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Stratégie digitale

FinTech : enfin le réveil français ?

Créé le

10.11.2015

-

Mis à jour le

01.12.2015

En France, les banques, mais aussi les industriels et les grandes entreprises du retail, sans oublier les fonds d'investissement, doivent investir massivement dans les FinTech, afin de regagner le terrain perdu sur les autres grands pays européens, notamment anglo-saxons.

La FinTech partage avec la Junie [1] de Britannicus le privilège d'osciller, selon l'interlocuteur ou l'époque, entre un excès d'honneur et une indignité, qu'elle ne mérite d'ailleurs pas plus que son modèle :

  • excès d'honneur lorsqu'on la présente balayant un monde bancaire si archaïque, si recroquevillé sur ses privilèges et tellement dépourvu d'idées qu'il serait voué à être emporté par un implacable tsunami en train d'enfler depuis le fond de la Silicon Valley et de ses émules européennes ;
  • indignité lorsque l'on prétend que ce ne sont pas quelques bricoleurs de paiement, de crédit ou d'épargne qui, du fond d'un garage, vont inquiéter, ni même impressionner des acteurs à qui leur puissance financière et la confiance dont les honorent leurs clients confèrent un imperium inoxydable sur la relation et les services bancaires.

Un phénomène à part entière de la révolution digitale

Loin de ces fantasmes, aux États-Unis, la FinTech est tout simplement reconnue comme un phénomène à part entière de la révolution digitale appliquée aux services bancaires et financiers. Ce n'est ainsi pas par hasard que, selon une étude Accenture/ CB Insights de mars 2015, les investissements dans la FinTech, qui ont sextuplé depuis 2010 pour atteindre 12 milliards de dollars en 2014, sont concentrés à plus de 80 % dans ce pays. L'Europe ne représente que 12 % de ce total, le Royaume-Uni et l'Irlande se taillant la part du lion avec près de la moitié, ne laissant que des miettes aux autres pays, la France arrivant pour sa part en cinquième position européenne, derrière la Russie, avec à peine 21 millions d'euros.

Heureusement, depuis le début de l'année 2015, les choses semblent évoluer dans notre pays, avec notamment la première édition de FinTech Community, organisée le 26 mai par le Pôle Finance Innovation, en présence d’Axelle Lemaire, et, au début de l’été, la création de l’association France FinTech ou encore les Assises du paiement, où plusieurs FinTech étaient à la tribune. Autre témoin de cet intérêt, ces trois derniers mois ont été animés par d’importantes levées de fonds de FinTech françaises : Prêt d'Union (crowdfunding) avec 31 millions d'euros, SlimPay (solution de paiement sur le web) avec 15 millions d'euros, ou encore le Compte Nickel (10 millions d'euros), auxquelles il faut rajouter la prise de contrôle de Leetchi (système de cagnotte) par le Crédit Mutuel Arkéa pour 50 millions d'euros, et celle de LePotCommun par S-Money filiale du groupe BPCE.

Une nécessaire mobilisation

Ce début de mobilisation est de bon augure, mais il doit absolument se poursuivre et s’amplifier, pour s’inscrire durablement dans la réalité économique et financière. Pour cela, les acteurs de l'écosystème – les banques au premier chef, mais aussi les industriels de la filière et les grandes entreprises du retail, sans oublier les fonds d'investissement – doivent mettre les bouchées doubles, afin de regagner le terrain perdu sur les autres grands pays européens en investissant massivement dans ce secteur. L’objectif est de tenter de rattraper le Royaume-Uni et éviter ainsi que Londres ne devienne la capitale unique de la FinTech européenne. Ceci est d'autant plus nécessaire que les fonds anglo-saxons ont déjà commencé à investir dans les start-up européennes de ce secteur – plusieurs opérations supérieures à 10 millions d'euros ont été réalisées récemment –, faisant monter les valorisations et mettant les professionnels, notamment français, en situation de devoir payer très cher les sorties dans quelques années, s'ils veulent garder la main sur leur métier.

Du côté des banques, la conclusion de partenariats commerciaux avec les jeunes pousses qui ont des offres innovantes est également un excellent levier pour enrichir leurs gammes de produits, améliorant ainsi le service rendu à leurs clients. C'est aussi un moyen de résister aux offensives des GAFA, qui ne sont pas les derniers à investir ce secteur : Google est en tête des investisseurs corporate dans les FinTech, devant Intel, le premier acteur bancaire, et, en troisième position, Citi Bank.

1 Dans Britannicus (1669), tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine, Junie, descendante d’Auguste, est la fiancée de Britannicus, ndlr.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº790
Notes :
1 Dans Britannicus (1669), tragédie en cinq actes et en vers de Jean Racine, Junie, descendante d’Auguste, est la fiancée de Britannicus, ndlr.