Londres ne lâche rien !

Quel est le poids de Londres dans la finance europ&eacute;enne ? Dans une r&eacute;cente publication de Nicolas V&eacute;ron pour l'institut Bruegel [1] , celui-ci montre bien le poids de Londres &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;Union europ&eacute;enne. Suivant les m&eacute;tiers, la Place anglaise repr&eacute;sente entre 30 et 80 % de l'activit&eacute; globale. Mais une &eacute;tude publi&eacute;e par la BRI en 2012 [2] montre que la finance ne contribue plus &agrave; la croissance lorsqu'elle atteint un niveau trop important dans l'activit&eacute; du pays (voir Encadr&eacute; 1). C'est une position un peu provocatrice, car l&rsquo;&eacute;tude ne cible que quelques pays, mais qui pose la question de l'int&eacute;r&ecirc;t de la finance pour elle-m&ecirc;me ou comme aide &agrave; l&rsquo;&eacute;conomie. Les r&eacute;glementations nouvelles prises &agrave; Londres amoindrissent-elles l&rsquo;attractivit&eacute; de la Place ? De fait, jusqu&rsquo;en 2008, le r&eacute;gulateur anglais a appliqu&eacute; une strat&eacute;gie de r&eacute;glementation &laquo; light touch &raquo;, n&rsquo;utilisant m&ecirc;me pas l&rsquo;attirail r&eacute;glementaire national dont il disposait pourtant. Le d&eacute;tonateur a &eacute;t&eacute; le probl&egrave;me rencontr&eacute; en 2008 avec Icesave et les banques islandaises, une situation que les Anglais auraient pu &eacute;viter s&rsquo;ils avaient appliqu&eacute; leur propre r&eacute;glementation. Le r&eacute;gulateur aurait pu de m&ecirc;me emp&ecirc;cher RBS d&rsquo;acqu&eacute;rir ABN Amro (voir Encadr&eacute; 2). En r&eacute;action, le r&eacute;gulateur a voulu faire passer un message clair aux contribuables qui ont pay&eacute; pour sauver le secteur bancaire : plus jamais cela. Depuis, la Prudential R&eacute;gulation Authority (PRA) et la Financial Conduct Authority (FCA) sont en pointe pour r&eacute;guler leurs banques, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de concurrence, de solvabilit&eacute;, ou de liquidit&eacute; : en 2008, le r&eacute;gulateur anglais a &eacute;t&eacute; le premier &agrave; se positionner en faveur d'un ratio de liquidit&eacute;. De m&ecirc;me, les conclusions de la Commission Vickers et le ring fencing , avec ce qu'il suppose de co&ucirc;ts suppl&eacute;mentaires en mati&egrave;re de gouvernance et de reporting , ont fait l&rsquo;objet d&rsquo;une esp&egrave;ce d&rsquo;union nationale et n'ont pas &eacute;t&eacute; vraiment contest&eacute;s. Mais dans le m&ecirc;me temps, les Pouvoirs publics se sont aussi montr&eacute;s assez favorables &agrave; l&rsquo;apparition de nouvelles formes de banques, digitale ou de paiement. Les Pouvoirs publics ont voulu &agrave; la fois encadrer tr&egrave;s strictement les banques traditionnelles, via les ratios de levier et de liquidit&eacute;, et d&eacute;velopper le plus possible des alternatives : le lancement d'un &eacute;tablissement comme Metro Bank en 2010, avec l'ouverture de 32 agences en 5 ans, n'aurait pu avoir lieu ailleurs qu'en Angleterre o&ugrave; le mod&egrave;le traditionnel de banque a &eacute;t&eacute; r&eacute;duit &agrave; sa plus simple expression. L&rsquo;ambition de la Place anglaise, en r&eacute;glementant fortement ses banques, est aussi de pouvoir affirmer que son secteur bancaire est d&eacute;sormais particuli&egrave;rement s&ucirc;r et qu&rsquo;elle sera donc choisie pour cela. Le r&eacute;gulateur a pris des d&eacute;cisions drastiques, mais fond&eacute;es sur des standards simples. Notamment, le r&eacute;gulateur est parti de l'id&eacute;e qu'il n'est pas possible de r&eacute;glementer un syst&egrave;me bancaire uniquement sur la base de son capital. Il s&rsquo;est appuy&eacute; sur des travaux de recherche montrant que le core equity tier one n&rsquo;est pas un tr&egrave;s bon indicateur pr&eacute;curseur des faillites, en tout cas pas meilleur que les autres. Du coup, les Anglais se sont montr&eacute;s assez ouverts &agrave; certaines id&eacute;es simples d&rsquo;application, venant des &Eacute;tats Unis, par exemple sur le ratio de levier, et bien re&ccedil;us par les pays &eacute;mergents qui sont d&eacute;sormais plus influents au sein du G20. Et ces standards font &eacute;cole : les banques europ&eacute;ennes continentales n'&eacute;chapperont sans doute pas &agrave; des stress-tests avec des ratios de levier, comme le fait d&eacute;j&agrave; l&rsquo;Angleterre. Parall&egrave;lement, les Pouvoirs publics se sont montr&eacute;s beaucoup moins actifs en ce qui concerne la r&eacute;glementation des march&eacute;s financiers, comme AIFM et les fonds non-Ucits. Ils ont souhait&eacute; que les r&egrave;gles de sanction restent nationales, que les firmes am&eacute;ricaines puissent utiliser leurs implantations en Angleterre pour se d&eacute;velopper sur le continent avec le passeport europ&eacute;en. Il existe donc toujours en Grande-Bretagne une forte volont&eacute; de continuer &agrave; d&eacute;velopper la finance. Et Londres ne l&acirc;che rien en termes d&rsquo;attractivit&eacute;&hellip; L'hypoth&egrave;se d'un Brexit [3] peut-elle entamer malgr&eacute; tout l&rsquo;attractivit&eacute; de la Place ? L'incertitude que cr&eacute;e pour les prochaines ann&eacute;es cette hypoth&egrave;se suite au r&eacute;f&eacute;rendum annonc&eacute; sur cette question par David Cameron (Premier ministre britannique) d&rsquo;ici &agrave; 2017, peut en effet r&eacute;duire l&rsquo;efficacit&eacute; de loger certaines activit&eacute;s &agrave; Londres, m&ecirc;me si les Anglais ont d&eacute;j&agrave; obtenu gain de cause dans la controverse qui les a oppos&eacute;s &agrave; la BCE pour savoir si les compensations en euros devaient se faire dans la zone euro [4] . Certains acteurs anglais dans la gestion d'actifs, filiales de firmes am&eacute;ricaines, se posent aujourd'hui la question de savoir s&rsquo;il ne vaut pas mieux aller en Irlande, en Suisse ou au Luxembourg. Comment interpr&eacute;ter les d&eacute;clarations r&eacute;centes du PDG d&rsquo;HSBC mena&ccedil;ant &ndash; &agrave; nouveau &ndash; de d&eacute;localiser le si&egrave;ge de la banque &agrave; Hong Kong ? Le P-DG d&rsquo;HSBC lors de la pr&eacute;sentation des r&eacute;sultats trimestriels, a expliqu&eacute; que la taxe sur les banques a repr&eacute;sent&eacute; pour son &eacute;tablissement un montant de 1,1 milliard de dollars en 2014, qui passerait &agrave; 1,2 cette ann&eacute;e et probablement &agrave; 1,5 en 2016. La diff&eacute;rence de 400 millions entre 2014 et 2016 repr&eacute;sente une ann&eacute;e de croissance des dividendes telle que pr&eacute;vue dans le plan strat&eacute;gique, sans compter les co&ucirc;ts suppl&eacute;mentaires de compliance et de contr&ocirc;le. En fait, l'Asie repr&eacute;sente les deux tiers des revenus d'HSBC et 50 % de son bilan. Le si&egrave;ge du groupe est &agrave; Londres, mais celui-ci reste fondamentalement bic&eacute;phale, y compris dans sa gestion quotidienne. HSBC juge donc injuste d&rsquo;&ecirc;tre tax&eacute; sur la totalit&eacute; de ses activit&eacute;s alors qu&rsquo;elle ne se voit pas comme une banque enti&egrave;rement anglaise ; elle souhaiterait que la loi soit modifi&eacute;e, pour ne taxer que l&rsquo;activit&eacute; anglaise. Si l'&eacute;tablissement d&eacute;m&eacute;nage &agrave; Hong Kong, l'estimation courante est qu&rsquo;il r&eacute;duira sa taxe bancaire d&rsquo;&agrave; peu pr&egrave;s la moiti&eacute;, car elle ne portera effectivement plus que sur les activit&eacute;s r&eacute;alis&eacute;es en Angleterre. Mais du coup, une grande partie du portefeuille de grands clients de la banque de financement aujourd&rsquo;hui tenu &agrave; Londres pourrait &ecirc;tre &eacute;galement d&eacute;localis&eacute;e pour r&eacute;duire encore la base de calcul de la taxe bancaire. Quant au &laquo; Brexit &raquo;, c'est probablement plus l&rsquo;incertitude cr&eacute;&eacute;e jusqu&rsquo;en 2017 que le r&eacute;sultat qui g&ecirc;ne la banque. Comment est vu Paris dans cette comp&eacute;tition entre places financi&egrave;res ? Paris a un gros handicap qui est son instabilit&eacute; fiscale. Alors que par ailleurs, la marche des affaires affiche de r&eacute;elles performances : Xavier Parrain [5] affirmait, lors de la derni&egrave;re conf&eacute;rence de l&rsquo; AFTI [6] , que le d&eacute;lai entre l&rsquo;homologation d'un fonds AIFM et sa mise sur le march&eacute; peut se limiter &agrave; 8 jours. Les acteurs ont lou&eacute; la c&eacute;l&eacute;rit&eacute; de l&rsquo;AMF et ses positions plus proportionn&eacute;es dans la conduite des contr&ocirc;les et la r&eacute;gulation. Ils estiment que Paris devrait retrouver un certain avantage parce que le r&eacute;gulateur, l&rsquo;industrie et l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me fonctionnent bien, mais &agrave; condition que les Pouvoirs publics maintiennent une stabilit&eacute; fiscale&hellip; 1 Guntram B Wolff et Nicolas V&eacute;ron, Capital Market Union, A vision for the long term, Bruegel, avril 2015. 2 Stephen G Cecchetti, Amartya Sen, Jaime Caruana, Ravi Menon and Jos&eacute; Dar&iacute;o Uribe, &laquo; The future of financial globalisation &raquo;, BIS paper n&deg; 69, d&eacute;c. 2012. 3 Contraction pour &laquo; British exit &raquo; d&eacute;signant la sortie de l'UE du Royaume-Uni. 4 La Cour de justice europ&eacute;enne a d&eacute;clar&eacute; le 4 mars 2015 qu&rsquo;elle &laquo; annule le cadre de surveillance de l'Eurosyst&egrave;me qui contraint les chambres de compensation &agrave; &ecirc;tre localis&eacute;e dans l'Eurozone. La BCE n'a pas la comp&eacute;tence n&eacute;cessaire pour imposer une telle exigence aux CCP impliqu&eacute;e dans la compensation des titres. &raquo; Cf. Revue Banque n&deg; 783, avril 2015, p. 15. 5 Secr&eacute;taire g&eacute;n&eacute;ral adjoint de l&rsquo;AMF charg&eacute; de la gestion d&rsquo;actifs. 6 Les Amphis de l'AFTI : &laquo; L'industrie de la gestion d'actifs &agrave; l'heure de l'Union des march&eacute;s de capitaux &raquo;, 6 mai 2015.

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