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Banque de détail

« Avec le digital, nous renforçons la proximité »

Créé le

21.12.2015

-

Mis à jour le

28.12.2015

À l’heure de l’émergence des FinTech et autres acteurs 100 % digitaux, le Crédit Agricole Aquitaine croit plus que jamais à l’avenir des agences physiques, pour peu qu’elles sachent apporter la valeur ajoutée et l’expertise dont les clients, un jour ou l’autre, finissent par avoir besoin.

Comment articulez-vous le concept de proximité et la montée de la question digitale au sein de votre caisse régionale ?

Le choix du Crédit Agricole est de ne pas faire de choix. Nous considérons que les agences et le digital ne s’opposent pas mais au contraire, se complètent. Il s’agit de proposer au client l’éventail des canaux : consultation de compte, recherche d’information, transactions, souscriptions doivent pouvoir se faire en ligne si le client le souhaite mais à tout moment, il doit pouvoir contacter physiquement un conseiller auquel il est toujours attaché. Avec le digital, nous renforçons la proximité : la proximité physique est toujours offerte et la proximité relationnelle se développe grâce aux autres canaux. Nous n’avons pas besoin de créer une banque 100 % en ligne à côté de notre réseau. Notre modèle est celui de la banque multicanal de proximité. Et au centre de ce dispositif, il y a l’agence. On entend souvent que de moins en moins de clients se rendent en agence. C’est globalement vrai, du fait du poids des opérations courantes qui effectivement sont réalisées à distance, mais faux si l’on considère les rendez-vous conseil, qui, au Crédit Agricole, sont de plus en plus nombreux en agence.

La fermeture d’agences n’est-elle donc pas inéluctable ?

Surtout pas ! Au Crédit Agricole Aquitaine, nous n’avons pas de projets de fermeture d’agences. Pour autant, cela ne veut pas dire que nous n’allons pas les faire évoluer. L’une des promesses que nous faisons à nos clients est qu’ils auront accès au même niveau de compétence qu’ils se trouvent en centre-ville de Bordeaux ou en zone rurale. Pour relever ce défi, nous avons besoin de rester implantés sur le territoire. Toutes ces compétences ne seront pas nécessairement sur place mais les clients pourront y avoir accès grâce aux technologies et à la visioconférence en particulier. Nous le testons dans les Landes et le Lot-et-Garonne.

Cela implique aussi la réorganisation de notre réseau autour de pôles de compétence et d’expertise : les « agences conseil spécialisé ». Elles se situeront à proximité – 10 à 15 km maximum – des agences traditionnelles. Et pour les demandes qui exigent plus d’expertise encore, la relation à distance y répondra avec nos experts positionnés sur nos trois sites (Bordeaux, Agen, Aire sur l’Adour).

Quelles conséquences cela va-t-il y avoir sur les métiers ?

Tout d’abord, la fonction de chargés d’accueil en agence va progressivement disparaître. Nous testons d’ores et déjà des agences dites collaboratives sans poste d’accueil. Les conseillers n’ont pas non plus de bureau attitré. Ils ont un espace commun pour leurs opérations de back-office. Ils utilisent des tablettes pour interagir avec le client, lui montrer comment réaliser les opérations depuis chez lui, faire des simulations que le client pourra reprendre au calme à la maison avant de se décider. L’organisation du travail du conseiller va changer : il devra être plus proactif, davantage exploiter la connaissance et les données qu’il a sur ses clients pour initier des contacts. Il devra aussi gérer rapidement les demandes des clients passant par les autres canaux que l’agence. Pour que nos conseillers puissent avoir plus de temps à consacrer à leurs clients, nous développons des postes de middle office au sein des agences, pour assister les conseillers, les aider à préparer les rendez-vous, répondre aux questions les plus simples, finaliser les détails techniques d’une vente… Ces assistants auront le profil de conseillers de clientèle junior. Les clients, eux, auront les deux noms : celui du conseiller et celui d’assistant de middle office.

Nous voulons aussi renforcer les lignes managériales en faisant en sorte que les agences conseil spécialisé dont je parlais précédemment soient pilotées par des managers ayant eux-mêmes cette expertise, que ce soit sur le segment des agriculteurs, sur la banque privée, sur la clientèle des professionnels ou des entreprises. Ce manager devra lui-même gérer un portefeuille de clients pour qu’il puisse entretenir son expertise.

Quelles marges de manœuvre avez-vous en tant que caisse régionale en matière d’innovation ?

Nous sommes autonomes dans nos décisions. C’est l’avantage d’un modèle fédéral comme le nôtre avec ses 39 caisses. Quand un sujet important est détecté, nous travaillons collectivement à 4 ou 5 caisses pour faire avancer les dossiers au niveau national. Chacun décline ensuite les projets à son rythme, en fonction de son histoire et de son marché.

Sur le digital, j’ai créé une équipe de dix personnes au sein d’une direction de la transformation. Elle propose des applicatifs nouveaux et des évolutions de notre offre comme la signature électronique, un certain nombre de simulateurs ou notre propre vitrine internet.

Allez-vous ouvrir un incubateur du type Village by CA comme à Paris ?

Nous sommes en train de le mettre en place à Bordeaux et nous devrions l’annoncer début février. Il est très important de se doter de ce type de lieu où start-up et grandes entreprises peuvent échanger. Nous avons déjà un vivier de start-up régionales à qui nous avons permis d’accéder au Village by CA parisien. Nous sommes par ailleurs en lien avec les autres pépinières bordelaises.

Parmi les initiatives d’autres Caisses régionales, celle de votre voisine, Crédit Agricole Centre France, qui a équipé des camions comme agence conseil, vous intéresse-t-elle ?

Oui. Il existe sur notre territoire des points de vente ouverts uniquement deux demi-journées par semaine où un collaborateur détaché d’une agence voisine vient réaliser des opérations courantes. Je n’appelle pas cela une agence et ce type de point de vente n’a pas beaucoup de sens. Nous voulons plutôt développer les « Points verts », ces commerces de proximité dans les villages où l’on peut retirer du cash avec une carte ou un chèque. L’idée est de permettre au commerçant partenaire de réaliser aussi d’autres opérations courantes. Nous ferions passer ces Points verts d’une centaine actuellement à 5 ou 600. Parallèlement, un camion pourrait s’installer devant le Point vert une demi-journée par semaine. Depuis ce camion, un conseiller assurerait des rendez-vous conseil. Cela nous permettrait même de revenir dans des communes rurales que nous avons quittées. Nous pourrions également envisager d’avoir recours au camion pour tester de nouvelles implantations en périphérie de ville où les populations s’installent petit à petit. Aujourd’hui, nous le faisons via des agences éphémères.

Avec la crise, les Français ont été davantage en recherche de proximité et de traçabilité entre leur épargne et les projets financés. Que faites-vous en la matière ?

Nous avons créé en septembre 2014 un livret d’économie locale. Nous avons collecté 350 millions d’euros ce jour. Contrairement aux livrets réglementés, nous conservons la totalité de la collecte que nous mobilisons pour des projets de création d’entreprise et de financement de TPE sur des territoires qui ont besoin d’être soutenus. Nous réfléchissons à créer d’autres supports de ce type en soutien aux filières d’avenir, comme l’environnement ou les questions liées à la santé et au vieillissement. C’est ce genre d’approche que peut avoir une banque régionale de plein exercice comme la nôtre. Nous sommes autonomes dans l’utilisation de nos ressources. Elles ne sont d’ailleurs pas suffisantes pour couvrir les besoins d’un territoire dynamique comme le nôtre, notamment par le fait que nous ne conservons qu’une partie de l’épargne collectée sur les livrets réglementés.

Quelles sont les spécificités de la question du digital sur la clientèle entreprises ?

Tout d’abord, notre niveau de maturité sur cette clientèle n’est pas le même. C’est un de nos axes de développement de nous renforcer sur le segment des entreprises. Elles ont besoin des canaux digitaux bien entendu. Concernant les commerçants, nous sommes persuadés qu’il faut les accompagner pour qu’ils soient davantage visibles sur Internet. Nous les aidons à créer leur site et nous travaillons à une plateforme qui permettrait de leur donner de la visibilité. Le Crédit Agricole Sud Rhône Alpes, à Grenoble, vient de lancer une telle plateforme, baptisée « TOOTICI » (www.tootici.fr). En fait, l’idée est la même que pour nos agences : il ne s’agit pas d’opposer ces commerces physiques et le e-commerce mais d’aider à ce que les deux canaux se complètent.

Outre les problématiques digitales, l’évolution principale pour la clientèle entreprise est son besoin croissant d’expertise. Son financement, traditionnellement bancaire, se fait aujourd’hui de plus en plus par les marchés. De nouveaux métiers apparaissent pour nous, autour de l’accompagnement de ces entreprises sur les marchés. Nous avons ainsi créé une équipe pour monter des EuroPP et cela en relation avec les filiales du groupe. Nous travaillons aussi avec les collectivités, la région en particulier. Nous cherchons à nous engager sur le volet des fonds propres, à travers notre structure de capital développement local, pour des tickets de 100 000 à 500 000 euros. Pour les investissements supérieurs – de 500 000 à 3 millions d’euros – nous avons créé une structure commune à plusieurs caisses régionales : Grand Sud-Ouest Capital. Ce sont 50 millions d’euros qui ont été investis dans 80 entreprises. L’idée est d’accompagner les entreprises clientes à chaque étape de leur développement ou aux moments clé de leur vie. Nous n’avons ainsi pas d’objectif de sortie comme peuvent l’avoir des sociétés de capital investissement traditionnelles.

Taux bas, encadrement des commissions sur les paiements et des frais bancaires… l’environnement de marché et réglementaire pèse-t-il aujourd’hui sur les marges de la banque de détail ?

Oui. L’impact le plus important vient de l’environnement de taux bas qui compresse les marges d’intermédiation. L’épargne et le crédit ne constituent plus l’essentiel du PNB de la banque. Il faut développer d’autres activités. Il s’agit de miser sur la croissance organique, comme nous le faisons à travers notre projet de développement à Bordeaux et avec la création de pôles d’expertise et de nouvelles agences.

Par ailleurs, les réglementations et la législation nous empêchent de répercuter nos coûts, notamment ceux, très lourds, liés aux paiements. Il nous faut augmenter les volumes et mutualiser les opérations dans des usines de paiement communes à plusieurs banques pour abaisser nos coûts de revient. L’impact de cet environnement sur le modèle économique de la banque est réel, et il y a peu d’espoir que cela change.

Quelles sont ces autres activités que vous pourriez développer pour contrer la compression des marges d’intermédiation ?

L’assurance dommage est un axe sur lequel nous avons encore des marges de progression. Nous avons aussi mis l’accent sur l’immobilier. Au-delà de la question du financement, l’idée est de créer des solutions immobilières qui couvrent à la fois les transactions, à travers les agences immobilières Square Habitat, les services de syndic et de gestion locative, la promotion immobilière, en partenariat avec notre structure nationale Crédit Agricole Immobilier, la protection des logements, avec Crédit Agricole Protection Sécurité. Nous proposons ces solutions pour nos clients, notamment les profils patrimoniaux intéressés par des placements immobiliers. Nous voulons également être le banquier des bailleurs sociaux et travaillons avec Bordeaux Métropole Aménagement.

Au final, percevez-vous les nouveaux acteurs liés au digital comme une menace ?

Évidemment, mais nous pensons que la concurrence ne porte pas que sur les prix. Notre proposition est d’apporter de la valeur ajoutée à tout moment, que le client veuille se développer, construire, transmettre ou qu’il soit face à des moments difficiles comme un divorce. On ne règle pas ce type de situations par téléphone. C’est pourquoi nous voulons spécialiser des équipes sur ces problématiques et le faire savoir. Bien sûr, je comprends que des clients qui ne viennent jamais en agence soient tentés d’aller vers les acteurs 100 % digitaux. À nous de leur apporter la preuve qu’une agence et un conseiller qui, le moment venu, sont là pour eux, lorsqu’ils sont en recherche de conseil et d’expertise, cela a du sens. Il ne s’agit pas de vendre des produits bancaires sur des gondoles. Notre promesse, c’est celle de la banque relationnelle.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº791