-Jonathan. À la fin de l’année 2019, la loi Pacte leur a permis de placer davantage de cotisations sur les supports dynamiques, plus risqués. Le sujet de la responsabilité des courtiers et agents d’assurances dans les informations et conseils donnés aux clients n’est pas nouveau, mais il resurgit dans le contexte actuel de la loi Pacte et de la crise boursière. Il faut cependant rester mesuré, car la crise que nous connaissons n’est pas révélatrice de la valeur des portefeuilles des assureurs. Elle entraîne certes une perte sèche sur des placements à court terme, mais l’assurance vie et l’épargne retraite sont des contrats collectifs, et donc à long terme pour les assureurs. Lorsque les opérations se déboucleront, elles ne seront pas nécessairement à perte. Sur ce sujet, nous sommes encore en attente d’information de la place. »

Article actualisé le 23 mars

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº843