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Recommandations de l'EBA

Comment atténuer les coûts du reporting réglementaire ?

Créé le

07.02.2022

En 2020, l’Autorité bancaire européenne (EBA) a été missionnée pour interroger les banques sur le coût du reporting réglementaire. A partir des résultats de l’enquête, elle a établi une base de recommandations. Retour sur les avancées proposées – et les oublis ! – avec un éclairage particulier sur le système de reporting intégré, dont l'étude de faisabilité a été publiée en décembre 2021.

En 2020, l’EBA a mené une enquête sur le coût de la conformité. L’objectif était double : mieux comprendre les coûts liés à la production des reporting et identifier les moyens de les réduire. La version finale de l’étude a été publiée le 16 décembre 2021, avec deux maîtres mots : intégration et proportionnalité. Le régulateur a officiellement toujours placé la proportionnalité au cœur de ses réflexions sur les reporting. Il y a néanmoins très peu de différences dans les exigences de déclarations réglementaires entre les établissements de petite taille et les grands établissements. Tout au plus, les plus petits effectuent leurs déclarations avec un grand nombre de données à néant. L’EBA reconnaît qu’elle peut faire plus. Dans son enquête sur les coûts de conformité, elle a donc sollicité divers organismes volontaires du secteur bancaire, en particulier des établissements de petite taille et non complexes (SNCI), dans plusieurs États membres, en envoyant des questionnaires quantitatifs et qualitatifs ainsi que des études de cas. Les autorités de contrôle nationales ont également fourni des informations pour étayer l’analyse.

Les préconisations de l’EBA

Sur ces bases, l’EBA a émis vingt-cinq recommandations, classées en quatre domaines. Leur impact potentiel, une fois appliquées, devrait permettre une réduction indéniable des coûts des rapports. C’est pour les institutions de petite taille et non complexes que l’impact devrait être le plus visible, avec un effet combiné estimé entre 15 et 24 %. Cela équivaut à une économie comprise entre 188 et 288 millions d’euros.

Changement des processus de définition des reportings réglementaires

L’EBA propose par exemple de se limiter à une parution annuelle pour faire évoluer ses exigences de reporting et de fournir la documentation douze mois avant la date de mise en application (recommandation 3). Sur base de réponses à l'étude de charges de reporting, l'impact de ces mesures de simplification paraît important : il s'élève à 2 ou 3 % de réduction de coûts, notamment pour les SNCI. On se souvient d'ailleurs que le régulateur français, avant d’intégrer la coordination européenne, se tenait à un tel engagement. Il s’est toutefois perdu avec la multiplication des textes et des crises en Europe.

Évolution dans la conception des exigences de reporting

Ces modifications passent par la rationalisation de l’information, notamment sur les états additionnels de suivi de la liquidité (ALMM), notoirement peu adaptés au profil des SNCI, et par l’exemption pour les petites institutions et les institutions non complexes de déclarer certains modèles (recommandation 13). En pratique, le régulateur prévoit d'exempter les plus petits établissements de la remise des états C68 sur les principaux fournisseurs de passifs et C69 sur l’analyse des taux de refinancement. Idem pour l'état C70 sur la prévision de trésorerie quotidienne. Avec plus de 4 000 données et une utilité faible pour les établissements dont la gestion de trésorerie se base sur des rythmes moins soutenus, il ne serait plus demandé qu’aux grands établissements. Ces modifications sont d’ores et déjà intégrées dans un projet de règlement modificatif, publié par l’EBA le 20 décembre 2021 pour entrer en vigueur sur l’arrêté du 31 décembre 2022 (reporting framework 3.2) après adoption par la Commission européenne.

Meilleure cohérence globale dans la demande de données

L’objectif est d’éviter la redondance des informations transmises par les établissements financiers de toutes tailles aux autorités européennes et nationales. Cela se traduit par la poursuite des travaux de l’EBA sur la mise en place du reporting intégré (recommandation n° 19). Il est envisagé, sur le long terme, un dictionnaire de données commun, avec le bon niveau de granularité, un point de collecte centralisé unique dans l’Union européenne et une gouvernance globale. L’étude de faisabilité publiée le 16 décembre 2021 confirme ces orientations. Autre point : la rationalisation du dictionnaire de taxonomies, des codes utilisés dans les remises et des modèles techniques additionnels comme la signature électronique serait un réel levier à la simplification dans le processus de déclaration, notamment pour les grands établissements transfrontaliers. La mise en œuvre de ces principes nécessitera néanmoins de gros investissements initiaux, tant pour les régulateurs que pour les établissements.

Utilisation accrue de la technologie dans le processus déclaratif

L’EBA et les autorités nationales doivent mieux faire connaître les solutions fintech et regtech et promouvoir leur adoption par les établissements (recommandations 23 et 24). Elles ont également pour cible de promouvoir la digitalisation via une meilleure numérisation des documents et contrats internes des établissements (recommandation 22).

Les autres solutions à envisager

La simplification proposée par l’EBA aurait pu être plus importante. En réalité, les ajustements proposés sont finalement très superficiels. En effet, certains des reportings perçus comme relativement coûteux par les établissements et ayant, selon les résultats de l’enquête, une importance limitée pour un bon nombre de régulateurs n’ont pas été remis en question. Par exemple, l’état F35.00 sur l’émission d’obligations garanties dans le reporting sur les actifs grevés apparaît pour la moitié des grands et moyens établissements et un tiers des petites entreprises comme un centre de coût important. De même, la préparation de l’état F31.00 au sujet des transactions avec les parties liées présente un coût élevé pour 50 % des interrogés. Aucune suppression ou simplification n’est proposée, alors que ces états sont identifiés dans les retours des régulateurs comme étant « moins fréquemment », « pas régulièrement » ou « jamais » utilisés. D’autres reportings, comme les états F15, F17 ou C11, relèvent de cette situation. Même si la charge de préparation de chaque tableau est individuellement limitée, elle revient à chaque arrêté et serait mieux investie dans l’amélioration de la qualité des autres états. Il reste donc bien des pistes d’optimisation !

La suppression d’états spécifiques, pour lesquels établissements et régulateurs ont un intérêt limité, ne doit pas être le seul levier. Les reportings les plus coûteux et complexes aux yeux des établissements sont restés hors de la ligne directrice de simplification de l’EBA. La solution pourrait survenir d’un travail de fond sur ces différents reportings par le biais d’une analyse granulaire : en se penchant sur le contenu des reportings et en proposant une simplification donnée par donnée, pour alléger les reportings « essentiels » tout en procédant à une revue du fondement et de la pertinence de chacune des données.

Le reporting intégré, vrai levier de proportionnalité

Un premier pas a néanmoins été franchi dans la réduction des coûts de conformité et de reporting. C’est positif pour les entreprises, notamment pour les SNCI, mais plus généralement pour la qualité de la supervision : les coûts inutiles viennent diluer l’effort qui devrait être concentré sur les indicateurs importants.

La publication le 27 novembre 2021 d’un nouveau paquet bancaire (projet CRD6-CRR3) en réaffirme l’importance et évoque une utilisation plus intégrée et ouverte du système existant EUCLID (European Centralised Infrastructure for Supervisory Data) dans lequel les superviseurs partagent déjà des données collectées. Cela s’inscrit dans un objectif plus complexe et lointain : un système repensé de reporting, intégré, avec un dictionnaire de données, un point central de collecte et une gouvernance transverse pour rationaliser la collecte des données. Au-delà de l’exercice technique dont l’étude de faisabilité récemment publiée par l’EBA décrit largement les enjeux, ce sera l’occasion de mettre en œuvre plus profondément les recommandations identifiées pour réduire les coûts et renforcer la proportionnalité.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº866