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Stratégies

Faut-il avoir peur de La Banque Postale ?

Créé le

19.04.2011

-

Mis à jour le

13.03.2012

Après le crédit à la consommation et l'assurance santé, La Banque Postale va désormais distribuer des produits d'assurance dommages dans ses agences et compte bien étoffer davantage sa gamme avant la fin de l'année.

Avec 17 000 guichets et plus de 10 ​millions de clients, La Banque ​Postale (LBP) dispose d’une force de frappe commerciale sans équivalent, et les premiers résultats de son offre de crédits à la consommation l’ont démontré de manière éclatante. Fin décembre ​2010, après seulement 9 ​mois d’activité, elle « pesait » 3 % du marché, très en avance par rapport à l’objectif annoncé de 5 % de parts de marché à 10 ans.

Aussi, le lancement de produits d’assurance dommages pour les particuliers au mois de décembre 2010 a-t-il provoqué quelques remous. Forte de ce premier succès, LBP souhaite conquérir 5 % de parts de marché à 10 ans. "C’est énorme", commente Antoine Fournier, directeur chez Exton Consulting. "C’est l’équivalent de la part de marché actuelle de chacun des deux leaders du secteur que sont Prédica et le Crédit Mutuel Assurances".

LBP s’est-elle donné les moyens de cette ambition ? A priori, oui, répondent les experts. Fidèle à sa stratégie de partenariats, elle s’est associée à Groupama dans le cadre de La Banque Postale Assurances IARD, une joint-venture 65/35. Préalablement à son déploiement dans le réseau physique de LBP, à la fin du mois de mai 2011, l’offre a été vendue à distance, via une plate-forme dotée de 200 conseillers spécialisés, dupliquée sur le modèle d’Amaguiz.com, la filiale low cost de Groupama.

De quoi faire grincer les dents des assureurs ?

Du côté des assureurs, ​certains affichent une belle sérénité. Michel Picon, président de Réussir, le syndicat des agents généraux d’Axa Assurances, considère que les agents généraux mandataires des compagnies d’assurances ont su préserver leur part de marché depuis 1996 (soit 35 %). Il admet cependant qu’avec une stratégie annoncée de prix bas, La Banque Postale peut ​causer du tort à l'ensemble du marché, en provoquant une baisse de tarifs.

Le talon d’Achille de LBP pourrait bien être son appétence commerciale (voir encadré). En effet, la diversification du groupe s'est faite à un rythme très soutenu, là où ses concurrents ont disposé de plusieurs années pour étoffer leur gamme. "La Banque postale a la capacité de prendre des parts de marché significatives, en particulier en assurances IARD", analyse Cyrille Chartier-Kastler, de Facts&Figures. "Cette conquête va se faire très progressivement, en raison de la saturation du réseau des conseillers financiers qui doivent commercialiser des offres multiples. LBP s’est appuyée sur des moyens de vente à distance pour lancer son offre d’assurance IARD. Mais dans la pratique, on vend peu d’assurance IARD par ce canal."

Outre le problème d’engorgement physique du réseau, la question de la formation des conseillers est posée par les professionnels : « Un commercial est professionnel au bout de 5 ans malgré une formation lourde. Un modèle de distribution par guichets, même pour des produits simples, n’est pas sans risques. Je m’interroge donc clairement sur la qualité de la distribution », déclare Joël Mottier, président de la fédération CFE-CGC de l’Assurance.

Une stratégie fondée sur le multicanal

Pour limiter les risques de « malvente », LBP, qui vise également le marché de l'assurance des professionnels pour la fin 2011, a mis en place un modèle destiné à lever la barrière de l’appropriation des produits par ses 10 000 conseillers [1] . C'est une stratégie qu'Antoine Fournier trouve assez logique : « Selon les estimations, un conseiller clientèle de bancassurance doit déjà connaître environ 200 produits. S’il lui fallait maîtriser la gamme d’assurances professionnelles, avec la technicité que cela exige, on frôle la saturation et l’on doit s’appuyer sur d’autres profils et l’exploitation des canaux à distance. »

Elle mettrait également en avant le déploiement d’un poste client performant, sorte de « béquille » pour le conseiller financier. Enfin, l’offre serait simple : cinq formules d’assurance dommages, et une procédure simplifiée de gestion des sinistres privilégiant le gré à gré. Les conseillers feraient la promotion de l’offre en point de vente, charge ensuite aux téléconseillers d’opérer la transformation.

1 NDLR : LBP n'a pas souhaité participer à ce dossier. L'organisation telle que décrite dans cet article est le fruit de plusieurs entretiens, menés avec des spécialistes du secteur.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº736
Notes :
1 NDLR : LBP n'a pas souhaité participer à ce dossier. L'organisation telle que décrite dans cet article est le fruit de plusieurs entretiens, menés avec des spécialistes du secteur.
RB