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Paiement SEPA

À moins d’un an de la « end date », état des lieux et opportunités de la migration au SEPA

Créé le

15.04.2013

-

Mis à jour le

05.06.2013

Une récente enquête réalisée par bfinance auprès des corporates révèle l’ampleur de leur scepticisme à l’égard du SEPA. Pourtant, sur le papier, le SEPA présente de nombreux atouts comme la réduction des coûts via une concurrence accrue des banques de flux à l’échelle européenne.

Après bien des discussions, les responsables politiques européens se sont entendus il y a un an pour fixer une date butoir à l’adoption des moyens de paiements SEPA : au 1er février 2014, l’ensemble des virements et des prélèvements libellés en euros devront s’effectuer sous un format harmonisé à l’échelle d’une zone couvrant 33 pays d’Europe. Le temps presse. En France, la mobilisation en amont de la sphère sociale et des administrations n’a pas eu l’effet d’entraînement escompté sur les entreprises privées. Celles-ci déplorent un manque d’incitations à accélérer la mise en œuvre de leur projet SEPA. À leurs yeux, la migration au SCT [1] et au SDD [2] représente un budget conséquent, sans fournir pour autant, du moins l’estiment-elles, de nouveaux leviers d’optimisation pour leur organisation de trésorerie.

Une récente enquête réalisée par bfinance auprès des corporates révèle l’ampleur du scepticisme à l’égard du SEPA. Pour plus de la moitié des cinquante responsables trésorerie-finance interrogés, la migration ne sera jamais rentabilisée. L’adoption des nouveaux moyens de paiement européens constitue un projet structurant pour les entreprises, induisant des changements de fond. Parmi ces changements figure en premier lieu l’abandon du format de coordonnées bancaires national BBAN au profit du couple BIC/IBAN, mais également toute une série de notions nouvelles pour les trésoriers. Ainsi en est-il du concept de date d’exécution pour les virements SCT, ou encore de celui de SDD First et de SDD Recurring pour les prélèvements. Le SEPA induit également de nouvelles exigences en matière de gestion des mandats de prélèvement et offre aux entreprises la possibilité d’adopter des schémas de prélèvement plus adaptés au monde B2B. De fait, de nombreux départements d’un groupe (IT, comptabilité, trésorerie, juridique, etc.) sont impactés par la migration.

Tous ces changements ont bien évidemment un coût et pèsent lourd dans le compte de résultat des corporates : le coût de la migration au SEPA représente pour plus de la moitié des entreprises l’équivalent au moins de deux années de budget d’investissement alloué à la trésorerie. Pour une grande entreprise française, la migration au SEPA représente un budget compris entre 100 000 et 10 millions d’euros, selon la taille et la typologie de moyens de paiement de l’entreprise concernée. Ceux pour qui l’addition est la plus salée sont les préleveurs : le coût de la migration au SEPA est évalué entre 20 et 50 centimes d'euro par prélèvement encaissé. Ces coûts se justifient essentiellement par l’adaptation des applicatifs de manière à pouvoir gérer les nouveaux formats de paiement, la gestion de la base de coordonnées bancaires, la récupération de la gestion des mandats de prélèvements (SDD), pour ceux qui sont concernés.

Dans un contexte de crise, de nombreuses entreprises peinent à mobiliser les ressources nécessaires pour effectuer les transformations obligatoires à la migration à l’Europe des paiements. Il n’est pas étonnant de constater, comme le révèle l’enquête menée par bfinance, que nombre d’entre elles n’ont pas véritablement cherché à optimiser le potentiel du SEPA en adaptant leur organisation de trésorerie : simplification des paiements à l’échelle européenne par une harmonisation des formats des deux instruments les plus utilisés (virement et prélèvement), réductions des coûts via une concurrence accrue des banques de flux à l’échelle européenne, uniformisation des temps de traitement, réduction des disparités entre les pays, etc.

Les plus grandes entreprises françaises sont peu nombreuses à indiquer qu’elles ne respecteront pas la date butoir du 1er février 2014 pour la migration au SEPA, mais leur calendrier laisse la place au doute. Plus de 60 % des sondés envisagent d’achever leur migration fin 2013, soit seulement quelques semaines avant la date butoir réglementaire du 1er février 2014 ! Par ailleurs, si deux tiers des entreprises répondant au sondage émettent déjà des SCT, très peu en revanche émettent des SDD. Pour mémoire, sur l’ensemble du territoire français, seulement 30 % des virements en euros sont émis au format SEPA, statistique qui chute à moins de 1 % pour les prélèvements !

Capacité des banques à gérer les SDD en cause

À leur décharge, les corporates soulignent volontiers que les banques ont pris un certain retard et ne sont pas toutes capables de traiter les flux SEPA en apportant le même niveau de service que dans le traitement des flux de paiement domestique. Si les entreprises sont satisfaites de la qualité de service des banques sur le SCT, elles se montrent beaucoup plus critiques sur leur capacité à gérer les SDD. Sur la problématique spécifique du prélèvement, les premiers émetteurs de SDD enregistrent de fort taux de rejets sans véritablement pouvoir en identifier la cause ; la faute aux banques, qui livrent chacune des interprétations différentes de l’utilisation des codes rejets (« compte clôturé », « compte bloqué », « absence de mandat », « provision insuffisante », etc.). Pour un grand facturier, l’analyse des impayés devient extrêmement complexe.

Dans pareil contexte, la désaffection du projet SEPA au sein des entreprises se comprend mieux. L’urgence et l’ampleur de la tâche ne doivent pas pour autant occulter les bénéfices du SEPA, tant passés (ce projet a dès sa genèse largement contribué à la réduction des coûts du cash management en Europe, à travers notamment l’adoption du règlement 2560 instituant l’égalité des frais bancaires sur les virements domestiques et transfrontaliers dans l’ EEE [3] , ou encore via la DSP [4] ) qu’en cours ou à venir, et ce dans divers domaines.

SEPA entraîne une homogénéisation des prix

En matière d’organisation de la trésorerie, le SEPA offre une occasion unique pour les entreprises de centraliser le traitement des flux à l’échelle européenne. Grâce à la mise en place d’un format unique pour leurs paiements en euros, 40 % des trésoriers interrogés envisagent de rentabiliser le projet SEPA en dotant leur organisation d’une centrale de paiement/d’encaissement (payment/collection factory), voire une banque interne (in-house bank). À la clé, une sécurité accrue pour leurs opérations de paiement (via la centralisation et l’uniformisation des process) et une facture de la fonction cash management réduite (à travers une diminution du nombre de comptes bancaires et du nombre de transactions). La disparition des moyens de paiement dits « de niche » (tels le TIP ou le télérèglement en France) à horizon février 2016 renforce également l’intérêt pour les centrales de paiement/d’encaissement.

En matière de relation bancaire, les compétences demandées aux banques pour traiter les flux SEPA sont différentes de celles actuellement exigées par les corporates. Aussi, de par l’arrivée de nouveaux acteurs bancaires sur le marché pour traiter les nouveaux flux et donc une concurrence accrue, le SEPA ouvre une opportunité aux corporates pour éventuellement réallouer le side business cash management d’autant plus précieux avec l’avènement de Bâle III et des ratios de liquidités. Il est intéressant de noter que la volonté des répondants au sondage est à la stabilisation ou à la diminution du nombre de banques. Cette attitude est guidée par la volonté d’optimiser le fonctionnement et le coût de la trésorerie.

En ce qui concerne les coûts du cash management, le SEPA tend à harmoniser les méthodes de facturation des prestations des banques et alimente la convergence vers un coût unique par opération en Europe. Progressivement, les particularités locales sont gommées. L’évolution des interchanges sur les opérations de prélèvements dans quatre pays européens prouve que l’harmonisation européenne est déjà en marche. Pour plus de 30 % des trésoriers ayant répondu à l’enquête, la concurrence accrue entre les banques permettra de rentabiliser le projet SEPA. Le cash management, première source de revenu des banques, est encore tarifé de manière très différente en Europe avec des pratiques locales (telles la « commission de mouvement » en France et les « frais à la ligne » en Italie) encore bien présentes. L’homogénéisation des prix, déclenchée par le SEPA, a déjà rapporté plus de 300 millions d’euros aux entreprises françaises. En France, tous les feux sont au vert pour une optimisation des frais bancaires relatifs au traitement des flux (baisse des interchanges, davantage de transparence dans les prix, etc.). Les renégociations structurées du coût du cash management menées en France permettent une économie annuelle correspondant à 0,025 % du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Aussi, malgré la proximité de la date butoir de migration et un passage sans doute compliqué pour plusieurs corporates, les chantiers d’optimisation rendus possible grâce au SEPA sont nombreux et occuperont largement les départements trésorerie à partir de 2014 : centralisation des opérations, rationalisation du pool bancaire, optimisation de la facture cash management, etc. Toutes ces initiatives vont à coup sûr contribuer à réduire les différences recensées sur les pratiques bancaires au sein de la communauté SEPA, qui sont encore significatives. Le prochain chantier du SEPA pourrait d’ailleurs être celui de la carte bancaire. Sur ce moyen de paiement, les prix moyens constatés sont extrêmement différents d’un pays à un autre, en raison des niveaux d’interchange pratiqués (à titre d’exemple, le prix moyen constaté en France varie entre 0,25 et 0,55 % du montant de la transaction quand en Italie, la fourchette s’étale entre 1,35 et 1,75 %). C’est le prochain enjeu majeur du SEPA, tant pour les entreprises que pour les consommateurs.

1 SEPA Credit Transfer. 2 SEPA Direct Debit. 3 Espace économique européen. 4 Directive Services de paiement.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº761
Notes :
1 SEPA Credit Transfer.
2 SEPA Direct Debit.
3 Espace économique européen.
4 Directive Services de paiement.
RB