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Réorganisation du réseau

Demain, une agence bancaire 2.0 ?

Créé le

21.07.2010

-

Mis à jour le

01.08.2011

À la différence de ce que l’on pouvait penser au début des années 2000, l’agence bancaire n’est pas en voie d’extinction. Ce qui ne dispense pas de la repenser. Porte-drapeau de la marque, elle doit aussi mieux ressembler aux clients qui la fréquentent et élargir son offre.

Depuis les années 1980, les réseaux ont eu la volonté d’exploiter les progrès techniques et informatiques pour augmenter leur productivité. Plus d’automatisation et de flux électroniques, plus d’activités déportées vers des middle offices mutualisés et distants et donc moins d’effectifs dans les points de ventes. Les agences ont ainsi été libérées de la contrainte de la logistique et des opérations et ont été réorganisées – généralisation des murs d’argents à l’extérieur ou à l’entrée, réduction de l’espace guichet, augmentation de l’espace des bureaux commerciaux…

Des agences en décalage par rapport au client

Du point de vue du banquier, le dispositif optimal. Du point de vue du client, le sentiment d’être poussé vers la porte : on le renvoie vers les DAB pour ses retraits et relevés d’opérations, vers les bornes pour le dépôt de ses chèques, vers une plateforme distante pour ses appels… Lorsqu’il parvient, finalement, à pénétrer dans l’agence, le traitement qu’on lui accorde dépend du segment auquel la banque l’a affecté. Il pourra ainsi avoir accès à un conseiller débutant ou expérimenté, être connu ou anonyme au sein d’un portefeuille de plus d’un millier de clients, voire ne pas avoir de conseiller attitré. En fin de compte, les agences n’offrent un traitement individualisé et de qualité qu’à un nombre très restreint de clients dont, paradoxalement, rien ne garantit qu’ils aient envie de se déplacer pour aller voir leur conseiller.

Ils désirent de l’autonomie (un Français sur deux utilise le site Web de sa banque selon l’Ifop), mais en même temps une relation personnalisée. Ils prônent les liens sociaux, mais le nombre d’incivilités augmente en agence (l’AFB constate, avec 2 253 incivilités en 2008, une hausse de 24 % en un an). Bien sûr, cela ne doit pas totalement nous surprendre : le paradoxe fait pleinement partie de la culture française (centralisation et régionalismes, élans progressistes et respect des traditions…). Mais cette tendance s’accroît avec la diversification de la société et sa nucléarisation autour de nouveaux îlots de vie : par classes d’âge (notamment avec le vieillissement de la société), par groupes ethniques ou, plus globalement, autour des nouvelles communautés affinitaires, que ce soit hors ligne (dîners en blanc [1] [1] …) ou en ligne (Facebook, MySpace…).

Des concept stores pour promouvoir la marque…

Pour répondre à ces tendances de société, les banques françaises ont fait preuve de créativité en matièrec de conception de produits, mais d’un certain manque d’imagination en matière de réseaux physiques. Leur première réponse a ainsi été d’élargir leurs gammes de produits, pour satisfaire des segments plus nombreux et plus variés. Répondre au besoin de reconnaissance par des offres « haut de gamme » ou des séries limitées ; répondre à une volonté de liberté par des formules à la carte, aux inquiétudes sur l’environnement par des produits éthiques, investis dans des entreprises « éco-responsables »…

Les réseaux de distribution ont aussi évolué, mais les « nouveaux concepts » mis en place par les banques de la place ont tous puisé leur inspiration dans la même veine : si les réseaux se sont modernisés, ils ne se sont pas pour autant différenciés. Ce constat est d’autant plus criant lorsqu’on se tourne vers d’autres secteurs d’activité. Les concept stores d’Apple, Nike ou Adidas – véritables lieux de culte des marques – sont ainsi le parfait exemple d’une réponse au besoin de reconnaissance des clients ainsi qu’à leur attente de relations « mises en scène ». S’inspirant de l’ambiance des cafés Starbucks, les magasins « Chez Jean » de Casino ou les « Monop’ Market » – réinventions de l’épicerie traditionnelle de quartier – illustrent quant à eux une réponse à la volonté de reconstitution des liens sociaux.

À l’étranger, certaines banques font écho à ces évolutions. Présentant une surface vaste dans un lieu de prestige, avec un goût prononcé pour la technologie (écrans tactiles, bornes interactives…), l’agence flagship de Barclays à Piccadilly s’affirme comme la parfaite illustration d’un megastore. Grâce à leur espace chaleureux et leur ambiance décontractée, les agences de Jyske Bank au Danemark apparaissent comme la déclinaison bancaire de « l’esprit Starbucks » (voir l’encadré). Si dans toute l’Europe les lignes bougent (agence Q110 de Deutsche Bank, AgenziaTu d’Unicredit, réseau Rabobank ou BBVA), la France en est, elle, à ses premières tentatives. Le Crédit Foncier prévoit d’ouvrir un megastore à Paris en 2010, pour présenter sur plusieurs étages l’ensemble de son offre et celle de partenaires autour du thème de l’immobilier. Les Caisses régionales du Crédit Agricole Val de France et Provence Côte d’Azur ont de leur côté ouvert en 2009 des agences expérimentales mêlant écologie (bâtiment HQE), design moderne, technologie (visioconférence…) et services atypiques (bar, espace enfants…).

… et des agences adaptées à leur environnement

Au-delà, l’agence doit renforcer ses liens avec sa zone de chalandise. BNP Paribas s’est révélée précurseur en la matière, en inscrivant les collaborateurs de ses 200 agences parisiennes sur peuplade.fr, un site de réseaux sociaux à l’échelle des quartiers. Mais il faut maintenant aller au-delà et il semble illusoire de penser qu’un format d’agence unique permettra de s’intégrer dans le 16e arrondissement parisien comme dans le 20e, sur la Côte d’Azur comme en Auvergne, en centre-ville comme en périphérie (voir graphique). De même que pour les produits, la « customisation » et la diversification seront la réponse, comme le montrent des tentatives encore timides en France. Des agences sont ainsi dédiées à des segments de clientèle spécifiques (étudiants pour LCL, clientèle portugaise pour le Crédit Mutuel ou panafricaine pour la Société Générale), ou présentent des modalités d’accès simplifiées (drive-in de BNP Paribas). D’autres encore se déplacent elles-mêmes, comme le propose le Crédit Agricole Centre France avec son « bureau conseil » itinérant, qui lui permet de conserver un lien avec sa clientèle rurale. Il semble que l’on puisse aller encore plus loin, si l’on observe ce qui se fait dans d’autres secteurs d’activité. Mc Donald’s, par exemple, a réussi à recréer une proximité avec ses clients en permettant à ses franchises de choisir leur décoration parmi un panel de neuf designs différents.

Une agence bancaire qui ne fait pas que de la banque

En conjuguant l’innovation en matière de services et celle de la distribution, il semble donc possible de donner envie au client de revenir dans l’agence. Ces nouveaux formats d’agence sont en effet l’opportunité pour les banques de mettre en valeur de nouveaux produits et services, que ce soit pour apporter du confort (café, presse, espaces enfants…) ou pour étendre l’offre. En France, la téléphonie mobile (CIC), les services à la personne (Caisse d’Épargne, LCL) et les utilities (LCL en partenariat avec GDF) sont aujourd’hui distribués en agence. À l’étranger, BBVA a été plus loin en proposant, via BBVA Servicios, une gamme de produits de consommation allant de l’équipement aux vins et spiritueux, en passant par la santé, les voyages, l’électroménager et la bureautique. En Espagne également, la Canja Navarra propose à la fois des espaces citoyens (le client sait ce que la banque fait de son argent et décide des projets qu’il souhaite financer), des espaces loisirs (journaux, livres, café, accès internet, espaces enfants) et des espaces sociaux (événements, expositions, activités culturelles et ludiques).

Rendre le conseil plus accessible

De premières expériences démontrent qu’il est également possible de dépoussiérer les activités bancaires elles-mêmes. Chez Jyske Bank, le client trouve les produits dans des rayons comme dans un supermarché, matérialisés par des boîtes qu’il peut passer sous un lecteur de code-barres pour accéder à un premier niveau de conseil sur écran. Barclays, dans son agence flagship de Piccadilly, a été la première à utiliser les tables tactiles pour faciliter l’échange entre le conseiller et son client. En France, banquiers et assurbanquiers semblent vouloir exploiter les vertus pédagogiques de ces technologies et leur capacité à désacraliser l’entretien patrimonial. Premier à avoir lancé une expérimentation en octobre 2009, Groupama Banque a d’ores et déjà constaté que les tables tactiles facilitent le recueil d’informations personnelles du client, à la fois grâce à leur caractère ergonomique et ludique, et à la relation différente qu’elles permettent entre conseiller et client : côte à côte plutôt que face à face. Elles rendent ainsi le conseil plus efficace… et la démarche de vente plus naturelle.

La redécouverte de la valeur du lien social, qu’il soit virtuel ou physique, est une tendance lourde de la société. Les banques françaises ne l’ignorent pas, mais elles peinent à la traduire dans leur modèle de distribution. Il s’agit pourtant d’un axe de différenciation clé, qui constituera pour les acteurs qui sauront l’exploiter, un véritable avantage compétitif.

1 Dîners-pique-nique informels dont le lieu est tenu secret jusqu’au dernier moment, les invitations se faisant par bouche à oreille.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº722
Notes :
1 Dîners-pique-nique informels dont le lieu est tenu secret jusqu’au dernier moment, les invitations se faisant par bouche à oreille.