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Banques - assurances

Maintenir ses résultats en temps de crise financière et de pression réglementaire

Créé le

13.02.2013

-

Mis à jour le

12.06.2013

Les projets réglementaires absorbent aujourd’hui une large part des investissements et des budgets disponibles. Comment limiter cette emprise et utiliser au mieux les fonds restants sur des projets qui vont rapporter des rendements à court terme et dégager des marges de manœuvre budgétaires supplémentaires à bref horizon ?

La crise financière de 2008 a accéléré la mise en place de réformes prudentielles dans les secteurs de la banque et de l’assurance. La nouvelle réglementation bancaire Bâle III et la directive européenne Solvabilité 2 renforcent les ratios prudentiels, pour se prémunir contre une crise de solvabilité ou de liquidité. Ainsi, préserver l'équilibre entre une gestion saine du risque et le développement des revenus devient un art toujours plus difficile. Toutefois, ce défi n'est pas impossible à relever.

Bâle III, des banques en quête de capitaux propres

La conséquence directe de Bâle III est qu’à portefeuille d’encours équivalent, les banques ont besoin de plus de capitaux propres. Dans un rapport publié en avril 2012, le FMI estimait ainsi que les banques européennes devront réduire leurs bilans de 2 trillions d’euros avant fin 2013. Certaines banques françaises ont déjà commencé à se séparer d’activités non stratégiques. Par ailleurs, la baisse de la valeur des actions des banques, combinée aux règles de valorisation des actifs, réduit encore plus leur marge de manœuvre, leurs capitaux propres dépendant aujourd’hui en partie de leur performance boursière.

En outre, la mise en œuvre graduelle de Bâle III conduit les banques à :

  • une intensification de l’effort de collecte de dépôts pour répondre aux critères de liquidité mesurés par le Liquidity Coverage Ratio ;
  • un renchérissement du crédit, induit par le coût financier des actifs éligibles au nouveau Core Tier 1 et la nécessité de l’augmentation du niveau des actifs liquides au bilan, qui sont de fait moins rémunérateurs ;
  • un resserrement de l’offre de crédit, dû à l’introduction du ratio de liquidité à un an NSFR et des niveaux de ratio de levier.

Solvabilité 2, des assurances en quête de liquidités

Dans la lignée de Bâle III, l’objectif de Solvabilité 2 est de mieux adapter les fonds propres exigés des assureurs et réassureurs avec les risques encourus dans leurs activités. La directive va notamment limiter les catégories d’actifs éligibles pour le calcul des ratios de solvabilité, ce qui va inciter les assureurs à réaliser des arbitrages dans leurs politiques d'allocation d’actifs. Ainsi, plus les actifs d’une société d’assurances sont volatils, moins ils pèsent dans ses ratios prudentiels. Par conséquent, les assureurs ont moins intérêt à détenir des actions. AXA a d'ailleurs réduit la part des actions de 20 % de ses actifs en 2000 à 10 % en 2007 et 5 % aujourd’hui. Ces nouvelles exigences en matière de fonds propres suscitent un mouvement de concentration, particulièrement observable dans le secteur des mutuelles et des institutions de prévoyance.

L’introduction des règles de Solvabilité 2 implique une mesure du risque par lignes métier (plusieurs dizaines). Cette nouvelle approche pourrait conduire les sociétés d’assurances à ajuster leurs modèles de rentabilité. Celles-ci sont d’autant plus déstabilisées que ce nouveau régime de solvabilité les contraint à mesurer leurs risques sur 1 an, alors que leurs modèles classiques sont construits sur un horizon de 7 à 8 ans.

Cette situation pourrait être exacerbée du fait que les critères de liquidité imposés aux banques les conduisent à diminuer leur activité vie non éligible au ratio de liquidité Bâle III, au profit de produits d’épargne qui les aideront à améliorer leur liquidité et à développer leur offre en matière de produits IARD, qui n’ont pas d’impact négatif sur leur liquidité.

Le triptyque gagnant

Au-delà des réponses aux contraintes réglementaires, les acteurs des services financiers doivent aussi adapter leurs stratégies pour contrecarrer deux indicateurs de performance qui leur sont défavorables. D'une part, la rentabilité des activités se trouve réduite. À titre d’illustration, compte tenu des impacts réglementaires, le rendement sur capitaux propres passera de 14 à 10 % en France, de 7 à 4 % en Allemagne et de 14 à 7 % au Royaume Uni [1] . D'autre part, les banques sont également confrontées à une dégradation de l’image des métiers de la finance, avec pour conséquence directe une défiance accrue des consommateurs envers elles, comme le déplorent 60 % des banquiers interrogés au cours d’une étude récente [2] . Selon les résultats d'un autre sondage, la confiance des Français envers le système bancaire n'a jamais été aussi basse : 33 % d'entre eux disent avoir confiance dans les banques, contre 43 % il y a 1 an [3] .

Face aux défis des régulateurs et à un environnement globalement défavorable, banquiers et assureurs ont tout intérêt à revenir aux fondamentaux de leur activité, via trois leviers :

  • minimiser le coût de mise en œuvre de la réglementation ;
  • accroître leurs revenus ;
  • réduire les coûts.

Minimiser le coût réglementaire

Pour les services financiers, il s’agit d’adapter leur business model et de développer de nouveaux systèmes de reporting conçus dans la perspective de Bâle III et Solvabilité 2. Pour ce faire, ils peuvent recourir à des solutions industrialisées pour réduire les délais et charges de construction. Toutefois, ils doivent éviter l’écueil qui consisterait à vouloir « frapper d’une pierre deux coups », c'est-à-dire étendre un projet Bâle III ou Solvabilité 2 au-delà de la chaîne de production réglementaire : souvent, en effet, les établissements souhaitent profiter de cette obligation pour optimiser leurs pratiques (par exemple, en mettant en cohérence les reportings réglementaires, comptables, financiers, voire marketing). L’idée est séduisante, mais elle risque de déboucher sur des chantiers qui affectent toute l’activité d’un établissement et rajoutent des contraintes de rentabilité à l’obligation réglementaire initiale. Dans le cadre de ces exigences réglementaires, dans lesquelles les professionnels se voient imposer un calendrier et le format de l’information à fournir, banquiers et assureurs seraient au contraire bien inspirés de mener des projets aux limites circonscrites et bien définies qui resteront axés sur la réponse aux réglementations prudentielles, au moins dans un premier temps.

Accroître les revenus

Dans un marché saturé, dans lequel il est difficile de faire évoluer sensiblement les parts de marché, l'augmentation des revenus s'appuie sur une intensification de l’exploitation du fonds de commerce combinant des actions de fidélisation et de développement de la satisfaction client. Il s'agit principalement d'améliorer la gestion de la relation client à travers :

  • des campagnes événementielles basées sur la vie du client et non sur les politiques produits, par exemple en fonction des catégories d’âge, ou des étapes dans les schémas familiaux, etc. ;
  • une mise en œuvre plus efficace de parcours client cross canal, pour éviter un fonctionnement de silos entre canaux et jouer plutôt sur leur complémentarité.
Enfin, les sociétés d’assurances et les banques peuvent dynamiser leurs réseaux commerciaux et encourager le passage à l'action de leurs équipes avec des outils de suivi de la performance et la mise en place de tableaux de bord et de KPI [4] : ces indicateurs permettront de suivre si les fonds de commerce sont bien cultivés, si les clients – notamment ceux qui affichent le potentiel le plus prometteur – sont régulièrement vus. Ils permettront également d’évaluer la multi-détention et la montée en valeur de la relation : la production nouvelle est-elle durable, les produits sont-ils utilisés ? Le suivi quantitatif devra être complété par un suivi qualitatif renforcé, avec des dynamiques d’action commerciale à la fois individuelles et collectives pour favoriser le cross canal.

Réduire les coûts

Pour réduire leurs coûts, banquiers et assureurs doivent rationaliser leur outil de production. Ces outils, pour la plupart conçus il y a 20 ou 30 ans, peuvent difficilement relever les défis actuels : réduction du time to market, intégration des canaux de distribution, maîtrise des coûts, réduction du risque opérationnel…

Cette obsolescence des outils exige une refonte d'ensemble des core models dans trois domaines essentiels : les systèmes de gestion, la production comptable et les systèmes de distribution. La plupart des grands groupes ont d'ailleurs lancé des investissements importants en ce sens depuis 2 ans, soit en capitalisant sur des solutions préexistantes au sein de leur groupe, soit en acquérant des solutions du marché, ce qui confirme la tendance à s'orienter vers des progiciels pour des fonctions cœur de métier.

L’entreprise digitale – en adéquation avec les attentes digitales de son écosystème et notamment celles de ses clients et qui, en interne, tire profit des leviers du digital pour améliorer sa performance – peut largement soutenir cette politique de maîtrise des coûts. Elle va notamment permettre d’améliorer l’efficacité opérationnelle en passant de la dématérialisation à la digitalisation. Celle-ci consiste à fonctionner d’emblée dans le monde digital, comme pour la signature électronique. Le passage par le papier reste alors l’exception, par exemple pour les pièces dont seules les versions originales et physiques sont reconnues par les tribunaux.

Il s’agit par exemple de développer de nouveaux canaux de distribution mobile, comme sur tablette,  permettant un traitement sans rupture de la souscription à la mise en production. Cela consiste également à offrir des outils innovants de lutte contre la fraude ou de créer de nouveaux services GPS dédiés aux entreprises disposant de réseaux « debout » pour optimiser les tournées.

Ouvrir les schémas de pensée

La mise en œuvre de cette démarche ne peut cependant faire l’économie d’une remise en cause organisationnelle, ni d’une ouverture des schémas de pensée quant aux processus de fonctionnement. Ensuite, le principe est de procéder par expérimentations pour valider les retours de la nouvelle procédure (réponses données aux attentes des clients, appropriation par les collaborateurs…) avant de l’installer à grande échelle.

L’instabilité du monde financier et la mise en place de réglementations toujours plus contraignantes constituent autant de défis que d'opportunités pour le secteur de la finance. En adoptant une stratégie réellement centrée sur le client et non plus sur ses produits et en investissant dans des technologies flexibles, le secteur financier peut non seulement réduire ses coûts de mise en conformité avec le régulateur, mais aussi donner un élan à son développement commercial.

1 Day of Reckoning for European retail banking, McKinsey&Company, juillet 2012. 2 A new era of European retail banking: better banking but at what price?, Londres, le 7 novembre 2011, Ernst&Young. 3 Enquête Harris interactive/Deloitte, réalisée en décembre 2011 auprès de 3 414 clients, et publiée mercredi 11 avril 2012. 4 Key Performance Indicator – indicateur de performance.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº761
Notes :
1 Day of Reckoning for European retail banking, McKinsey&Company, juillet 2012.
2 A new era of European retail banking: better banking but at what price?, Londres, le 7 novembre 2011, Ernst&Young.
3 Enquête Harris interactive/Deloitte, réalisée en décembre 2011 auprès de 3 414 clients, et publiée mercredi 11 avril 2012.
4 Key Performance Indicator – indicateur de performance.