Le défi Bâle II au Maroc

L&rsquo;application de la nouvelle r&eacute;glementation de B&acirc;le II devient une n&eacute;cessit&eacute; pour les pays &eacute;mergents souhaitant refl&eacute;ter le dynamisme de leurs secteurs financiers et rejoindre la course internationale de la mondialisation. Au-del&agrave; de l&rsquo;aspect quantitatif qui vise &agrave; respecter un ratio de solvabilit&eacute; (entre fonds propres et actifs pond&eacute;r&eacute;s par leur niveau de risque), B&acirc;le II a en effet pour objectif d&rsquo;instaurer un processus d&rsquo;&eacute;valuation et une culture de gestion de risque dans une perspective de qualit&eacute;. Ce dispositif participerait ainsi &agrave; la mise &agrave; niveau du syst&egrave;me financier du pays et pourrait devenir un catalyseur de son d&eacute;veloppement &eacute;conomique. En revanche, ce processus doit s&rsquo;accompagner d&rsquo;une volont&eacute; de d&eacute;sengagement de l&rsquo;&Eacute;tat des &eacute;tablissements bancaires pour permettre davantage de contr&ocirc;le et de surveillance. La mise en place de B&acirc;le II est &eacute;galement une exigence pour les &eacute;tablissements financiers qui font partie d&rsquo;un groupe &eacute;tranger d&eacute;j&agrave; soumis &agrave; cette r&eacute;glementation, afin d&rsquo; avoir une vision homog&egrave;ne des risques. C&rsquo;est le cas de plus de deux tiers des groupes bancaires marocains, qui peuvent &eacute;galement b&eacute;n&eacute;ficier des retours d&rsquo;exp&eacute;rience des banques europ&eacute;ennes en termes d&rsquo;expertises humaines et d&rsquo;outils informatiques. Outre ce caract&egrave;re obligatoire, l&rsquo;application de cette r&eacute;glementation permet aux &eacute;tablissements d&rsquo;am&eacute;liorer leur politique d&rsquo;octroi de cr&eacute;dit et d&rsquo;accro&icirc;tre leur comp&eacute;titivit&eacute; en ajustant la tarification de leurs produits en fonction des risques encourus. La crise bancaire actuelle qui se mat&eacute;rialise par un rationnement des pr&ecirc;ts, notamment aux entreprises, et une contraction des march&eacute;s de cr&eacute;dit vient renforcer et acc&eacute;l&eacute;rer le processus d&rsquo;application des normes de B&acirc;le II au Maroc. Vers l&rsquo;approche avanc&eacute;e en 2011 Apr&egrave;s l&rsquo;instauration de l&rsquo;approche standard [1] [1] en 2007, les &eacute;tablissements bancaires marocains commencent &agrave; mettre en œuvre un syst&egrave;me de notation interne [2] [2] . Cette &eacute;volution vient pallier les contraintes que pr&eacute;sente l&rsquo;application de l&rsquo;approche standard. Les banques se heurtent en particulier &agrave; l&rsquo;absence d&rsquo;agences de notation locales. Il appara&icirc;t &agrave; cet &eacute;gard n&eacute;cessaire de d&eacute;velopper ces agences qui permettent de noter essentiellement des PME-PMI pour &eacute;viter le risque de d&eacute;tenir des cr&eacute;ances non cot&eacute;es, pond&eacute;r&eacute;es &agrave; 100 % et qui seraient donc assez co&ucirc;teuses en fonds propres. Autre cons&eacute;quence, l&rsquo;impact n&eacute;gatif de la notation risque pays sur les notations des entreprises, qui ne peuvent recevoir une pond&eacute;ration plus favorable. Par ailleurs, l&rsquo;application de l&rsquo;approche standard dans les banques marocaines se heurte &agrave; d&rsquo;autres difficult&eacute;s. L&rsquo;application des r&egrave;gles B&acirc;le II n&eacute;cessite un volume important d&rsquo;historiques de donn&eacute;es clients. Or, les syst&egrave;mes utilis&eacute;s actuellement ne gardent pas d&rsquo;historique et ne renseignent pas des champs importants tels que l&rsquo;&acirc;ge des clients et leur cat&eacute;gorie socioprofessionnelle&hellip; Des investissements importants Ces &eacute;l&eacute;ments justifient, pour l&rsquo;application de la r&eacute;forme B&acirc;le II, la mise en place de pr&eacute;requis et d&rsquo;investissements pour pr&eacute;parer le terrain. Moderniser les technologies de l&rsquo;information : le syst&egrave;me d&rsquo;information doit &ecirc;tre r&eacute;nov&eacute; pour am&eacute;liorer la qualit&eacute; des donn&eacute;es, int&eacute;grer les m&eacute;thodes de calcul des risques de cr&eacute;dit, de march&eacute; et op&eacute;rationnel et permettre l&rsquo;automatisation de la collecte, du traitement et de la publication de l&rsquo;information comptable et financi&egrave;re. Revoir l&rsquo;organisation interne : la gestion des risques sera optimis&eacute;e notamment &agrave; travers la constitution d&rsquo;&eacute;quipes en charge du pilotage et de la mod&eacute;lisation du risque et proc&eacute;der aux recrutements pour trouver les profils ad&eacute;quats notamment en mati&egrave;re d&rsquo;expertise en risque, en statistiques et en mod&eacute;lisation. Pr&eacute;parer un environnement ad&eacute;quat : les infrastructures institutionnelles, juridiques et fiscales doivent &ecirc;tre ajust&eacute;es aux exigences de B&acirc;le II. Le l&eacute;gislateur doit, par exemple, pr&eacute;voir un &eacute;largissement des pr&eacute;rogatives des instances de r&eacute;gulation par le biais de l&rsquo;adoption de lois de modernisation bancaire. Adapter les normes b&acirc;loises au contexte : la diversit&eacute; de l&rsquo;activit&eacute; financi&egrave;re pr&eacute;sente au sein du pays et le niveau de d&eacute;tail et de sophistication de l&rsquo;information disponible sont des facteurs importants. Constituer un cadre de supervision performant : il r&eacute;pondra aux 25 principes fondamentaux dict&eacute;s par le comit&eacute; B&acirc;le. Coordonner l&rsquo;examen des syst&egrave;mes de notation internes : il faut pr&eacute;voir des missions d&rsquo;inspection de la commission bancaire des &eacute;tablissements financiers du pays. Ce processus est suivi de l&rsquo;identification de mesures correctrices notamment sur les classes de risque d&eacute;finies, principes de gouvernance appliqu&eacute;es, l&rsquo;estimation de certains param&egrave;tres ( probability of default &ndash; PD, loss given default &ndash; LGD)&hellip; La mise en œuvre de B&acirc;le II est &eacute;galement une occasion pour les &eacute;tablissements bancaires de proc&eacute;der &agrave; une r&eacute;novation de fonctions, notamment la gestion actif-passif et les pratiques d&rsquo;octroi de cr&eacute;dit. Des familles de m&eacute;tiers seront donc directement touch&eacute;es par l&rsquo;application des normes de B&acirc;le II. Le contr&ocirc;le interne et la conformit&eacute; : mise en place imp&eacute;rative de plusieurs niveaux de contr&ocirc;le (principe des quatre yeux) afin de r&eacute;duire les conflits d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, les d&eacute;lits d&rsquo;initi&eacute;s et de r&eacute;duire le risque. L&rsquo;organisation : s&eacute;paration n&eacute;cessaire des &eacute;quipes charg&eacute;es des contr&ocirc;les p&eacute;riodiques de celles charg&eacute;es des contr&ocirc;les permanents des op&eacute;rations. Le traitement des risques en mati&egrave;re de recouvrement : les dotations aux provisions g&eacute;n&eacute;r&eacute;es par les sc&eacute;narios et la politique de recouvrement ont un impact direct sur le niveau du risque de la banque. L&rsquo;optimisation de ce processus permet de ma&icirc;triser le co&ucirc;t le risque. G&eacute;rer des chantiers multiples, un d&eacute;fi Les banques marocaines vont avoir &agrave; g&eacute;rer de multiples chantiers de r&eacute;novation, dont l&rsquo;adoption des r&eacute;formes b&acirc;loises n&rsquo;est que l&rsquo;un des aspects. En effet, cette mise en œuvre a &eacute;t&eacute; pr&eacute;c&eacute;d&eacute;e par un processus d&rsquo;informatisation et d&rsquo;automatisation des op&eacute;rations bancaires pour g&eacute;rer un grand volume d&rsquo;op&eacute;rations et centraliser l&rsquo;information au niveau d&rsquo;un groupe. Si ce processus n&rsquo;est pas bien encadr&eacute; et si le syst&egrave;me n&rsquo;est pas prot&eacute;g&eacute;, il peut devenir une source de risque op&eacute;rationnel en affectant la qualit&eacute; des donn&eacute;es et en augmentant la vuln&eacute;rabilit&eacute; des &eacute;tablissements bancaires. S&rsquo;ajoutent &agrave; cela les chantiers entam&eacute;s concernant les moyens de paiement, comme la vulgarisation de l&rsquo;utilisation de la carte bancaire, l&rsquo;adoption de la carte &agrave; puce &agrave; la place de la bande magn&eacute;tique, l&rsquo;investissement en terminaux de paiement &eacute;lectronique et l&rsquo;utilisation des t&eacute;l&eacute;paiements au moment o&ugrave; la carte bancaire demeure un moyen de retrait plus qu&rsquo;un moyen de paiement. Mener ces divers projets constitue un enjeu pour les banques, d&rsquo;autant plus que leurs co&ucirc;ts ne sont pas n&eacute;gligeables. &Agrave; titre d&rsquo;exemple, le poids des projets men&eacute;s au Maroc concernant la migration aux normes IAS-IFRS et B&acirc;le II a &eacute;t&eacute; estim&eacute; &agrave; 360 millions de dirhams (soit environ 31,7 millions d&rsquo;euros) pour l&rsquo;ensemble du secteur. Les deux tiers de ce montant concernent la mise en place de B&acirc;le II et le reste pour la migration aux nouvelles normes comptables IAS-IFRS. Concernant le projet d&rsquo;adoption de la m&eacute;thode de calcul interne, son co&ucirc;t a &eacute;t&eacute; estim&eacute; &agrave; 185 millions de dirhams, soit 16,3 millions d&rsquo;euros (source : SIA Conseil). Ce co&ucirc;t englobe les charges li&eacute;es &agrave; la constitution de l&rsquo;historique des donn&eacute;es, la notation des clients, l&rsquo;analyse statistique, la prise en compte des activit&eacute;s des filiales et le co&ucirc;t des ressources internes impliqu&eacute;es. Maghreb : un &eacute;tat d&rsquo;avancement contrast&eacute; Si l&rsquo;adoption de la r&eacute;forme B&acirc;le II devient une tendance au Maghreb, le rythme de son application diff&egrave;re d&rsquo;un pays &agrave; un autre et est tributaire du niveau de d&eacute;veloppement de son secteur bancaire. Quand certains pays sont encore au stade de la r&eacute;flexion ou de la premi&egrave;re application &ndash; elle est pr&eacute;vue en 2009 pour la Tunisie et l&rsquo;Alg&eacute;rie &ndash;, le Maroc a parcouru de bonnes &eacute;tapes en pr&eacute;parant son syst&egrave;me financier &agrave; la transposition de B&acirc;le II et entame m&ecirc;me le passage de l&rsquo;approche standard &agrave; l&rsquo;approche avanc&eacute;e. 1 La m&eacute;thode dite &laquo; standard &raquo; consiste &agrave; utiliser des syst&egrave;mes de notation fournis par des organismes externes. 2 Les m&eacute;thodes plus sophistiqu&eacute;es (m&eacute;thodes IRB), avec les m&eacute;thodes IRB-fondation et IRB-avanc&eacute;e, impliquent des m&eacute;thodologies internes et propres &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement financier d&rsquo;&eacute;valuation de cotes ou de notes, afin de peser le risque relatif du cr&eacute;dit.

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