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Préface de l'ouvrage "Solvency 2 en 125 mots-clés"

Créé le

10.07.2014

-

Mis à jour le

24.07.2014

"Voilà donc du bel ouvrage, actuel et exhaustif, bien pensé et bien rédigé, utile et stimulant" Denis Kessler. Président de SCOR

L’ouvrage de Philippe Morin et de Patrick Thourot est original à de nombreux titres.

D’abord, par le parti pris pédagogique des auteurs. Il s’agit de permettre à des collaborateurs des entreprises d’assurance et de réassurance dont les fonctions sont éloignées des travaux actuariels et comptables, ainsi qu’aux étudiants, d’accéder à une description simple et attrayante des concepts-clés de la réglementation européenne de solvabilité : Solvency II, en français Solvabilité 2. Or, cette réglementation concerne la très grande majorité des fonctions de nos entreprises et pas seulement celles remplies par les actuaires et les comptables. Des commerciaux aux DRH, en passant par les administrateurs, les contrôleurs internes, les souscripteurs, les stratèges d’entreprise, tous voient leur fonction affectée et modifiée par ce nouveau cadre prudentiel et réglementaire. L’optimisation de l’allocation et de la gestion du capital occupe désormais une place centrale. Les entreprises d’assurance et de réassurance sont invitées à évaluer leurs risques de manière beaucoup plus précise que par le passé, et sont incitées à les faire à partir de modèles internes particulièrement sophistiqués. Les bénéfices de diversification, qui sont au cœur du principe de l’assurance, se voient désormais pleinement reconnus, favorisant ainsi les acteurs qui ont la prudence de regrouper au sein de leurs portefeuilles des risques faiblement corrélés. Quel progrès par rapport à l’évaluation fruste des risques sous le régime de la précédente directive !

Cette révolution quasi copernicienne doit être enseignée à tous ceux qui travaillent dans la profession, comme à ceux qui y entrent, quelle que soit leur fonction.
Le dessein pédagogique des auteurs permet de donner une vision panoramique, sinon exhaustive, de ce nouveau corps de doctrine. Et il est vrai que, jusqu’ici, la tendance de nos spécialistes a été de privilégier les aspects les plus polémiques ou les plus techniques de la réglementation nouvelle. Il était urgent de la présenter sous tous ses aspects : les trois « piliers », certes, mais aussi les conséquences sur les règles de protection du consommateur, la réforme de la liberté de prestation de services et d’établissement, le renforcement drastique des contrôles des sociétés d’assurances ou encore les ambiguïtés sur le contrôle de groupe.
La forme de l’ouvrage est également originale. C’est un « glossaire raisonné », qui permet de trouver une certaine logique dans la lecture cursive du livre, par la réorganisation des notions étudiées. On ne sait pas assez que la notion même de « pilier » ne figure pas dans la Directive et qu’elle résulte d’une volonté de clarification des commentateurs des textes européens. On peut donc utiliser cet ouvrage pour y chercher une définition, comme on le ferait d’un dictionnaire ou d’une encyclopédie. Ce sera sans doute précieux pour l’étude à venir des mesures d’application qui vont être publiées à partir de 2014 et pour comprendre les débats techniques qui continuent de faire rage entre experts et praticiens.

Les auteurs ont aussi évité de « mettre leur plume dans leur poche ». Certes, l’ouvrage est fondé sur une lecture attentive des textes réglementaires existants, auxquels il renvoie très systématiquement. Le commentaire a toujours pour but d’éclairer le lecteur sur la définition du terme utilisé. Mais MM Morin et Thourot sont de « vieux routiers » de l’assurance et de la réassurance qui ne se privent pas de donner leur avis sur certaines des mesures et dispositions adoptées. On peut ne pas les suivre en tout, mais leurs remarques réveillent l’attention des lecteurs et, à l’occasion, soulignent les intentions des textes ou orientations prises par les régulateurs, lorsque celles-ci n’apparaissent pas à la première lecture.

L’Europe et les marchés d’assurance européens sont engagés désormais irrévocablement dans la mise en oeuvre d’un système très vaste de « régulation », au sens anglo-saxon du terme, des entités d’assurance et de réassurance. Il est urgent que tous les acteurs concernés, quelle que soit leur fonction, aient une connaissance précise de cette démarche de contrôle de la solvabilité qui impacte l’ensemble de la stratégie et du comportement des entreprises du secteur. Cet ouvrage, de taille raisonnable, y contribuera efficacement. Il invitera peut-être également ses lecteurs à réfléchir aux évolutions nouvelles qui pourraient être apportées à la réglementation de l’assurance dans les années à venir. Certains pourront ainsi rêver à l’apparition, dans une prochaine édition, d’une nouvelle entrée « Union assurantielle» qui viendrait saluer la mise en place d’un superviseur unique au niveau européen, à l’instar de ce qui a été fait pour l’Union bancaire. Cette évolution serait cohérente tant avec la mise en place d’une réglementation unique (Solvency II) qu’avec le caractère transfrontalier ou paneuropéen des activités de nombreux groupes d’assurance opérant sur le Vieux Continent. Voilà donc du bel ouvrage, actuel et exhaustif, bien pensé et bien rédigé, utile et stimulant.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº770