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Relation client

L’avenir de l’agence bancaire et du conseiller

Créé le

12.03.2021

L’agence tient toujours une place importante dans la génération de PNB et la conquête de clients pour les banques. Mais les attentes et usages des clients changent et les approches relationnelles se transforment, avec un recours accru au digital. Alors que les banques repensent le modèle de leurs réseaux d’agences, la perception du rôle du conseiller, second pilier de la proximité physique, doit évoluer.

Quand on pose la question de l’avenir de l’agence bancaire, on parle avant tout de l’avenir protéiforme de la proximité. En 2017, on comptait 55,5 agences pour 100 000 habitants (source : FBF), pour une moyenne de 42,5 dans la zone euro. En 2019, ce sont 35 837 agences bancaires qui maillent le territoire national et on passe donc à 53,5 agences pour 100 000 habitants.

L’agence occupe encore une place centrale

L’Agence avec un grand A est encore aujourd’hui le premier canal qu’utilisent les Français pour réaliser leurs opérations complexes. Ces opérations représentent la plus importante source de Produit net bancaire (PNB) pour les banques. En 2015, 48 % des Français ayant réalisé une ou plusieurs opérations complexes déclaraient l’avoir fait en agence, contre 14 % sur le site et 4 % sur l’application. En 2019, c’était 45 % en agence, 17 % sur le site web et 10 % sur l’app [1] .

Et pourtant, en 4 ans, les banques ont accru le nombre de produits pouvant être souscrits totalement en ligne. Ceci s’explique par le fait que le lieu physique dans lequel est ancrée la relation entre le client et sa banque reste un pilier de la confiance et conserve une place pleine et entière pour les Français dans leur définition de la proximité.

En 2017, l’agence représentait également le premier canal de conquête. Quand se posait le choix d’une banque principale, 29 % des Français la choisissaient car il y avait une agence en bas de chez eux (vs. 39 % en 2012). Le fait qu’il s’agisse de la banque de son conjoint ou de ses parents était le principal critère de choix de 22 % des Français. 16 % d’entre eux suivaient de leur côté la recommandation d’un proche dans le choix de leur banque principale.

La baisse de fréquentation des agences : une réalité tangible

En 2016, un client avait en moyenne 178 interactions mensuelles avec l’écosystème physique ou digital de sa banque principale dont plus de 85 % sur les canaux digitaux. En 2020, ce même client a 198 interactions mensuelles avec sa banque (+11 % en 4 ans), dont près de 88 % sur les canaux digitaux.

Entre 2016 et 2020, le conseil à distance a également augmenté de 29 % quand le conseil en agence a baissé de 6 %, et le transactionnel y a plongé de 28 %.

Les éléments conjoncturels de baisse de fréquentation, de digitalisation de la relation, de baisse de la rentabilité des distributeurs automatiques obligent les banques à repenser l’équation de leur modèle distributif de réseau d’agences.

Certaines banques ferment des agences, d’autres en ouvrent, mais in fine, ce n’est pas le fond du sujet.

Des approches relationnelles et des usages des clients en mutation

En 2012, les éléments qui impactaient le plus l'Indice de recommandation client (IRC) étaient :

1. avoir des produits adaptés au mieux de ses intérêts ;

2. la performance des produits ;

3. des frais et taux d’intérêt compétitifs.

En 2020, les éléments qui désormais impactent le plus l’IRC sont :

1. la facilité à obtenir des réponses du premier coup (13e place en 2012) ;

2. l’accompagnement durant la crise du coronavirus ;

3. des produits et tarifs faciles à comprendre.

En 2020, la performance des produits se classe 4e et on voit apparaître des challengers comme la facilité à effectuer une réclamation (7e) ou encore la facilité à obtenir des conseils bancaires (9e).

En 9 ans, l’attention client a été transférée de l’attractivité prix et produits à l’expérience client.

Les besoins exprimés par les clients concernant leur agence

En 2019, à l’occasion de son étude relation banque client annuelle, Deloitte a demandé aux Français à quoi ressemblerait l’agence idéale :

– pour 20 % d’entre eux, l’agence doit avant tout être « facilitatrice ». Elle doit permettre de réaliser l'essentiel des opérations bancaires facilement (retirer et déposer de l'argent, ouvrir ou clôturer un compte…) ;

– pour 19 % des Français, elle doit avant tout être « chaleureuse ». Elle doit offrir une expérience agréable en mettant l'accent sur l'accueil : des conseillers toujours à disposition, des agents d'accueil pour répondre aux questions des clients ;

– pour 18 % des Français, elle doit avant tout être « experte ». Elle doit permettre de bénéficier de conseillers experts dans différentes thématiques ;

– pour 15 % d’entre eux, elle doit avant tout être « référente ». Elle doit proposer un accompagnement tout au long des projets de vie des clients à travers des rendez-vous pour les assister ;

– pour 15 % des répondants, elle doit avant tout être « digitale » en proposant des outils digitaux (borne interactive, accès à internet, mise à disposition de tablettes, etc.) ;

– pour 13 % des Français, elle doit avant tout être « multiple ». Elle doit offrir la possibilité de réaliser différentes opérations de la vie courante en bénéficiant de produits et services extra-bancaires (à disposition ou en souscription).

La diversité des réactions des banques

La question du format des agences se pose à chaque banque. Le fait de rénover ses agences n’est pas un phénomène nouveau et a un impact limité sur l’indice de recommandation client (pas d’impact pour 70 % des clients, impact négatif pour 20 % d’entre eux).

Cependant, les grands programmes de refonte du réseau d’agence sont plus rares et riches d’enseignements.

On a pu voir des banques régionales comme des grandes banques de réseaux refondre totalement leur réseau d’agences à travers la mise en place de formats d’agences dédiés à certains segments de clientèle ouà certains usages clients. Quand une Caisse d’Épargne décide de lancer un format paquebot urbain dédié au transactionnel avec des satellites dédiés au conseil et des agences mixtes rurales en prenant la segmentation client comme clé d’entrée, BNP Paribas choisit les usages de ses clients et propose des agences dédiées à leurs projets, des agences classiques avec une majeure conseil et des agences « express » avec une majeure transactionnelle.

On voit de nouveaux concepts en phase de test. Toujours côté Caisse d’Épargne, le conseiller bancaire « indépendant » sur le modèle d’un mandataire exclusif est en test du côté de la Bretagne. Des banques régionales se posent la question de délocaliser dans les agences certains services jusqu’alors centralisés. On parle du centre de relation client par téléphone. On parle également de middle offices dédiés à des moments de vie comme l’achat d’un bien immobilier, le décès ou même le divorce.

La place de l’agence a déjà durablement changé

L’agence ne peut pas répondre seule à l’accélération de la transformation des usages des clients. Sa place dans la gestion au quotidien (consultation des comptes, opérations simples…) a été remise en cause sur le segment des particuliers. Les banques de réseaux ont elles-mêmes largement développé le self-care. Les années 2010 à 2020 ont été l’occasion pour elles de se doter d’outils digitaux (app, site web) à la hauteur des attentes des Français. Depuis 2015, ceux-ci sont satisfaits à plus de 90 % des canaux de contacts mis à leur disposition. En 2020, l’écart entre les banques en ligne et les banques de réseaux sur la mesure de l’effort à déployer sur les canaux digitaux pour consulter ses comptes ou réaliser une opération simple, n’a jamais été aussi faible. Le Customer Effort Score [2] moyen des banques en ligne est de 9,2/10 ; celui des banques de réseaux est de 8,9/10 ; certaines banques de réseaux comme LCL ou le Crédit Mutuel dépassent le 9/10 et se placent au niveau moyen des banques en ligne.

La volonté des banques était bien de recentrer l’agence et ceux qui la peuplent vers la relation client et commerciale à plus forte valeur ajoutée. Mais cette transformation n’a pas été suivie d’un changement aussi rapide du métier de conseiller bancaire.

Le conseiller bancaire au cœur de la transformation actuelle

Le conseiller bancaire est le deuxième symbole de la proximité physique. Même si, en France, on parle désormais plus de « sa banque » que de « son banquier », le conseiller est le plus souvent désigné comme le pivot de la relation.

En 2020, 72 % des Français veulent avoir un seul interlocuteur généraliste qui connaît bien leur historique personnel mais qui devra l’orienter vers un spécialiste qui répondra précisément au besoin. Les 28 autres % préfèrent avoir accès directement à des spécialistes qui peuvent répondre précisément du premier coup au besoin mais qui ne connaissent pas l’historique personnel du client.

En 2015, 57 % des Français plébiscitaient plutôt le côté technique que le côté relationnel (25 %) et 18 % considéraient les deux comme aussi importants.

En 2020, avec l’avènement du digital, on observe un retour à l’humain et à son côté relationnel. Ainsi, 23 % des clients souhaitent que leur conseiller prenne le temps de mieux les connaître, 21 % des Français souhaitent que leur conseiller soit plus à l’écoute de leurs besoins et 15 % que leur conseiller soit plus engagé à leur côté dans la durée et dans la réalisation de leurs projets. Ce ne sont plus que 18 % des Français qui souhaitent que le conseiller soit plus compétent.

La perception du rôle de conseiller doit changer

Quand la banque devient une commodité, celui qui l’incarne humainement se « commoditise » également. Sous réserve d’une tenue de compte et d’une carte gratuite, les Français seraient prêts à payer en moyenne 24 euros un rendez-vous physique avec un conseiller clientèle. Il faut avoir en tête qu’en moyenne, une heure passée avec un conseiller, représente un coût chargé variant entre 85 et 115 euros pour la banque. On est donc loin du compte et c’est symptomatique de la vision qu’on les clients de la valeur délivrée par leur conseiller. Il n’est pas choquant, lorsqu’on fait appel à un métier catégorisé comme tiers de confiance, de pratiquer des tarifs plus élevés. C’est le cas des avocats, des notaires ou encore des experts-comptables.

Du côté de BNP Paribas, on propose actuellement une formule à 12 euros par mois dans certaines agences, permettant au client, en plus de ses frais de banque au quotidien, de bénéficier d’un conseiller dédié capable de l’accompagner dans tous ses projets. Les autres clients ont toujours accès au conseil mais à travers un conseiller non dédié.

La question de l’apport de valeur est centrale et aujourd’hui, les clients considèrent que le conseiller ne la délivre pas. Néanmoins ils seraient d’accord pour que leur conseiller devienne un conseiller « augmenté ». Quand on demande aux Français s’ils souhaitent que leur conseiller utilise des solutions techniques et technologiques (Robot advisor, IA…) pour augmenter la qualité et la pertinence du conseil, ils étaient 47 % à répondre favorablement en 2017, et 69 % en 2020.

Ils ne souhaitent pas que l’humain soit remplacé par la machine, mais que l’humain et la machine forment un duo.

Ce n’est qu’alors que l’association entre le relationnel et l’expertise pourra faire prendre conscience au client de la réelle valeur du conseil apporté.

Agence et conseiller : un couple en proximité pour ouvrir la voie du beyond banking

En conclusion, dans les prochaines années, la proximité va prendre de nouvelles formes. Les Français restent encore fortement attachés au couple agence-conseiller, notamment lors des moments clés de leur vie.

Ces moments de vie sont des moments de vérité pour les clients dans leur relation avec leur banque. Ils ont un impact réel sur l’indice de recommandation. Ainsi, l’IRC d’un client très satisfait de l’accompagnement de sa banque lors d’un achat immobilier atteint en moyenne un score de +42 alors qu’un client « juste » satisfait aura un IRC de -10.

Il ne s’agit pas d’être simplement bon sur les moments de vie, il faut être à l’état de l’art face aux attentes des clients. Dans ces moments qui comptent, le conseil et la rassurance apportés par le conseiller dans son agence ouvrent la porte au « beyond banking », caractérisé par le fait d’ouvrir les activités de la banque à l’extra-bancaire.

En tant que tiers de confiance, la banque possède des terrains de légitimité encore non explorés. 77 % des Français seraient intéressés par le fait que leur banque propose des moyens de sécurisation des achats sur Internet. 52 % pourraient demander à leur banque de leur recommander un avocat. 47 % un notaire. 48 % pourraient demander à leur banque de faire expertiser leur logement et 45 % de le sécuriser.

Avant d’entrer dans l’ère de la « Bank as a Platform », c’est bien dans la refonte du duo agence-conseiller que les banques pourront se placer au plus près des problématiques de leurs clients.

  1. 1 Tous les chiffres sont issus des études Deloitte relation banque/client réalisées depuis une dizaine d’années.
  2. 2 CES, qui représente la réponse à la question : « sur une échelle de 0 à 10, à combien évaluez-vous la facilité avec laquelle vous accédez aus services bancaires sur les canaux digitaux ? ».

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº855
Notes :
1 Tous les chiffres sont issus des études Deloitte relation banque/client réalisées depuis une dizaine d’années.
2 CES, qui représente la réponse à la question : « sur une échelle de 0 à 10, à combien évaluez-vous la facilité avec laquelle vous accédez aus services bancaires sur les canaux digitaux ? ».