2013 restera comme une année charnière pour le crowdfunding, et la question de la réglementation s’est posée en grande pompe. Apparu dans le sillage de la crise de 2008 comme un moyen de mettre en relation directe épargnants et porteurs de projets via Internet, le financement participatif « par la foule » est en forte croissance. Il répond à la fois à des demandes de financement non couverts par les banques (de petits montants, en amorçage notamment), et au besoin des épargnants de transparence, de traçabilité, voire de choisir leurs investissements.
En France, ce marché a franchi un seuil : s'il représentait 25 millions d’euros en 2012, 33 millions d’euros ont été levés au seul premier semestre 2013. Selon l’association Financement participatif France, le secteur pèsera 70 à 80 millions d’euros fin 2013, et 6 milliards d’euros en 2020. Une goutte d’eau comparée aux 3 600 milliards d’euros d’épargne financière des ménages, mais une goutte qui fait de plus en plus de bruit et agite beaucoup de monde. S’il reste modeste en valeur absolue, le crowdfunding se développe suffisamment pour intéresser régulateurs, pouvoirs publics et acteurs traditionnels du
Un vide juridique entourait jusqu’à présent cette finance innovante et protéiforme, or « les plates-formes évoluent à ce jour dans un environnement réglementaire peu propice à leur développement », selon Hubert de Vauplane. Le 29 avril 2013, aux Assises de l’entreprenariat, François Hollande en personne s’est prononcé en faveur d’un cadre juridique. Donner à la fois des limites et plus de souplesse au secteur et sécurité et protection aux investisseurs favoriserait son essor. L’AMF et l’ACP (devenue ACPR) ont publié conjointement, le 14 mai 2013, deux guides pour rappeler la réglementation applicable aux usagers et aux porteurs de projets.
Dans le sillage des 1res Assises de la finance participative qui se sont tenues à Bercy le 30 septembre dernier, Fleur Pellerin, ministre des PME et de l’innovation, a lancé une consultation publique (close le 15 novembre 2013) en vue de la cocréation d’un projet d’ordonnance qui fournira un cadre juridique au crowdfunding quand il sera adopté début
La Commission européenne s’est également emparée du sujet et a lancé le 3 octobre une consultation. Elle pourrait proposer un cadre européen pour la finance participative avant la fin de la législature actuelle.
ILS L'ONT DIT
Un financement direct par la foule
« En quoi consiste précisément le crowdfunding, également appelé “financement participatif” ? Pour Nicolas Guillaume, fondateur de Friendsclear, c’est “le financement en direct de projets identifiés par un grand nombre d’internautes”. Si la France a découvert le phénomène avec le lancement de l'artiste Grégoire par MyMajorCompany en 2007, la musique n’est pas le seul secteur concerné. D’un voyage au Cambodge de quatre mois au financement d’un film hollywoodien en seulement 11 heures sur Kickstarter (pour l’adaptation de la série Veronica Mars), en passant par la création de pots de fleurs à arrosage automatique ou l’achat d’une vache laitière par une famille indienne, tout ou presque peut être financé par ce biais. […] Si le fonctionnement varie grandement d’une plate-forme de crowdfunding à l’autre, en général, l’internaute soumet son projet et la plate-forme procède à une présélection. »
Stéphanie Chaptal, journaliste, Revue Banque n° 760, mai 2013, p. 46.
Des obstacles juridiques à lever
« Pour schématiser, deux difficultés principales sont identifiables : la question du monopole des activités bancaires et celle de l’offre d’épargne au public. Dans les deux cas, les réglementations existantes, destinées à protéger l’emprunteur ou l’investisseur, brident les initiatives ou obligent les acteurs de la finance participative à recourir à des structurations peu adaptées. […]
S’agissant des aspects “investissement”, le crowdfunding se heurte au problème juridique des restrictions réglementaires de l’“offre au public”. […] S’agissant des aspects “financement”, il s’agit de déterminer si des opérations de crédit peuvent être réalisées en dehors de la supervision de la Banque de France et de l’un des statuts propres aux établissements financiers, et en particulier si des personnes physiques peuvent prêter sur Internet. »
Hubert de Vauplane, Associé, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, Revue Banque n° 758, mars 2013, pp. 83-84.
Le projet d’ordonnance
« C’est essentiellement le crowdfunding “service d’investissement” (le financement par souscription en titres financiers ou equity crowdfunding) qui a fait l’actualité par suite des annonces de la ministre Fleur Pellerin. Le crowdfunding “opération de banque” (par prêts rémunérés) n’a quant à lui guère retenu l’attention, sinon pour l’ACPR et l’AMF de proposer un assouplissement du monopole bancaire, qui autoriserait les particuliers à consentir un prêt à titre onéreux à d’autres personnes physiques ou à des entreprises ou associations, à condition que la collecte concerne au minimum une vingtaine de prêteurs et que les prêts consentis par chacun d’eux soient plafonnés à environ 250 euros par projet, pour un plafond global du crédit octroyé de 300 000 euros. Mais sous quel statut opéreraient les plates-formes de prêts ? On ne le sait pas… Reste enfin le crowdfunding “service de paiement” (par prêts non rémunérés ou par dons valant réception de fonds en faveur d’un tiers), qui pourrait être offert par des établissements de paiement. »
Pierre Storrer, avocat au Barreau de Paris, Revue Banque n° 765, novembre 2013, p. 88.
Un nouvel outil d’investissement en fonds propres ?
« Né outre-Atlantique, le phénomène du crowdfunding […] pourrait très vite se révéler comme une alternative crédible pour le financement en fonds propres de nos start-up et PME (crowdinvesting) et nous amener à repenser les schémas traditionnels d’allocation de capitaux. […]
Comment, dans ce contexte, ne pas considérer le modèle économique du crowdinvesting comme un axe vertueux de rencontre et une alternative attractive pour répondre aux besoins de financement et de développement de nos start-up, TPE et PME ? C’est en tout cas le pari que font ces nouvelles plates-formes de crowdinvesting (avec notamment SmartAngels, Finance Utile, ou Anaxago). […]
Pour le moment, elles restent exclusivement orientées vers le marché des start-up innovantes à fort potentiel de croissance et ne s’inscrivent qu’en complément du business angel et du venture capital. »
Édouard Waels, avocat, Bignon Lebray, Revue Banque n° 757, février 2013, pp. 70-71.
Le crowdfunding se structure partout dans le monde
« En août 2012, les États-Unis étaient les précurseurs en matière de réglementation du crowdfunding avec la publication du
Laetitia de Pellegars, avocat Of Counsel, Franklin, Revue Banque n° 763, septembre 2013, pp. 68-69.