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Financement alternatif

Le long chemin des ETI vers le marché obligataire

Créé le

22.09.2010

-

Mis à jour le

07.07.2011

Alors que, depuis la crise, les grandes entreprises se tournent massivement vers le financement obligataire, les ETI en restent, malgré elles, éloignées. La taille de leurs émissions et la nature de leur risque posent problème. Des initiatives de place cherchent des solutions.

Depuis un an, poussées par les tensions sur les prêts bancaires, quelques ETI cotées se sont essayées au marché obligataire. C’est le cas de la franchise Monceau Fleurs ou de la société de logiciels Prodware. Mais une ETI n’a pas les besoins d’une grande entreprise et les deux émissions se sont distinguées par la faiblesse des montants à lever : 6,7 millions d’euros pour le premier, 5,1 millions pour le second, à des taux voisins de 8 %. Le fait est que le marché obligataire se prête assez mal aux ETI :

  • leurs besoins n’atteignent pas la taille critique suscitant l’intérêt des investisseurs ;
  • les agences de notation ne savent pas les traiter et elles sont souvent sans rating ;
  • leur notoriété n’est souvent pas suffisante et les road-shows seraient trop coûteux.
«  Nous voulions tester le marché, expliquait Philippe Bouaziz, président de Prodware, lors d’une table ronde consacrée au sujet début juillet. Cette émission avait une dimension marketing : nous voulions nous faire connaître tout en profitant d’un outil de financement non dilutif comparé aux obligations convertibles que nous avions déjà émises ». Exécutée dans la foulée de l’émission obligataire grand public d’EDF, le succès a été au rendez-vous pour l’éditeur de logiciel qui a bénéficié d’une large couverture presse. Une belle opération qui, par construction, ne peut pas se généraliser à l’ensemble des ETI, en particulier celles non cotées.

Émettre en groupe

D’où une idée, largement soutenue par la place de Paris, d’émissions obligataires groupées. L’idée est simple : en constituant un portefeuille de PME-ETI souhaitant lever de faibles montants, on augmente la taille de l’opération, on gagne en visibilité et on diversifie les risques. Le groupement d’emprunt GIAC pratique ces émissions groupées depuis près de 50 ans : il a ainsi levé, au total, 275 millions d’euros via des emprunts obligataires reversés aux entreprises membres. Depuis 1997, le groupe a sophistiqué son offre en utilisant les techniques de la titrisation : les entreprises empruntent sous forme d’obligations à 10 ans, avec un différé de remboursement de 5 ans, et le GIAC, via son fonds commun de titrisation, refinance ces prêts sur les marchés. 330 millions d’euros ont été levés par ce mécanisme. Son action pourrait changer de dimension prochainement grâce à l’intervention publique : « Oséo offrira une garantie sur les tranches mezzanines de l’émission. Par ailleurs, elle investira dans ces mêmes parts subordonnées, de même que CDC Entreprise », précise Alain Philbert, président du GIAC. Les investisseurs institutionnels se verront proposer les parts seniors à un taux proche de l’Euribor augmenté de 250 points de base (voir schéma). Au final, ce sont 250 millions d’euros que voudrait lever le GIAC d’ici la fin de l’année au profit d’une cinquantaine d’ETI. Deux banques se sont d’ores et déjà positionnées sur les parts garanties par Oséo et deux assureurs ont également manifesté leur intérêt.

Des investisseurs encore frileux

Pour autant, le modèle des émissions obligataires groupées n’est pas encore rodé. Face à la maigre mobilisation des investisseurs autour du produit, d’autres projets sont mis en attente. « Les émissions obligataires groupées sont une solution efficace pour permettre aux entreprises de taille intermédiaire d'accéder au marché obligataire, mais aucune opération n'est parvenue à sortir depuis 2007, témoigne Nolwenn Simon, porteur du projet d’émission groupée Securibond. Le challenge est de susciter l’appétit des investisseurs, inquiets de la hausse des défaillances et peu enclins à souscrire la partie subordonnée de ces émissions. Il faut aussi trouver comment positionner ce type de financement par rapport au crédit bancaire. » Les covenants associés aux financements syndiqués de ces ETI impliquent parfois une interdiction de contracter d’autres crédits. Quel statut aurait alors les obligations émises de manière groupées ? Enfin, construire un portefeuille suffisamment diversifié pour minimiser le risque ne se révèle pas si simple. Quant au projet Horizon-PME, également cité par le ministère comme une source alternative de financement et fruit de la collaboration entre Natixis et GTI, il semble ne pas avoir non plus trouvé son modèle économique.

À défaut de construire un produit satisfaisant à la fois ETI émettrices et investisseurs, la plateforme Wise, lancée par le cabinet de conseil Milaï, se propose de simplement faciliter leur interaction. « Nous voulons être une boîte à outils pour l’émetteur, lui permettant d’accéder à des services standardisés rendant moins coûteuses les procédures d’émissions auprès d’investisseurs qualifiés », détaille Christophe Arvis, directeur exécutif de la structure. La plateforme est en train de boucler sa première opération : une ETI d’une centaine de millions d’euros de chiffre d’affaires devrait sous peu lever entre 5 et 10 millions d’euros d’obligations. « Le vent souffle en faveur du financement obligataire de ces entreprises de taille intermédiaire, mais il reste encore du travail pour convaincre les investisseurs, conclut Christophe Arvis. Il faut toujours garder à l’esprit que ce qui pour nous est une ETI, est perçu par un investisseur institutionnel comme une "micro-cap". » NYSE Euronext, aussi, s'intéresse à la question : une proposition d'offre dédiée aux PME-ETI devrait ainsi sortir cet automne.

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À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº728