Avec Bâle III, les banques sont incitées à davantage de prudence vis-à-vis de certains actifs comme les infrastructures ou les prêts aux entreprises. Les assureurs sont-ils en mesure de prendre le relais dans le contexte de préparation à Solvabilité 2 ?
Bâle III limitant les banques dans leur capacité de financement, les pouvoirs publics comptent sur les assureurs pour le financement de l'économie. Dans de nombreux pays, dont la France, la force de frappe des assureurs est importante puisqu'ils détiennent dans leur bilan une part très significative de l'épargne financière des
ménages. Dans les pays anglo-saxons, qui sont market based, les assureurs et les fonds de pension gèrent les retraites par capitalisation des ménages, donc ils ont par définition un poids important. Les pays d'Europe continentale sont globalement davantage bank based : les banques y jouent traditionnellement un rôle plus important. Mais la France se situe à mi-chemin entre ces deux modèles : les banques y sont importantes mais, depuis les années 1980, les assureurs et donc les marchés financiers se sont développés : quand l'État a accumulé des déficits, il a accordé des avantages fiscaux à l'assurance vie, l'objectif étant que les assureurs achètent des obligations souveraines.
L'horizon des assureurs étant long, ne sont-ils pas mieux placés que les banques (auxquelles on a reproché de prendre un risque de transformation trop important) pour prêter à long terme ?
Les engagements des assureurs sont à long terme : l'échéance fiscale des contrats d'assurance vie est de 8 ans, mais la durée de détention est en pratique plus longue ; de plus, le nouveau contrat Euro croissance tend à allonger encore leur
passif. Ainsi, les engagements des assureurs sont à plus long terme que ceux des banques. Certes les dépôts bancaires sont assez stables, mais ils sont exigibles à tout moment par les déposants et les banques supportent un risque de liquidité sur les financements court terme de
marché. Les assureurs constituent donc des investisseurs naturels pour les actifs longs et le principe originate to distribute est tout à fait pertinent, mais les assureurs n'occuperont pas totalement le terrain laissé par les banques. En effet, certains actifs demeurent difficilement accessibles (expertise et gestion des risques spécifiques) et les assureurs subissent des contraintes
réglementaires. Certes, le décret d'août dernier en France autorise les prêts directs ou indirects aux entreprises, mais les plafonds sont restrictifs (5 % de l'actif de l'investisseur pour les fonds de prêts). Les banques demeureront les prêteurs principaux, et de loin.
Solvabilité 2 est-elle un frein à l'investissement de long terme ?
Dans la version initiale de la directive, la détermination des charges en capital et les principes de mark-to-market constituaient une désincitation à l'investissement de long terme, même s'il existait des
Le
Espagne. Quant à la détention d'actions, elle subit des contraintes fortes, imposées par Solvabilité 2, qu'Omnibus 2 n'a pas adoucies. Toutefois, en cas de choc exceptionnel sur les marchés, les assureurs seront dispensés de respecter les normes de solvabilité, en vertu de l'extension d'une période autorisée de non-couverture de l'exigence en
capital. Concernant les charges en capital, la Commission européenne a posé à l'
Comment voyez-vous évoluer l'actif des assureurs ?
Les assureurs n'ont jamais été très investis en actifs risqués et les évolutions réglementaires devraient renforcer cette tendance. Ils ont traditionnellement à leur passif, pour l'essentiel, des contrats d'assurance vie en euros et, à leur actif, des obligations souveraines bien notées et des obligations bancaires. La part consacrée aux obligations d'entreprises, aux actions, au capital investissement ou encore aux infrastructures est beaucoup plus modeste. Mais aujourd'hui, dans un contexte où le taux sans risque est très bas, la recherche de rendement peut les inciter à se diriger vers certains actifs risqués, comme on le voit avec les prêts aux entreprises. Ces derniers ont par ailleurs l'avantage d'induire une moindre volatilité du bilan, ne faisant pas l'objet de cotation sur un marché et étant évalués par les cash flow futurs.
Autre facteur poussant dans la même direction : l'offre de titres souverains devrait en principe se raréfier sous l'effet du désendettement des états.