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Rétrospective 2018

FinTechs : à la recherche de la rentabilité

Créé le

17.12.2018

-

Mis à jour le

04.01.2019

Les FinTechs gardent un fort pouvoir d’attraction si l’on en croit les montants qu’elles ont réussi à lever au cours de l’année écoulée : 218 millions d’euros en France selon KPMG au 1er semestre 2018 (v. Encadré 1), alors que l’année 2017 avait totalisé 328 millions. Le BCG souligne de son côté que cet engouement est partagé à l’échelle mondiale, l’Asie étant la région la plus dynamique, face à une Europe qui campe sur ces positions et les États Unis qui sont en retrait.

Pour autant, « qu’il s'agisse des néobanques, des start-up du crowdfunding ou lending, ou de celles actives dans les paiements, leur avenir en France suscite toujours un certain nombre de questionnements », remarque Régis Bouyala, associé du cabinet Pemance.

Les néobanques, qui présentent une offre de services généralistes, ont engrangé un tiers des conquêtes clients en 2017 sur le marché des particuliers selon une étude récente de l’ACPR, qui ajoute cependant : « Les incertitudes restent nombreuses quant à la capacité des nouveaux acteurs bancaires à construire un modèle d’affaires rentables ». Dans un marché hexagonal fortement bancarisé, il est en effet difficile de capter la relation principale avec un client. À cela s’ajoute un positionnement axé sur des tarifs réduits, qui limite le PNB potentiel. Enfin, les néobanques se concurrencent entre elles : « elles comptent un certain nombre d’acteurs étrangers dans leur rang, qui compte tenu d’un marché d’origine avec une clientèle plus mobile qu’en France ont pu constituer une puissance de feu non négligeable avant d’attaquer d’autres marchés comme la France », souligne Régis Bouyala. Seul le Compte Nickel, un des pionniers de la catégorie, semble s’en sortir plus favorablement, mais « contrairement aux autres néobanques, il s’est adressé d’emblée à une clientèle de personnes peu ou mal bancarisées, un modèle intelligent mais difficilement reproductible » estime Régis Bouyala.

Les acteurs du crowdlending ou crowdfunding ne parviennent pas de leur côté à drainer des flux suffisants. En cause, un nombre important de plateformes, qui doivent composer avec du côté des investisseurs, la faible appétence des particuliers français à intervenir en direct sur les marchés, via des prêts ou en fonds propres ; et du côté des entreprises, des PME qui lorsqu'elles présentent un bon risque, restent correctement financées par les banques, ce qui laisse aux nouveaux entrants trop peu d'affaires, ou des dossiers plus voire trop risqués. La récente défaillance d’Unilend est l’illustration de cette difficulté de modèle, entre volumes insuffisants et risque trop élevé. Dans cette catégorie aussi, l'exception confirme la règle avec Younited, qui semble aujourd'hui une des seules plateformes de crowdlending à tirer son épingle du jeu : le créneau spécifique du prêt entre particuliers sur lequel celle-ci s’est positionnée, explique-t-il ce succès ?

Enfin restent les acteurs du paiement. Ceux-ci pourraient connaître une année assez faste portée par la mise en œuvre des API bancaires à l’automne 2019, de l’authentification forte imposée par la DSP 2 d'ici à septembre 2019, et de l’entrée en vigueur récente du paiement instantané : autant d’ouvertures susceptibles de se traduire en offre de produits innovants. Notamment, la clientèle des commerçants, TPE et PME ont aujourd’hui des attentes fortes en termes d’amélioration de leur offre de cash management, par exemple sur des transactions en temps réel. Et les FinTechs sont bien positionnées pour proposer de nouveaux services performants.

 

 

 

Ils ont dit

Au-dessus des banques

"Lydia offre aux particuliers les outils pour effectuer leurs paiements, quel que soit le marchand (Monoprix, Deezer, Cdiscount, etc.). Aucune autre application de paiement en France et à l’étranger n’a un spectre aussi large. Nous nous sommes placés en effet au-dessus des banques, dans un positionnement « méta-bancaire », avec la volonté de donner en permanence une vue instantanée des opérations. Le côté disruptif de notre activité provient de son caractère universel : nous n’avons pas inventé de technologie particulière, même si nous avons la chance de pouvoir utiliser les technologies les plus récentes, à l’inverse des banques, contraintes par des systèmes d’information datant parfois de plusieurs dizaines d’années."

Cyril Chiche, fondateur, Lydia, Banque & Stratégie n° 373, pp. 24-25.

 

Une internationalisation croissante

"Le numérique, comme il l’a fait dans le domaine de la culture, des transports ou des réseaux sociaux, tend à installer des usages génériques plus globaux : les parcours et usages des paiements et transferts, ou le financement participatif sont de plus en plus comparables à Clermont-Ferrand, Nairobi ou Singapour… L’internationalisation des FinTechs est accélérée par le « passeport réglementaire européen » qui permet à toute start-up qui a obtenu un agrément dans un pays de l’Union, d’implanter directement ses activités dans les autres pays."

Alain Clot, président de FranceFinTech, Senior Advisor EY, Banque & Stratégie n° 373, pp. 5-7.

 

De l'assurance auto à l'usage à la prévention

"Nous entendons favoriser les bons comportements. Notre offre repose sur une application qui nous relie aux utilisateurs et nous pouvons donc potentiellement avoir une interaction avec nos clients à tout moment, quand ils prennent leur voiture tard un vendredi soir, ou un jour de tempête… Nous allons être capables de proposer de la prévention. De plus, si vous vous sentez membres d’une communauté, vous avez un comportement plus vertueux. Nous animons une communauté de « wilovers » très active, notamment via les réseaux sociaux."
Pierre Stanislas, CEO, cofondateur, Wilov, Banque & Stratégie n° 368, pp. 18-19.

 

Les néobanques, des non-banques

"En fait, les néobanques sont des « non-banques » virtuelles et d’apparition récente qui viennent concurrencer les banques en offrant des services bancaires. La nouveauté réside dans le recul du monopole des banques, lequel est issu pour l’essentiel de deux directives européennes d’inspiration libérales puisqu’il s’agit d’accroître la concurrence bancaire afin de limiter un marché devenu oligopolistique, en visant comme objectif d’obtenir une baisse du prix des services bancaires au profit des consommateurs. […] À l’inverse, les néobanques, en tant que « non-banques » sont placées en France sous des statuts juridiques alternatifs."

Jean Michel Rocchi, enseignant en Finance au sein du Master 230, Université Paris-Dauphine - PSL Research University, Revue Banque n° 820, pp. 65-68.

 

Un « trou de financement » avant l'accélération

"Passé la phase de création et de R&D, les FinTechs manquent souvent de liquidités pour se développer et se rapprocher du « break-even ». Or ce premier niveau de développement est la condition quasi sine qua non pour intéresser la plupart des acteurs du private equity, qui sont peu nombreux à se positionner sur des investissements inférieurs à un million d’euros, jugés trop peu rentables à l'aune du temps passé, des frais d’opération et du risque d'échec. Ce phénomène d’equity gap, auquel est confrontée toute start-up, est particulièrement marqué dans le secteur de la FinTech où les valorisations sont très élevées au regard de la faible monétisation et de la quasi-absence de rentabilité en phase early stage."
Sophie Zellmeyer, directrice FinTech et Innovation, et Edouard Bouvet, directeur, Exton Consulting, Banque & Stratégie n° 373, pp. 12-14.

 

Quand la réglementation détermine la technologie

"Les technologies utilisées par les RegTechs sont diverses. Elles utilisent majoritairement l’IA (26,9 % des entreprises étudiées), le « machine learning », le « natural language processing » et la « robot process automatisation ». On peut néanmoins souligner que les technologies utilisées par les RegTechs varient en fonction des enjeux de réglementation qu’elles adressent. Ainsi, l’IA constitue la technologie la plus utilisée par les RegTechs qui s'attaquent aux défis liés à la gestion et au contrôle de l'identité avec 34,6 % de solutions basées sur cette technologie ; en revanche, le cloud constitue la technologie la plus utilisée par les RegTechs qui s’attaquent aux défis de reporting réglementaires (35,5 % de solutions dans ce domaine)."

François Berteloot, Manager Financial Services, Sia Partners, Thomas Rocafull, Partner Banking, Sia Partners, Adrien Choquet, Associate Director, AEC Fintech, Banque & Stratégie n° 373, pp. 8-10.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº827