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Transposition de la directive RELC

« La médiation bancaire a montré la voie »

Créé le

10.12.2015

-

Mis à jour le

13.01.2016

Emmanuel Constans revient sur la genèse du texte de transposition de la directive RELC. Il a été le président du groupe de travail qui a rédigé le rapport relatif à la médiation et au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, remis le 25 juin 2014 à Carole Delga, Secrétaire d’état chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

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Sur quelles bases s’est fondé le rapport que vous avez piloté pour préparer les travaux de transposition de la directive RELC ?

Nous sommes partis de l’expérience d’un certain nombre de secteurs (bancaire, assurance, énergie, transports, communications électroniques, etc.) où il existe déjà des médiateurs d’entreprise ou sectoriels. Partant de ces expériences et de leurs réalisations très positives dans la plupart des cas, nous avons pu définir à partir du texte de la directive européenne, un certain nombre de principes essentiels.

Par exemple, la notion de recours préalable, qui peut être vue comme une caractéristique de la médiation « à la française », est fondamentale, pour éviter d’engorger les services de médiation. Dans le secteur bancaire, le Comité de la médiation bancaire avait établi des recommandations, tout comme l’ACPR, en matière d’organisation du traitement des réclamations, tout cela facilitant ensuite le travail du médiateur. L’originalité de la médiation bancaire est d’avoir d’emblée établi deux niveaux préalables d’intervention : l’agence et le service clientèle consommateur de l’établissement.

Autre principe fondamental : l’indépendance du médiateur. La médiation bancaire en est un exemple, car elle a toujours été indépendante, même en tant que médiation d’entreprise : les médiateurs ne sont pas salariés de la banque, mais travaillent en tant que prestataires de services pour cette dernière. Le Comité de la médiation bancaire [1] , présidé par le gouverneur de la banque de France, garantissait l’indépendance des médiateurs. Nous avons souhaité, comme l’exige la directive, que cette indépendance soit concrétisée de façon précise en spécifiant les moyens dont doit bénéficier le médiateur : budgétaires, ressources en personnels, site Internet. C’est d’ailleurs grâce à cette garantie d’indépendance des médiateurs bancaires que la France a pu maintenir la possibilité du médiateur d’entreprise au niveau européen.

La médiation d’entreprise est-elle une spécificité française ?

C’est en effet une certaine spécificité française. Mais elle devient un modèle disponible au niveau européen, du moins dans tous les pays qui ont retenu cette formule dans leur transposition.

Quel bilan faire aujourd’hui de la médiation bancaire ?

La médiation bancaire – contrairement à d’autres secteurs –, existe depuis la loi Murcef de 2001, parfois même avant comme le montre l’exemple de la Société Générale, auprès de laquelle Mme Christiane Scrivener a été le premier médiateur dès 1995. Celle-ci a traité d’emblée les questions liées au compte de dépôt et à l’épargne, sachant que dans un premier temps la loi Murcef se limitait à la première catégorie. Depuis, la médiation bancaire a fait ses preuves : 35 000 demandes ont été étudiées en 2014. Pratiquement aucun autre secteur ne peut aligner une telle situation.

On assiste cependant ces dernières années à un mouvement de consolidation qui va certainement se développer notamment parmi les médiateurs régionaux. En effet, pour avoir une taille critique qui justifie des moyens propres, ils se regroupent ou certaines entités régionales de l’établissement se rattachent directement au médiateur auprès de la FBF. Le système est donc flexible, mais il est unifié par le référencement des médiateurs qui sera réalisé par la nouvelle Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, laquelle vérifie le process, les moyens d’indépendance, la formation et la qualification du médiateur.

Quelles doivent être les qualifications des médiateurs ?

L’aptitude à la médiation est tout d’abord de pouvoir apprécier en toute impartialité : les médiateurs ne prennent pas parti, mais entendent les arguments des deux côtés et proposent une solution en droit et en équité. Cela demande une ouverture, une capacité d’écoute, tout en étant constructif. Il faut savoir agir rapidement et efficacement pour ne pas prolonger les délais dans des litiges qui durent parfois depuis déjà longtemps. En outre il faut connaître le droit de la consommation et les règles dans le domaine bancaire.

Un autre aspect important est que le médiateur ne doit pas travailler seul sur ses dossiers, mais en coopération avec les services de l’établissement ou des professionnels concernés. Il doit instaurer un dialogue et bâtir sa solution tant avec le consommateur client qu’avec l’établissement.

Enfin, dans la médiation « à la française », le médiateur contribue non seulement au règlement de litiges individuels, mais il fait aussi, dans son rapport annuel, des propositions de réforme pour améliorer la relation entre l’établissement et la clientèle, en termes de procédures, d’information des clients, etc. C’est un aspect très constructif de son intervention en matière de prévention des litiges. En tant que médiateur à Bercy, je propose ainsi chaque année une dizaine de mesures concrètes visant à améliorer les relations avec le public.

Dans quelle mesure l’établissement est-il obligé de suivre ces recommandations ?

L’établissement n’a aucune obligation en la matière mais il accueille en général avec grand intérêt ces recommandations. La médiation est à cet égard un formidable observatoire des dysfonctionnements, avec la capacité de faire remonter ces informations au plus haut niveau des établissements.

Comment se déroulera désormais la nomination des médiateurs bancaires ?

La Directive prévoit que les médiateurs bancaires, qui sont des médiateurs d’entreprise, seront nommés par un collège paritaire réunissant des représentants de l’établissement et des représentants d’associations de consommateurs agréées. Ce collège peut être constitué au niveau de la banque (c’est le cas de La Banque Postale), selon une procédure qui doit être transparente. Mais, nous avons également proposé, et cela a été repris, par un décret du 8 novembre 2015, qu’un collège paritaire soit organisé par le CCSF (Comité consultatif du secteur financier). Celui-ci devrait pouvoir se réunir dès le début de l’année 2016 pour examiner les premières candidatures de médiateurs présentées par les banques. Les banques ont accueilli cette démarche avec beaucoup d’intérêt.

Quel état des lieux faire des travaux menés sur la convention à conclure entre les médiateurs bancaires et le médiateur de l’AMF, médiateur public ?

Le médiateur désigné par l’AMF est qualifié de « médiateur public » parce qu’il est rattaché à une entité publique (tout comme le médiateur national de l’énergie qui est rattaché au régulateur de l’énergie).

Une convention-type, que je suis en train de préparer à la demande de Michel Sapin, sera signée entre les différents médiateurs bancaires et le médiateur de l’AMF, pour pouvoir assurer la répartition des dossiers sur certaines opérations financières, mais qui restent minoritaires. Pour ces dernières, les consommateurs auront le choix de saisir soit le médiateur bancaire, soit le médiateur de l’AMF. Cette convention devrait être finalisée d’ici la fin de l’année.

Comment va s’organiser la médiation transfrontière ?

La médiation transfrontière va se développer en ligne grâce à une plateforme européenne de résolution en ligne des litiges [2] , à laquelle seront reliés les sites internet des médiateurs. Elle permettra d’orienter, dans un premier temps, les litiges vers les médiateurs nationaux concernés. Dans un second temps peut-être, certaines entités pourront directement traiter en ligne des litiges transfrontières.

 

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1 Ce comité est remplacé dans la transposition de la directive par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.
2 Telle que prévue par le règlement européen 524/2013 RLLC (relatif au règlement en ligne des litiges de consommation).

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À retrouver dans la revue
Banque et Droit NºHS-2015-2
Notes :
1 Ce comité est remplacé dans la transposition de la directive par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.
2 Telle que prévue par le règlement européen 524/2013 RLLC (relatif au règlement en ligne des litiges de consommation).
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