La victoire annoncée des banques en ligne

Les banques en ligne en France sont n&eacute;es en 1994 avec le lancement par la Compagnie Bancaire (Groupe Paribas) de Banque Directe, devenue Axa Banque, qui est aujourd&rsquo;hui la 3e banque en ligne fran&ccedil;aise. Elles ne sont donc pas un ph&eacute;nom&egrave;ne nouveau et l&rsquo;on pourra f&ecirc;ter l&rsquo;ann&eacute;e prochaine les 25 ans de leur apparition. M&ecirc;me si le seuil symbolique des 10 % de parts de march&eacute; aurait &eacute;t&eacute; atteint en 2016, leur conqu&ecirc;te du march&eacute; fran&ccedil;ais, annonc&eacute;e depuis longtemps, tarde &agrave; se concr&eacute;tiser. La poursuite du taux d&rsquo;&eacute;quipement en smartphones va acc&eacute;l&eacute;rer leur croissance, alors que le march&eacute;, d&eacute;j&agrave; satur&eacute; par un nombre &eacute;lev&eacute; d&rsquo;acteurs, devrait n&eacute;anmoins voir s&rsquo;accro&icirc;tre encore sa densit&eacute;, renfor&ccedil;ant ainsi &agrave; court terme sa fragmentation. I. Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;une banque en ligne ? Les banques en ligne sont des &eacute;tablissements de cr&eacute;dit et donc, d&rsquo;un point de vue juridique, ne diff&egrave;rent en rien des banques &agrave; r&eacute;seau. Ceci est d&rsquo;autant plus vrai qu&rsquo;en mati&egrave;re de r&eacute;gulation, le principe qui pr&eacute;vaut est celui du &laquo; single rule book &raquo; commun &agrave; toutes les banques de la zone euro, m&ecirc;me si un d&eacute;bat existe pour introduire plus de proportionnalit&eacute; en all&eacute;geant les charges des petits &eacute;tablissements, ce qui serait le bienvenu pour les banques en ligne. En fait, c&rsquo;est la nature du business model qui diff&egrave;re nettement. Celui de la banque &agrave; r&eacute;seau remontait &agrave; la doctrine &laquo; Henri Germain &raquo; &agrave; la fin du XIXe si&egrave;cle consistant &agrave; s&eacute;parer les activit&eacute;s de banque d&rsquo;affaires de la banque commerciale tout en surveillant leur liquidit&eacute;. La puissance des banques de d&eacute;tail s&rsquo;incarnait alors dans le nombre d&rsquo;agence dont on disposait, strat&eacute;gie qui fit du Cr&eacute;dit Lyonnais la premi&egrave;re banque du monde en 1914. La banque &agrave; r&eacute;seau et la banque d&rsquo;affaires ont &eacute;t&eacute; au cœur de la r&eacute;volution industrielle. &Agrave; l&rsquo;inverse, on peut donc d&eacute;finir les banques en lignes sont des &eacute;tablissements de cr&eacute;dit sans r&eacute;seau d&rsquo;agence bancaires. En quoi les choses sont-elles donc devenues profond&eacute;ment diff&eacute;rentes aujourd&rsquo;hui ? L&rsquo;impression diffuse, qui nous entoure, selon laquelle les banques en ligne r&eacute;volutionnent les pratiques et les usages bancaires n&rsquo;est pas qu&rsquo;une impression. Le philosophe des sciences Michel Serres (2016) explique que les deux ph&eacute;nom&egrave;nes ne sont pas de m&ecirc;me nature, car leurs fondements diff&egrave;rent. En effet la r&eacute;volution industrielle (&agrave; laquelle on peut d&eacute;cider de rattacher la banque en dur du pass&eacute;) rel&egrave;ve des &laquo; hautes &eacute;nergies &raquo; tandis que la soci&eacute;t&eacute; de l&rsquo;information permettant les banques en ligne rel&egrave;ve des &laquo; basses &eacute;nergies &raquo;. Il nous livre son analyse capitale [1] : &laquo; La r&eacute;volution industrielle bouleversa, certes, bien des pratiques et des organisations, mais elle n&rsquo;eut pas l&rsquo;impact global des trois r&eacute;volutions douces concernant les signes, induites, d&rsquo;abord, dans l&rsquo;Antiquit&eacute;, par l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;&eacute;criture, ensuite, &agrave; la Renaissance, par l&rsquo;invention de l&rsquo;imprimerie, aujourd&rsquo;hui enfin, par la survenue du num&eacute;rique, toutes trois portant sur les basses &eacute;nergies, en d&rsquo;autres termes sur l&rsquo;information [&hellip;]. Famili&egrave;res aux historiens comme aux pr&eacute;historiens, les r&eacute;volutions qu&rsquo;ils aiment orner d&rsquo;un nom dur &ndash; pierre taill&eacute;e, pierre polie, &acirc;ge de bronze, machine &agrave; vapeur [&hellip;] &ndash; , touchent les soci&eacute;t&eacute;s localement ; les douces, au contraire, les changent globalement &raquo;. Et il conclut, afin qu&rsquo;il ne subsiste pas d&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; sur son propos : &laquo; Autrement dit, le doux est plus efficace que le dur. &raquo; Les banques &agrave; r&eacute;seau (et les banques d&rsquo;affaires) ont &eacute;t&eacute; cœur de la r&eacute;volution industrielle en tirant profit de celle-ci et en la finan&ccedil;ant. Les banques en ligne sont au centre de la vie quotidienne des Fran&ccedil;ais, r&eacute;alit&eacute; renforc&eacute;e par les smartphones, pourtant d&rsquo;apparition r&eacute;cente, mais dont il est d&eacute;sormais devenu impossible de se passer. Le smarphone devenu un prolongement du bras des individus est la cl&eacute; de vo&ucirc;te de la relation bancaire de demain, et de plus en plus de banquiers l&rsquo;ont compris. II. Les raisons d&rsquo;un d&eacute;veloppement tardif Contrairement aux n&eacute;obanques qui n&rsquo;offrent que des services limit&eacute;s (essentiellement de paiement), les banques en ligne sont en concurrence frontale avec les banques traditionnelles principalement par la strat&eacute;gie de domination par les co&ucirc;ts au sens de Porter [2] , ou en d&rsquo;autres termes selon les principes du low-cost. Mais au-del&agrave; de cette distinction, sept facteurs convergent aujourd&rsquo;hui pour ouvrir plus largement la voie aux banques en lignes et n&eacute;o-banques. 1. La lente diffusion de la technologie est derri&egrave;re nous La diffusion d&rsquo;Internet en France a &eacute;t&eacute; bien plus laborieuse qu&rsquo;on ne pourrait le croire aujourd'hui, ce qui a bien &eacute;videmment ralenti initialement le d&eacute;veloppement des banques en ligne. Banque Directe a &eacute;t&eacute; lanc&eacute;e en 1994 en utilisant au d&eacute;but le Minitel et le t&eacute;l&eacute;phone car il n&rsquo;y avait que 100 000 Fran&ccedil;ais connect&eacute;s en 1996, puis 270 000 en mai 1997 et enfin 570 000, soit 2,4 % des foyers fran&ccedil;ais, en mai 1998. En 2000, le timing du lancement en France d&rsquo;ING Direct est excellent, car il co&iuml;ncide avec le d&eacute;collage d&rsquo;Internet dans l&rsquo;Hexagone. La plupart des banques en ligne ont &eacute;t&eacute; lanc&eacute;es &agrave; partir de 2006, moment o&ugrave; plus de la moiti&eacute; des m&eacute;nages fran&ccedil;ais a acc&egrave;s &agrave; Internet (v. Tableau 1). Par ailleurs, l&rsquo;autre technologie cl&eacute; est le taux d&rsquo;&eacute;quipement en smartphones : il s&rsquo;agit d&rsquo;un march&eacute; en forte croissance contrairement &agrave; l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; Internet qui est aujourd&rsquo;hui &agrave; maturit&eacute; (v. Graphique 1). Les banques en ligne de deuxi&egrave;me g&eacute;n&eacute;ration sont donc centr&eacute;es sur la &laquo; banque sur mobile &raquo;, tandis que les banques en ligne plus anciennes, con&ccedil;ues pour Internet, se sont dot&eacute;es &agrave; leur tour d&rsquo;une interface mobile, comme ING Direct par exemple. La 2e g&eacute;n&eacute;ration des banques en ligne et les n&eacute;obanques repose sur des applications t&eacute;l&eacute;chargeables pour t&eacute;l&eacute;phones portables (apps), et le nombre de clients potentiels est donc directement corr&eacute;l&eacute; au nombre de d&eacute;tenteurs de smartphones. En d&rsquo;autres termes, c&rsquo;est un march&eacute; &agrave; forte croissance &agrave; bancariser via la banque sur mobile. Il n&rsquo;est pas &eacute;tonnant de voir appara&icirc;tre Orange Bank qui est une &laquo; telco-banque &raquo; pour reprendre la terminologie de Mateu (2017), banque qui combine une app pour mobile avec les synergies li&eacute;es &agrave; un r&eacute;seau de boutiques de t&eacute;l&eacute;phonie forte d&rsquo;une base de 28 millions de clients et &agrave; un r&eacute;seau d&rsquo;agences d&rsquo;assurance de Groupama banque. Une banque que l&rsquo;on pourrait qualifier de &laquo; mobile and mortar &raquo; par opposition aux acteurs de la banque sur mobile purement virtuels (Ferratum Bank, Bunq, Ditto Bank&hellip;). Notons aussi qu&rsquo;Altice Bank (banque du groupe SFR), dont le si&egrave;ge est &agrave; Luxembourg, a fait une demande d&rsquo;agr&eacute;ment bancaire aupr&egrave;s de la BCE. Enfin, &laquo; FreeBank &raquo; est une marque d&eacute;pos&eacute;e par le groupe de t&eacute;l&eacute;communications Iliad &agrave; l&rsquo;INPI depuis 2000 et renouvel&eacute;e depuis lors. Thomas Reynaud, directeur financier d&rsquo;Iliad, a pourtant d&eacute;clar&eacute; en mars 2017, sur BFM Business, avoir &eacute;t&eacute; approch&eacute; par des banques europ&eacute;ennes pour une utilisation de la marque FreeBank, tout en indiquant que ce n&rsquo;&eacute;tait pas une priorit&eacute; du groupe. Cette strat&eacute;gie de transformation de clients existants en clients bancaires est aussi celle des assureurs (Axa Banque et Allianz Banque). Cibler les smartphones n&rsquo;est pas toujours une garantie de succ&egrave;s : fin 2017, Soon, la banque sur mobile d&rsquo;Axa, qui n&rsquo;avait conquis que 30 000 clients et avait du mal &agrave; se d&eacute;velopper, a &eacute;t&eacute; r&eacute;int&eacute;gr&eacute;e dans la banque en ligne Axa Banque. 2. La difficile qu&ecirc;te de l&eacute;gitimit&eacute; et la cr&eacute;ation d&rsquo;un climat de confiance Les Fran&ccedil;ais &eacute;tant des clients fid&egrave;les mais conservateurs, l&rsquo;image de s&eacute;rieux et de s&eacute;curit&eacute; des op&eacute;rations des banques en ligne a mis beaucoup de temps &agrave; s&rsquo;imposer. En outre, traditionnellement, il existe peu d&rsquo;&laquo; early adopters &raquo; pour une nouvelle technologie sur le march&eacute; fran&ccedil;ais. Selon une &eacute;tude du cabinet Kucher &amp; Partners et de Research Now de 2016, les parts de march&eacute; des banques en ligne seraient pass&eacute;es, entre 2015 et 2016, de 8 &agrave; 10 % du march&eacute; fran&ccedil;ais, soit une hausse de 20 % qui t&eacute;moigne d&rsquo;une acc&eacute;l&eacute;ration du ph&eacute;nom&egrave;ne d&rsquo;adoption. La m&ecirc;me &eacute;tude pointe &eacute;galement la baisse des r&eacute;ticences li&eacute;es &agrave; un manque de confiance dans les banques en ligne pour des raisons li&eacute;es &agrave; la s&eacute;curit&eacute; informatique seraient &eacute;galement en baisse. 3. Les changements favorables dans les moyens de paiement utilis&eacute;s La plupart des banques en ligne (hormis, par exemple, Hello Bank !) et la totalit&eacute; des n&eacute;obanques ne permettent pas d&rsquo;encaisser des ch&egrave;ques, ce qui constitue un frein, puisque cela impose l&rsquo;existence a minima d&rsquo;une deuxi&egrave;me banque pouvant les traiter. La forte baisse de l&rsquo;utilisation des ch&egrave;ques (v. Tableau 2) limite l&rsquo;impact de cet inconv&eacute;nient et on peut imaginer &agrave; terme leur disparition de facto comme chez nos voisins suisses, ce qui constituerait une excellente nouvelle pour les banques virtuelles. &Agrave; l&rsquo;inverse, les paiements par carte devenus majoritaires et l&rsquo;av&egrave;nement de la monnaie &eacute;lectronique favorisent l&rsquo;activit&eacute; bancaire en ligne. Un autre &eacute;l&eacute;ment qui peut poser des probl&egrave;mes &agrave; certaines banques en ligne et aux n&eacute;obanques est la d&eacute;livrance de ch&egrave;ques de banque. Ce probl&egrave;me est en passe d&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;solu par la FinTech Paycar [3] qui propose une alternative virtuelle s&eacute;curis&eacute;e pour ses utilisateurs afin de r&eacute;gler l&rsquo;acquisition de v&eacute;hicules d&rsquo;occasion. La d&eacute;mat&eacute;rialisation des ch&egrave;ques de banque, si elle se g&eacute;n&eacute;ralisait, favoriserait les nouveaux entrants. 4. Marketing relationnel ou marketing transactionnel ? Le r&eacute;seau d&rsquo;agence engendre un contact physique de proximit&eacute; plut&ocirc;t repr&eacute;sentatif d&rsquo;un marketing relationnel au sens de Boulaire (2003), c'est-&agrave;-dire cr&eacute;ateur d&rsquo;un lien social au-del&agrave; du strict cadre marchand ; cela rejoint aussi la notion de reconnaissance, particuli&egrave;rement importante en private banking. &Agrave; l&rsquo;inverse, la relation avec les banques en lignes rel&egrave;ve plut&ocirc;t du marketing transactionnel, que certains utilisateurs privil&eacute;gient, car ils estiment &ecirc;tre moins manipul&eacute;s que par les commerciaux des agences. Il existe un mod&egrave;le plus rare et original o&ugrave; la banque en ligne est &eacute;troitement li&eacute;e &agrave; une communaut&eacute; constitutive d&rsquo;un r&eacute;seau social d&eacute;di&eacute; (Fidor Bank, par exemple, dont les clients participent au d&eacute;veloppement des produits et services). D&egrave;s lors, le profil des clients ne serait pas indiff&eacute;rent au choix du type de banque, classique ou en ligne. On pourrait ainsi d&eacute;finir un profil psychologique adapt&eacute; (ou non) en fonction du type de canal de distribution des produits et services bancaires. Tversky et Kahneman (1974) avaient montr&eacute; que des biais cognitifs pouvaient engendrer des d&eacute;viances du jugement. Kahneman (2011) a pos&eacute; que le fonctionnement du cerveau humain se s&eacute;parait en deux syst&egrave;mes ou les &laquo; deux vitesses de la pens&eacute;e &raquo; : d&rsquo;une part, le syst&egrave;me 1 intuitif (intuitive) repose sur la pens&eacute;e rapide (fast thinking), qui engendre des comportements instinctifs ; d&rsquo;autre part, le syst&egrave;me 2 est lent (slow thinking) ; il demande des efforts (effortful), est d&eacute;lib&eacute;r&eacute; (deliberate), mais le plus adapt&eacute; pour traiter les probl&egrave;mes complexes ayant un fort enjeu, pour autant que l&rsquo;individu en soit conscient. En effet, parce qu&rsquo;il fonctionne en permanence, le syst&egrave;me 1 fournira une r&eacute;ponse rapide car simpliste, et souvent biais&eacute;e. Alexandre (2017) souligne avec justesse que les banques sur mobile correspondent au mode intuitif du fonctionnement du cerveau : &laquo; Les paiements par le smartphone ne supposent, par exemple, pas la sollicitation des m&ecirc;mes processus cognitifs qu&rsquo;un investissement ou un placement important sur le long terme. Les habitudes modernes de consommation sollicitent, pour un grand nombre d'usages de l&rsquo;argent, des capacit&eacute;s cognitives correspondant &agrave; ce que Kahneman appelle le syst&egrave;me 1. Les produits et services financiers qu'un consommateur peut envisager de consommer &agrave; travers son smartphone sont des produits qui sollicitent donc le syst&egrave;me 1 par leur simplicit&eacute; et le caract&egrave;re instantan&eacute; de la transaction qu&rsquo;ils instaurent. &raquo; Kahneman, Lovello et Sibony (2011) montrent que pour les d&eacute;cisions importantes, les managers ne doivent pas se tromper de mode cognitif. Il en va de m&ecirc;me pour un client d&eacute;sireux d&rsquo;emprunter pour financer l&rsquo;acquisition de sa r&eacute;sidence principale : il n&rsquo;est pas s&ucirc;r qu&rsquo;un accord irr&eacute;fl&eacute;chi via son t&eacute;l&eacute;phone portable soit le garant de la meilleure solution. On le per&ccedil;oit, pour aspirer &agrave; supplanter totalement les banques commerciales, leurs challengers devront se doter de pool d&rsquo;experts dignes de confiance de nature &agrave; les assister. 5. Les changements de g&eacute;n&eacute;rations favorables &agrave; la banque digitale De tr&egrave;s nombreuses &eacute;tudes de banques ou de firmes de consulting, principalement am&eacute;ricaines, assez convergentes, annoncent le succ&egrave;s de la banque digitale avec l&rsquo;arriv&eacute;e de la g&eacute;n&eacute;ration &acirc;g&eacute;e entre 18 et 34 ans (dits &laquo; millenials &raquo;) [4] . Celle-ci se caract&eacute;rise par le fait qu&rsquo;elle a toujours connu Internet (&laquo; internet native &raquo;) ; la g&eacute;n&eacute;ration suivante dite &laquo; Gen Z &raquo; se caract&eacute;risera par le fait qu&rsquo;elle aura toujours connu les smartphones (mobile native). En d&rsquo;autres termes, leurs repr&eacute;sentants auront un rapport diff&eacute;rent &agrave; la technologie et la banque. 6. La question des fermetures d&rsquo;agences Un rapport de Bain et Company (2016) &eacute;tudie la fid&eacute;lit&eacute; des clients (customer loyalty) dans la banque de d&eacute;tail ; on y apprend que, lors d&rsquo;une fermeture d&rsquo;agence bancaire, environ 15 % des clients vont changer de banque, auquel il convient d&rsquo;ajouter plus 20 &agrave; 25 % qui vont choisir une seconde banque (v. Graphique 2). On le per&ccedil;oit, la politique de fermeture d&rsquo;agences des grandes banques &agrave; r&eacute;seau, initi&eacute;e au nom de la productivit&eacute; et des &eacute;conomies de co&ucirc;ts, g&eacute;n&egrave;re paradoxalement de facto une rente en faveur des banques en lignes et des n&eacute;obanques. Les clients ainsi perdus p&egrave;seront en retour sur la profitabilit&eacute; des banques commerciales, et la course &agrave; la rentabilit&eacute; en deviendra d&rsquo;autant plus difficile. 7. La mobilit&eacute; bancaire impos&eacute;e par la loi Macron Changer de banque a longtemps &eacute;t&eacute; per&ccedil;u comme un Everest, lent et couteux, ce qui dissuadait souvent les clients m&eacute;contents de changer d'&eacute;tablissement. La loi Macron en imposant le droit &agrave; la mobilit&eacute; bancaire a une incidence favorable sur le d&eacute;veloppement des nouveaux entrants. La convergence r&eacute;cente de ces sept ph&eacute;nom&egrave;nes favorables influera tr&egrave;s positivement sur le d&eacute;veloppement des banques en lignes, ainsi que des n&eacute;obanques. III. Une intensit&eacute; concurrentielle, pr&eacute;lude &agrave; une consolidation ult&eacute;rieure &Agrave; ce jour, le march&eacute; des banques en ligne est domin&eacute; via leurs maisons m&egrave;res par les grands groupes bancaires fran&ccedil;ais (Soci&eacute;t&eacute; G&eacute;n&eacute;rale, CM-CIC, BNP Paribas, Cr&eacute;dit Agricole), ou d&rsquo;assurance (Axa), ou de grands acteurs europ&eacute;ens (ING, Allianz). N&eacute;anmoins, alors que les parts de march&eacute; de la banque commerciale sont fig&eacute;es du fait des r&eacute;seaux d&rsquo;agence, les perspectives sont beaucoup plus ouvertes s&rsquo;agissant des services bancaires en ligne (banques en ligne et n&eacute;obanques confondues, v. Tableau 3). Apr&egrave;s une phase initiale de poursuite de la fragmentation qui devrait encore se poursuivre pendant quelques ann&eacute;es, notamment avec l&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;autres acteurs &eacute;trangers de la banque en ligne ou d&rsquo;entrepreneurs cr&eacute;ant des n&eacute;obanques, une phase de consolidation devra s&rsquo;op&eacute;rer par l&rsquo;interm&eacute;diaire de rachats ou de fusions. En effet, les acteurs qui r&eacute;ussiront &agrave; l&rsquo;horizon 2025 devront compter plusieurs millions de clients en Europe, et cela ne se fera certainement pas uniquement par croissance interne. Il semble, que le march&eacute; fran&ccedil;ais soit difficile, en particulier pour les groupes &eacute;trangers pour lesquels il existerait un handicap de l&rsquo;&eacute;tranger (&laquo; liability of foreignness &raquo;) tel qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; explicit&eacute; par Zaheer (1995). Tout d&rsquo;abord, il convient de relever une succession d&rsquo;&eacute;checs retentissants sur le march&eacute; de la banque en ligne que l&rsquo;on a tendance &agrave; oublier. Ainsi, peut-on citer les cessations d&rsquo;activit&eacute; successives de : Zebank (2002), seul acteur fran&ccedil;ais en &eacute;chec total dont les actionnaires &eacute;taient Europ@web (80 %) et Dexia (20 %), Egg France (2003) filiale du groupe britannique Egg, Bipop Banque (2005) &agrave; l&rsquo;actionnariat italien, enfin plus r&eacute;cemment VTB Direct (2017) de VTB Banque grand acteur sur le march&eacute; russe. Ces divers &eacute;checs qui sont intervenus peu d&rsquo;ann&eacute;es apr&egrave;s leur lancement ont par ailleurs plut&ocirc;t valid&eacute; le handicap de la jeunesse (liability of newness) de Stinchcombe (1965). D&rsquo;autre part, on peut aussi constater qu&rsquo;apr&egrave;s un grand succ&egrave;s initial, ING Direct France stagne maintenant avec un million de clients environ. Ces chiffres doivent &ecirc;tre rapproch&eacute;s de la r&eacute;ussite persistante d&rsquo;ING Espagne dont le nombre de clients est pass&eacute; de 0,8 million en 2003 &agrave; 3,3 millions en 2015 ; c&rsquo;est encore plus vrai s&rsquo;agissant d&rsquo;ING Allemagne dont le nombre de clients est pass&eacute; de 3,6 en 2003 &agrave; 8 millions en 2015. Il ne semble pas que la qualit&eacute; du management fran&ccedil;ais ou sa strat&eacute;gie soit en cause, mais plut&ocirc;t que l&rsquo;intensit&eacute; concurrentielle fasse de l&rsquo;Hexagone un march&eacute; tr&egrave;s compliqu&eacute;. Pourquoi entrer dans un march&eacute; r&eacute;put&eacute; aussi difficile ? La densit&eacute; des acteurs, probablement d&eacute;j&agrave; excessive va encore s&rsquo;accentuer comme nous l&rsquo;avons vu pr&eacute;c&eacute;demment. Les cons&eacute;quences d&rsquo;une intensit&eacute; concurrentielle insoutenable sont bien connues : les acquisitions, les fusions&hellip; et les faillites. En guise de conclusion, on ne peut que rappeler la c&eacute;l&egrave;bre formule de l&rsquo;ancien pr&eacute;sident de la Soci&eacute;t&eacute; G&eacute;n&eacute;rale, Marc Vi&eacute;not : &laquo; Les banquiers n&rsquo;ont gu&egrave;re l&rsquo;habitude d&rsquo;apporter des oranges &agrave; leurs concurrents en difficult&eacute;. Ils pr&eacute;f&egrave;rent sortir leur dague [5] . &raquo; 1 Darwin, Bonaparte et le Samaritain : une philosophie de l'histoire, Editions Le Pommier, 2016, pp. 34-35. 2 La strat&eacute;gie de domination par les co&ucirc;ts consiste &agrave; proposer une offre dont le co&ucirc;t de revient a &eacute;t&eacute; r&eacute;duit au maximum. 3 https://www.paycar.fr/. 4 Pour n&rsquo;en citer que quelques-unes : BBVA (2014, 2017), Goldman Sachs AM (2016). 5 http://evene.lefigaro.fr/citation/banquiers-guere-habitude-apporter-oranges-concurrents-difficult-15148.php.

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