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Monnaie numérique de banque centrale : la Chine très loin devant

Créé le

18.01.2022

La numérisation de la monnaie de Banque centrale (MNBC)est un sujet porteur d’enjeux stratégiques. En Europe, il est encore au stade des évaluations techniques. La BCE vient de lancer, pour 24 mois, la phase d’investigation de son projet Euro numérique.

De son côté, la Banque de France a son propre programme d’expérimentation centré sur les échanges interbancaires et l’utilisation de Distributed Ledger Technologies (DLT).

La Banque centrale de Chine (PBOC), elle, a choisi une approche radicalement différente. Elle déploie le e-yuan auprès du grand public, avec une application mobile disponible depuis janvier sur les plateformes de téléchargement Android et iOS, mais aussi dans les applications WeChat Pay (Tencent) et Alipay (Ant Group), incontournables dans les paiements mobiles. Aujourd’hui annoncé par la PBOC comme utilisé par 260 millions de particuliers (!), ce déploiement concrétise un important travail technique initié dès 2014. Un travail méconnu car la Banque de Chine communique avec parcimonie sur le sujet.

Digitaliser le cash

Le déploiement du e-yuan peut être vu comme une réaction au positionnement dominant des FinTechs Tencent et Alibaba (Ant Group) dans les paiements. Il illustre surtout la volonté des pouvoirs publics de projeter le cash dans l’ère numérique avec une solution disponible pour les particuliers, venant en alternative directe à la monnaie fiduciaire. Avec pour point commun avec elle d'être directement émise par la PBOC, faire partie de l’agrégat monétaire M0 et ne pas produire d’intérêt.

La digitalisation de la monnaie fiduciaire vise un triple objectif :

– garantir l’accès des particuliers à la monnaie de la banque centrale (ce qui implique de gérer le mode hors ligne) ;

– favoriser l’inclusion financière (le taux de bancarisation est plus faible en Chine que dans les pays européens) ;

– positionner le e-yuan comme vecteur privilégié de l’internationalisation de la monnaie chinoise.

Vu d’Europe, ce dernier sujet est porteur d’enjeux et même si les défis restent nombreux pour établir le renminbi comme une véritable monnaie internationale, notamment sur la transparence des données financières, l’étape du déploiement massif d’une MNBC auprès des particuliers – y compris les non-résidents chinois – apparaît déterminant à cet égard.

Offline : une question technique majeure

L’avance prise par les autorités chinoises en ce domaine est considérable. Une MNBC de détail y est en production depuis près d’un an. Et en Europe ? Aucune solution n’a, pour le moment, été détaillée ni même évoquée publiquement. D’où découlent trois courtes réflexions.

1. Le déploiement d’une MNBC de détail est d’une mise en œuvre certes complexe, mais porteur de lourds enjeux stratégiques. Le retard pris risque de devenir structurel.

2. Les cas d’usage hors ligne sont centraux pour les MNBC de détail. Cet aspect est reconnu par la BCE, mais ont un impact majeur sur les solutions techniques retenues. À titre d’illustration, les DLT y sont globalement inadaptées…

3. Les MNBC de détail impliquent le déploiement de wallets (portefeuilles) numériques adaptés, permettant notamment la communication d’informations d’identité fiabilisées répondant aux exigences LCB/FT. À l’heure où elle est en train de spécifier des wallets d’identité numérique dans le cadre du projet de règlement eIDAS 2.0. Une première approche pourrait être de lancer un wallet eIDAS 2.0 d’autorisation de paiementpeut-être l’Europe pourrait-elle se doter d'un wallet eIDAS 2.0 d’autorisation de paiement fonctionnant en ligne et hors ligne – avec règlement différé dans ce dernier cas. Histoire que l’on ne voie pas les Chinois courir trop longtemps devant ! S. M.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº865