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Clientèle fragile : un premier cap franchi par les banques

Créé le

05.12.2019

Une première étape dans l’amélioration du traitement des clientèles fragiles a été franchie cette année par les banques, qui s’étaient engagées, début 2019, à plafonner pour ces clients la facturation des frais sur incidents. Il leur reste pourtant encore du chemin à parcourir pour améliorer le traitement de ces clientèles… sans pour autant dégrader leur propre équilibre économique.

Reçues par la présidence de la République fin 2018 pour répondre à la crise sociale, les banques s’étaient alors engagées à plafonner, pour l’ensemble des clientèles fragiles, les frais d’incidents à 25 euros par mois. Cette mesure concerne 3,4 millions de clients fragiles dénombrés à fin 2018, principalement sur les critères du surendettement, de l’inscription au fichier central des chèques, de la récurrence des incidents de paiement, ou de leur faible niveau de ressources, selon le rapport annuel de l’Observatoire de l'inclusion bancaire.

Un an après sa mise en place, nous observons que le plafonnement est globalement respecté auprès des clients identifiés comme fragiles. Néanmoins, dans certains cas, celui-ci est géré par rétrocession des frais surfacturés aux clients. Ce mode de gestion n’est pas optimal, tant du point de vue des clients qui se trouvent dans des situations financières tendues, que de celui de la banque, qui alourdit ses processus de gestion, augmente ainsi les sources d’erreurs potentielles et détériore son image auprès de ses clients. L’application de ce plafond entraîne une diminution annuelle du PNB de frais d’incident estimée à 10 %. La commission d’intervention est le frais le plus impacté, suivi des frais de rejet.

Le contrat est donc bien rempli. Installer un mécanisme aussi complexe en seulement deux mois est une prouesse pour des établissements parfois qualifiés comme manquant d'agilité.

L’essai doit être transformé

L’Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) s’élève contre le manque d’harmonisation entre les banques des critères de détection de la clientèle fragile, privant ainsi certains ménages du plafonnement mensuel. En effet, une certaine souplesse est accordée aux établissements français en ce qui concerne la détection de cette clientèle. C’est le cas du critère du « montant des ressources portées au crédit du compte », laissé à la libre appréciation de chacune. Cette souplesse a pour but de permettre de compenser les différences territoriales de niveau de revenu des ménages. Pour autant, les banques ne disposent pas toujours des revenus de leurs clients et ne peuvent évaluer que les flux domiciliés. Il arrive ainsi que des clients parfois très aisés soient qualifiés de « fragiles », si ceux-ci, par exemple, ne domicilient qu’une partie de leurs flux.

Outre les engagements afférents aux frais d’incident, les banques s’étaient également engagées à mieux diffuser auprès de ces populations leur offre de banque au quotidien dite « spécifique ». Celle-ci doit être proposée à toute personne en situation de fragilité financière. Aujourd’hui, leur offre est peu diffusée auprès des clients concernés. Mais elle est souvent mal acceptée par les clients eux-mêmes, en l’absence de découvert autorisé et compte tenu de certaines limitations pour effectuer des achats sur internet avec la carte à autorisation systématique. A fortiori, l’utilisation du terme de clientèle « fragile » – à forte connotation négative – pour désigner l’offre renforce cette mauvaise perception. Mieux marketée, l’offre « nickel », FinTech aujourd’hui rachetée par BNP Paribas, rencontre a contrario un vif succès bien que contraignante et plus coûteuse.

Une nouvelle équation à résoudre

Les banques doivent aller encore plus loin pour corriger les excès liés aux commissions de dysfonctionnement. C’est la conviction qu’exprime Philippe Chassaing, député LREM de Dordogne, qui travaille aujourd’hui sur les problématiques d’inclusion bancaire au sein de la Commission des finances. Conscient du manque à gagner que provoquerait pour les banques une diminution encore plus importante de la facturation des commissions de dysfonctionnement, il souhaite que celles-ci se concertent et s’entendent pour les réduire encore et puissent trouver par elles-mêmes des solutions de compensation. La tarification du service bancaire de base étant plus élevée dans certains pays d’Europe, il s’interroge sur l’opportunité pour les établissements de facturer d’autres services, dans cette optique de rééquilibrage.

Les banques ont su faire preuve de réactivité. Elles doivent aujourd’hui plus que jamais faire preuve de pragmatisme et de créativité, pour imaginer un modèle qui soit à la fois plus équitable pour les clients les plus démunis et viable pour elles-mêmes, dans la durée, sur le plan économique.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº839