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Réglementation

Perspectives du système bancaire italien : des coûts de financement plus élevés pèsent sur sa rentabilité

Créé le

11.12.2018

-

Mis à jour le

21.12.2018

Pourquoi la perspective négative est-elle maintenue pour le secteur bancaire italien par Moody's, alors que les banques ont assaini leurs bilans ?

Il est vrai que les banques italiennes ont procédé à un assainissement de leurs bilans en cédant depuis 2017 des volumes très importants de crédits non performants. Cette tendance positive devrait se poursuivre en 2019 et au-delà. Cela étant dit, la rentabilité du secteur demeure sous pression en raison d’un alourdissement des coûts de financement, dans un contexte de tension sur la dette souveraine qui affecte le secteur dans son ensemble, même si, compte tenu de l’importance des dépôts et du soutien massif de la BCE, sa dépendance vis-à-vis des marchés de capitaux est plutôt limitée.

L’effort d’assainissement des bilans entrepris jusqu’à présent est-il suffisant ?

Non, même s’il faut tout d’abord remarquer que, depuis 2017, les banques italiennes ont allégé leurs bilans de quelque 115 milliards environ de crédits non performants sous la forme de cessions, mais aussi de titrisations, aidées en cela par un mécanisme public de garantie sur les dettes senior émises dans ce cadre. Mais cet effort de grande ampleur n’a réduit le stock d’actifs non performants que d’un tiers environ. Le ratio de crédits non performants sur le total des crédits demeure supérieur à 10 % alors que la moyenne européenne est de 3,5 %. Mais nul doute que la BCE maintiendra sa pression afin que les banques convergent vers la moyenne européenne, ce qui prendra du temps.

Les banques italiennes ont bien résisté à l’exercice de stress. Qu’en conclure en ce qui concerne leur capitalisation ?

Seules les quatre plus grandes étaient incluses dans le périmètre de l’exercice, excluant les plus faibles (Carige, Monte dei Paschi, etc.). Plus généralement la capitalisation des banques devrait demeurer à un niveau satisfaisant et relativement stable dans un contexte de faible croissance des crédits. Il faut observer que les importantes cessions de crédits non performants dans le contexte de la nouvelle norme comptable IFRS9 en vigueur depuis le 1er janvier 2018 n’a pas eu d’impact négatif significatif sur le ratio réglementaire CET1, car les banques ont pu l’étaler sur une durée de cinq ans. Un autre effet négatif résulte du fait que les pertes attendues par les banques sur lesdites cessions alimenteront les historiques de pertes qui servent aux calculs des actifs pondérés dans le futur. Toutes choses égales par ailleurs, ceux-ci progresseront et pèseront ainsi sur leurs ratios de fonds propres.

L’importance du soutien de la BCE dans le contexte du programme TLTRO est-elle une source d’inquiétude ?

Le très large soutien en liquidité de la BCE et la fin de son programme TLTRO à l’horizon de 2020 constituent un défi pour les banques italiennes qui devront refinancer environ 240 milliards auxquels s’ajoutent les quelque 110 milliards de dettes senior qui viennent à échéance dans les deux prochaines années. Les tensions sur la dette italienne, si elles devaient perdurer, pourraient peser encore davantage sur le coût de financement des banques et ce faisant affecter une rentabilité déjà faible.

Quels sont les effets des tensions sur le spread de la dette de L’État italien sur le secteur bancaire ?

Toute augmentation des spreads a pour effet de peser sur la valeur des titres de la dette publique italienne détenus par les banques, à moins que lesdits titres ne soient pas valorisés en mark-to-market. Cet effet est variable d’une banque à l’autre. Même d’ampleur limitée, l’impact est sensible, dans la mesure où les excédents de fonds propres par rapport aux minima réglementaires sont limités. Ces baisses de valeur pèsent négativement sur le ratio de liquidité des banques, la dette publique italienne représentant une large part de leur coussin de liquidité.

Ensuite, il faut observer que les banques peuvent être incitées à accroître leurs détentions de titres compte tenu des baisses de prix des titres, dans un contexte de désengagement des investisseurs internationaux, d’autant que leur rentabilité intrinsèque demeure sous pression.

Enfin, ces tensions pèsent sur le secteur réel en renchérissant les conditions de financement des agents économiques et en pesant sur la demande de crédits.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº827