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Offre bancaire

Placements des entreprises : une révolution est en cours

Créé le

14.02.2013

-

Mis à jour le

23.04.2013

Les banques, du fait de la crise, cherchent à attirer dans leurs bilans la trésorerie des entreprises, traditionnellement investie en OPCVM monétaires, et les comptes à terme sont devenus le premier support de placement des sociétés non financières. Mais la diversité de l’offre bancaire rend le marché peu lisible.

La crise qui a débuté en ​2007 et a connu un premier pic en ​2009 a bouleversé le monde des placements monétaires. Certains produits de placements se sont révélés dangereux, ou tout du moins illiquides, à l’instar de certains OPCVM monétaires dynamiques. La chute de Lehman Brothers puis de Dexia a amené de nombreuses contreparties à se poser des questions sur la solidité des banques. Cette fragilité nouvelle a conduit les régulateurs à revoir leurs exigences, en particulier en réclamant un ratio de dépôts sur crédits plus important. Enfin, ces crises successives ont aussi amené les banques centrales à baisser leurs taux à 0 %. L’ensemble de ces points, et notamment le dernier, commence à avoir raison d’un des produits de placement phare des entreprises : l’OPCVM monétaire.

De l’épargne financière à l’épargne bilancielle

L’OPCVM monétaire a pourtant longtemps été considéré comme le support le plus pertinent pour le placement des excédents de trésorerie des entreprises. Il offre à la fois une source de diversification du risque, un outil de contrôle sur les titres en portefeuille constituant le fonds, ainsi qu’une souplesse et une liquidité sans égales. Mais c’est bien dans un nouvel environnement de placement que nous sommes entrés : les banques veulent que les fonds détenus par les entreprises soient portés à leur bilan. Elles se sont donc mises à proposer des comptes à terme (CAT), des dépôts à vue rémunérés (DAV), des comptes sur livret (CSL) et autres titres de créances négociables (TCN).

En décembre, le compte à terme était déjà présenté comme le placement préféré des trésoriers d’entreprise dans l’étude de l’AFTE COE Rexecode. Une tendance confirmée par les chiffres de la Banque de France qui ont vu les encours de CAT dépasser ceux des OPCVM monétaires dès 2011 (voir Graphique 1).

Ce sont bien les entreprises qui sont les plus impliquées dans ce changement d’environnement. Comme le montre le Graphique 2, si les ménages ont eux aussi profité des taux élevés proposés par les CAT fin 2008, ils sont ensuite retournés sur les CSL lorsque la rémunération a baissé. N’ayant pas accès à ces derniers, les entreprises sont en revanche restées sur les CAT.

Des produits encore à définir

Les directeurs financiers ou les trésoriers se voient dorénavant proposer par leurs banques leurs divers produits de placement « maison ». D’anciens outils de collecte sont ainsi relancés :

  • les DAV rémunérés à des taux attractifs, mais qui restent variables ;
  • les comptes sur livret plus ou moins indexés sur le Livret A, pour les organismes à but non lucratif ;
  • les comptes à terme.
Ces derniers sont devenus des produits phares, car ils répondent aux besoins de refinancement à long terme des banques. Les durées de ces comptes à terme peuvent aller jusqu’à 10 ans, ce qui les rend comparables à l’assurance vie pour les particuliers. Les personnes morales préféreront les maturités plus courtes, allant du 1 mois renouvelable au 3 ans progressif. Pour ces clients, ce dernier produit est intéressant à plusieurs titres : il offre une option gratuite de sortie, sous réserve de réaliser un préavis, et permet de se couvrir contre un environnement de taux bas, le capital étant garanti par l’emprunteur bancaire. Les taux offerts sont en rapport avec la maturité du placement, mais de nombreux autres paramètres peuvent intervenir.

Une construction des taux pratiqués trop opaque

Les écarts de rémunération sont grands entre les différents produits d’épargne bilancielle offerts aux entreprises par les banques. Ils devraient normalement être déterminés par le niveau de risque de la banque et la maturité du placement, mais les prix pratiqués par le paysage bancaire français reflètent une réalité plus complexe.

Malgré un report de l’application de Bâle III, l’état d’esprit reste bien à un élargissement de la base de dépôts des banques, qui anticipent les nouveaux ratios. Elles sont alors confrontées à des problématiques nouvelles, comme la comptabilisation de la collecte clientèle et son interprétation. Ainsi, le ratio LCR ne va pas donner le même poids à un prêt auprès d’une banque selon que le prêteur est ou non un investisseur financier. Le débat existait déjà sur ces questions, car la nature de la contrepartie conditionnait la possibilité ou non de faire du side-business avec elle. Mais le ratio fait entrer cette réflexion dans une sphère technique : chaque client devra être rangé selon sa capacité à rester dans la banque dans le cas d’un choc de liquidité.

Par ailleurs, certaines banques appliquent des modèles ALM adaptés aux particuliers, qui leur permettent de pratiquer, sur du très court terme, des taux sans rapport avec la maturité affichée du produit. D’autres, bien notées, vont proposer de façon opportune des taux plus intéressants pour rééquilibrer leur ratio de dépôts sur crédits à un moment donné.

La région peut également être une variable d’ajustement de la rémunération. On peut ainsi constater que les taux offerts à Paris sont moins élevés qu’en région, du fait de l’abondance sur ce territoire de sociétés ayant une trésorerie à confier aux banques. Il peut alors être intéressant pour ces clients parisiens de mettre en place des opérations avec des banques régionales.

Enfin, le taux du Livret A est aussi un facteur de la construction des prix. Son taux actuel, même s’il a baissé, reste à des niveaux élevés par rapport aux taux de marché sur la période correspondante. Or de nombreuses contreparties ont accès à des CSL plus ou moins indexés sur le taux du Livret A.

Ces quelques exemples illustrent la multitude des dimensions utilisées par les banques pour déterminer quels taux pratiquer. Cela explique en partie la difficulté qu’un client peut avoir à trouver la meilleure rémunération pour son placement. Pandat publie un indice, le P-Bor, reflétant les prix pratiqués pour la clientèle. Sur la partie de 0 à 1 an, on peut constater que les taux sont plus de deux fois supérieurs aux taux Euribor correspondants. Il y a donc deux marchés : un pour le refinancement interbancaire et l’autre pour la clientèle.

Des conditions de sortie encore à standardiser

Comme l’a rappelé l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) dans son communiqué du 12 octobre 2012, les banques sont appelées à plus de transparence sur la commercialisation des comptes à terme. Il est vrai que, pour un même produit à taux fixe, elles vont proposer des taux moyens, des taux de rendement actuariel annuel brut (TRAAB), des taux applicables par paliers, appliqués sur une partie de la durée ou pour son ensemble. Le chemin est encore long pour l’uniformisation de ces produits.

Il faudra encore quelques années pour que ces produits se standardisent et les prix resteront significativement dispersés. Ce qui est une bonne nouvelle pour le client.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº760