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Et si l’on créait des écosystèmes en stablecoins ?

Créé le

20.01.2022

Les cryptomonnaies sont encore source de méfiance de la part des acteurs financiers traditionnels. À la numérisation de l’économie répondra immanquablement la numérisation de la monnaie. Quelles pistes exploiter dans les paiements ?

Dans un contexte de baisse des paiements en espèces et par chèque, les solutions digitales poursuivent leur croissance. Le paiement entre de plus en plus dans une logique de « plateforme » en étant le support d’innovations comme le paiement en plusieurs fois, les assurances contextuelles, le « cash back », ou encore le conseil en dépenses à faible impact écologique. Qu’il soit en magasin ou en ligne, le paiement devient donc « augmenté », pour faciliter l’acte d’achat et fidéliser les clients.

Cette tendance se confirme avec l’émergence de nouvelles formes de monnaies dites « cryptomonnaies » basées sur la technologie de registre distribuée, souvent appelée blockchain. Des cryptos à la réputation sulfureuse (voir encadré). Quand on parle de cryptomonnaies, beaucoup pensent essentiellement au bitcoin. Dommage ! Car s’il faut reconnaître au bitcoin d’être la première monnaie fondatrice d’un nouvel écosystème extrêmement innovant, d’autres cryptomonnaies ont vu le jour, apportant leur lot d’innovations. Il y en a aujourd’hui plus de 8 000.

Ces cryptos permettent de faire des échanges instantanés, automatisés et programmables sans tiers intermédiaires, de façon sécurisée et traçable. Ces caractéristiques en font des outils prometteurs dans le monde des paiements, en particulier pour les cryptomonnaies à parité fixe avec une monnaie de référence. On parle alors de « stablecoins ». Ils sont construits le plus souvent par adossement à un collatéral dans la devise de référence pour les émetteurs privés, mais peuvent aussi être émis par des banques centrales.

La bascule à venir des stablecoins dans les paiements

Autant l’avouer, l’émergence des « stablecoins » privées a semé le trouble ces dernières années. Avec, en particulier, l’emblématique Diem (ex Libra) de Facebook et sa volonté de créer un moyen de paiement supranational. En réalité, des stablecoins existent déjà (comme le Tether), à 99 % en dollar US, avec des échanges quotidiens proches de 100 milliards de dollars mais concentrés sur les plateformes de trading de cryptomonnaies ou des protocoles de finance décentralisée (DEFI). Pour résumer, pas encore dans l’univers des paiements traditionnels !

Et pourtant, par leur ampleur, les stablecoins concurrencent les monnaies qui relèvent du pouvoir régalien des États. Les régulateurs sont donc en marche pour les encadrer. Et de nombreux États travaillent au lancement de monnaies digitales pour se positionner sur ces nouveaux instruments, ou les ont déjà lancées comme les Bahamas, le Cambodge, la Chine.

Si la construction de ces nouvelles solutions prend du temps, on anticipe déjà un impact économique massif. Des initiatives privées ou de banques centrales sont en réflexion dans les paiements transfrontaliers, ouvrant des opportunités importantes de réduction des coûts et inefficiences. Et c’est surtout dans le domaine des paiements du quotidien que des acteurs comme Visa, Mastercard, Paypal, Stripe ou Amazon investissent, les cryptomonnaies pouvant devenir le Cheval de Troie de leur expansion dans les services financiers du quotidien. À ce titre, on voit aussi de nouveaux acteurs du monde des crypto-actifs, comme les plateformes d’échanges, réintermédier un marché en train d’éclore pour mieux le démocratiser. Des acteurs qui ne cachent pas leur volonté d’être demain des « cryptobanques » proposant des services financiers.

La question n’est pas « to be or not to be ? », mais « comment faire ? »

Face aux moyens colossaux déployés par les acteurs technologiques (GAFA, acteurs du paiement, nouveaux acteurs crypto), les banques doivent décider, non pas si elles doivent ou pas y prendre part, mais comment ?

L’adaptation de la réglementation aux spécificités de ces crypto-actifs sera un levier important pour proposer de nouveaux services digitaux auprès du public en régulant ce qu’il est nécessaire de protéger. À ce titre, la France bénéficie d’un cadre réglementaire précurseur avec la loi PACTE et d’un écosystème blockchain privé mature. C’est une opportunité pour construire des champions européens voire mondiaux dans le monde des crypto-actifs.

La question de la souveraineté n’est pas seulement à la main de nos banques centrales. C’est aussi un sujet éminemment concurrentiel à la main des acteurs privés. Soixante-treize entreprises et banques japonaises l’ont bien compris : elles se sont formées en consortium il y a 18 mois pour émettre un stablecoin en Yen et sont en phase de test autour de cas d’usages concrets. Les banques gardent la main sur les paiements et dépôts, les membres développent des usages qui leur sont adaptés, avec une infrastructure ouverte sur base de laquelle chacun rivalise dans le développement de services. Une initiative exemplaire à suivre de près ! Et pourquoi pas à copier ?

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº865